HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ESSAI NATHALIE FUNÈS- « LE CAMP DE LODI.... »
Le camp de Lodi. Ou les pieds-noirs
militants pour la cause algérienne (1954-1962). Essai de Nathalie Funès. Tafat
Editions, Alger 2012, 400 dinars, 201 pages,
Des syndicalistes, des communistes, des
chrétiens progressistes, des anarchistes –notamment les membres de la Fédération
communiste libertaire, Fcl- et les trotskistes
......tous des pieds-noirs anti-colonialistes.
Simples sympathisants ou militants
actifs, d’abord en soutenant le Mna créé sur les
cendres du Mtld, puis le Fln......La répression , dès le déclenchement de la guerre de libération
nationale, et tout particulièrement à partir d’avril 55 après la mise en place
de l’état d’urgence et, concrètement, à partir des derniers jours de
septembre 1955, ne va pas les épargner.
Suspects (presque tous) ou impliqués
(certains, assez nombreux) , ils seront, par
centaines, enfermés dans les prisons du pays, dont le camp de Lodi (Draa-Esmar) situé dans la région escarpée du Titteri)
sur la base d’un ancien camp de vacances de la Compagnie des chemins de fer
algériens (Cfa) : « Le Petit cheminot à la montagne ». Le « camp
des Français ». Le « camp des
pieds –noirs » (à noter que l’Algérie va compter un total de douze camps
en Algérie.... et quatre autres en « métropole » ).
Premier « arrivage »: cent trente-cinq personnes puis vingt-sept puis cinq, puis.....Une
moyenne de cent cinquante « pensionnaires » durant toute l’existence
du camp de 1965 à 1960. Des arrivées et des départs. Un peu plus d’un millier
au total. On dort par terre sur des nattes en alfa, des paillasses jetées sur
la dalle de béton ....Des centaines de prisonniers .....sans compter les femmes , internées dans un autre camp (Tefeschoun,
à l’est d’Alger ou à Béni Messous) .....et sans compter tous
les prisonnier(e)s « hébergé(e)s » ...ailleurs.
Il y a
de tout, jetés, bien souvent, derrière les barbelés sans
condamnation....et ,pour beaucoup, après
un passage dans les centres dits de
« tri et de transit », en fait des centres d’interrogatoires et
de torture (plus d’une centaine) gérés
par les paras: des chrétiens, catholiques ou protestants, des juifs, des
athées ,des agnostiques, des
fonctionnaires, des industriels, des présidents d’associations, des vendeurs de
pataugas , des journalistes, des enseignants, des agriculteurs, des
médecins , des avocats, des infirmiers, des anciens résitants
et prisonniers de guerre durant la seconde guerre contre les nazis..... Des
noms , aujourd’hui bien connus : René Justrabo
(ancien maire de Sidi Bel Abbès et dont l’épouse est
internée à Tefeschoun) , Léon Cortès (le père
d’une actrice célèbre, Françoise Fabian)
, Pierre Cots, les trois frères Timsit
(Daniel qui sera « hébergé » à la maison centrale de
Lambèse, Gabriel et Meyer qui, bien que condamnés « avec
sursis », s’en iront à Lodi), Jean Pierre Saïd (dont le cousin Pierre Ghenassia rejoindra le maquis Fln en février 1957 à l’âge
de 17 ans et décèdera dans l’Atlas de Blida.....comme d’ailleurs Maurice
Laban, Roland Siméon, Georges Cornillon,
Georges Raffini, Raymonde Peschard,
Henri Maillot........), Jean Farrugia (un rescapé de Dachau) , Marcel Lequément, Lucien Hanoun, Albert Smadja, Elie Guedj, Robert Manaranche
, Maurice Baglietto, Jacob Amar dit Roland Rhaïs (fils d’Elissa Rhaïs, Rosine Boumendil de son vrai nom ,
la romancière et de l’ancien rabbin de la synagogue de la basse Casbah
d’Alger),Gabriel Palacio, Jacques Waligorski, René Zaquin, Elie Angonin, Raymond
Neveu, Louis Pont, Fernand Doukhan, Georges Hadjadj, Henri Alleg, René Zaquin, Paul Amar, Henri Zanetacci,
René Duvalet, les trois frères Perles (dont deux
passés d’abord par la villa Sésini) .... ...
Premières libérations (des internés poussés
dehors sans argent et sans titre de transport, devenant ainsi la cible facile
de la « Main rouge », entre autres) , à partir de mars
1960......assorties d’assignations à résidence, d’ expulsions....mais quatorze
(neuf Algériens et cinq Européens) seront gardés jusqu’en novembre ......pour
être gardés, enfermés à Douéra puis transférés à la
Santé (en France) .
Hélas, pour bien d’entre-eux,
ce n’était pas fini : l’Oas les guette.....puis
l’Indépendance du pays.....puis la grande désillusion pour ce qui concerne , en
mars 1963, l’obtention de la nationalité algérienne.....puis le coup d’Etat du
19 juin 1965 qui vit l’arrestation quai-massive des « communistes »
et des « expulsions » vers ....la France.....puis la guerre israélo-arabe des Six jours en juin
1967 et la montée d’un certain antisémitisme.....puis la msie
en place de l‘Islam comme religion d’Etat......puis les attentats
islamistes.....
Roland Rhaïs, l’un
des derniers à quitter Lodi, resté en Algérie,
est mort à Alger en avril 1987 à l’âge de 84 ans, et Maurice Baglietto , dernier interné à avoir été libéré , n’a jamais
voulu partir de son quartier du Ruisseau.
L’Auteure : Née en
1963. Diplômée de l’Iep de Paris, journaliste (« Nouvel
Observateur »). Auteure d’un premier ouvrage : « Mon oncle
d’Algérie »
Extraits : « L’opération
la plus symbolique de l’entrée en guerre des pieds noirs
indépendantistes : le détournement des armes de l’aspirant Henri
Maillot » (p 58) , « Au cours des sept premiers mois de 1957, il (
Paul Teitgen,un ancien déporté, Sg de la préfecture
d’Alger......qui a démissionné en mars 57, en signe de protestation contre les
sévices et les tortures infligés ) affirme avoir signé vingt quatre mille
assignations à résidence et constaté que trois mille vingt-quatre personnes
avaient disparu, comme Maurice Audin... » (p
131)
Avis :Le monde de l’honneur face à celui de l’horreur.Un livre qui « réhabilite ».......Reste à
faire un livre identique sur les Pieds-noirs et autres Européens
indépendantistes et/ou simplement libéraux
victimes de l’Oas.
Citations : « Dans l’Algérie en guerre, il n’y a pas pire espèce qu’un
Français indépendantiste. Le répression ne va pas les
épargner » (p 24), « La France préfère enfermer les importuns au
moindre doute. Parce qu’elle veut se débarrasser de tous les gêneurs....Il faut
interner ceux qui risquent de ne jamais être condamnés, mais aussi ceux qui ne l’ont pas été
suffisamment» (pp 31-32)