L’étranger. Roman d’Albert Camus. Editions Talantikit
(collection Grands textes classiques), Bejaia, 2007, 600 dinars (acquis chez un bouquiniste) , 142 pages.
Un
livre « considéré par le grand public comme étant le meilleur roman
du XXè siècle ». Peut-être.Ce
qui est certain, c’est que ce roman (et
son auteur) a été et reste encore (et ,chez nous bien
plus qu’ailleurs, tout particulièrement ces dernières années) le plus lu, le
plus analysé, le plus discuté. L’auteur bien plus que le roman lui-même, mis à
part l’ouvrage de Kamel Daoud ! Il est vrai que les prises de position assez « tièdes »
de Camus (à l’inverse de Sartre, son « ennemi intime ») , lors de la
guerre de libération nationale et
surtout sa fameuse phrase objectivement
malheureuse face à une question, en public, jugée « provocatrice »,
lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel......lui qui s’était (dans le roman) peu soucié de l’état de santé
de sa maman, bien qu’il l’aimait beaucoup, comme tout méditérranéen , ont
fait oublier son passé de militant communiste, son travail de
journaliste au sein de la rédaction d’ « Alger Républicain »
dénonçant, entre autres, dasn un reportage fameux, la « misère en
Kabylie » et ses tentatives
« réconciliatrices » durant la guerre
. Pas assez ! Trop tard !
Reste l’œuvre. Meurseault :
un personnage hors du temps.Ni riche, ni pauvre. Ni
instruit, ni illétré. Ni pratiquant, ni athée. Ni
amoureux, ni dépourvu de sentiments. Ni travailleur, ni fainéant. Fait de mère
et de soleil. Se suffisant de manger, de
dormir, de manger juste ce qu’il faut pour survivre, de profiter au maximum du
soleil, de se baigner,de
boire , de b..... . Un extra-terrestre . Bref, un
« étranger » au pays, ne sachant que ,par hasard, le territoire est habité par des
« Arabes ».....des sortes d’« empêcheurs » de
« jouir » des « mauresques » et de la vie . Le soleil, trop
écalatant et des circonstances particulières aidant
(la solidarité raciale et le port d’une arme à feu ) ,
qu’y a –t-il de plus facile ( !?),
à défaut de les ignorer, que de les éliminer
Il sera condamné à mort
,par la justice coloniale , véritable
« mécanique qui écrasait tout » : il aura la tête
tranchée sur la place publique au nom du peuple français. Non pour ce
qu’il a commis comme crime (un Arabe, pensez-vous ?) mais surtout parce
que « monstre moral », il n‘a pas assez aimé....... sa mère.
L’Auteur : Né à Drean, ex-Mondovi, (près de Annaba,
ex-Bône) en novembre 1913. Fils d’un ouvrier agricaole
et d’une femme de ménage d’origine espagnole. Elevé (à Belouizdad,
ex-Belcourt) par une grand –mère autoritaire et un
oncle boucher.....Il y « apprend la misère ». Lycée, football, bac en
1932, militant communiste (35-37) , études de
philosophie, petits boulots, animateur de théâtre , mariage, militant dans un
mouvement de résistance en 1942, journaliste....et ouvrages (« L’Etranger
« , « Le Mythe de Sisyphe »...) . . Mésentente avec les surréalistes
(A. Breton) et les existentialistes (J-P Sartre).Octobre 57, 44 ans : Prix Nobel....dédié à son instituteur de Cm2 « qui
lui a permis de poursuivre ses études ». Mais,le même jour, une réponse publique « malheureuse »,
en liaison avec la « guerre d’Algérie », sur le choix entre la mère et la justice.Une attitude décrite comme « douloureusement
circonspecte et régressive » (A. Cheurfi) .
4
janvier 1960 : il se tue dans un accident de voiture. Il l’avait emprunté
à son éditeur, M. Gallimard . Dans une de ses poches , il y avait un manuscrit inachevé et .....un billet de chemin de fer. Albert « pas de
chance » ! Il a tout « esquivé » sauf un arbre sur la
route de Paris.
Extraits : « Aujourd’hui,
maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de
l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments
distingués ». Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier » (p 9) , « Pour que tout soit consommé, pour que je me sente
moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le
jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine » (p
142).
Avis : Un (petit...par le nombre de pages, ce qui démontre
que la quantité n’entraîne pas forcément la qualité) livre qui résume le mieux l’étrange
« amour » de (presque) tous les
pieds –noirs pour le pays « natal ». En fait, ils n’aimaient
que son soleil, et tout le reste leur était « étranger ». Et ,en fait
, peut-être, une voie originale pour Camus, l’ancien jeune communiste et
l’ancien journaliste d’iinvestigation
d’ « Alger Républicain », un « fils de pauvres », de
dénoncer –sans remettre en cause, il est vrai - une situation sociétale absurde
menant inéluctablement à la mort d’une
société enfermée dans sa bulle et d’un système d’apartheid ne disant pas son
nom..
Citations : « Sans
doute, j’aimais bien maman, mais cela ne voulait rien dire. Tous les êtres
sains avaient plus ou moins souhaité la mort de ceux qu’ils aimaient » (p
78), « Au début de ma détention.....ce qui a été le plus dur, c’est
que j’avais des pensées d’homme libre.....Ensuite, je n’avais que des pensées
de prisonnier......J’ai souvent pensé alors que si l’on m’avait fait vivre dans
un tronc d’arbre sec, sans autre occupation que de regarder la fleur du ciel
au-dessus de ma tête, je m’y serais peu à peu habitué » (p 91), « Un
homme qui tuait moralement sa mère se retranchait de la société des hommes au
même titre que celui qui portait une main meurtrière sur l’auteur de ses
jours » (p 119)