COMMUNICATION- ÉTUDES ET ANALYSES-
RÉSEAUX SOCIAUX- PROPAGANDE
Réglementation et régulation de la communication électronique.
Par (c) Tahar Beddiar (juriste
spécialisé en communication)/El mOudjahid, lundi 25
mars 2019.Extraits
Ces derniers temps, les réseaux
sociaux, Facebook, YouTube,
Twitter et d’autres plateformes, suscitent beaucoup
de polémiques et focalisent les esprits des experts, chercheurs, législateurs
et autorités de régulation, quelles que soient la territorialité, les
idéologies ou les appartenances géopolitiques… On les accuse de propager des
théories du complot, de fausses nouvelles (fake news)
et d’autres informations virales, tout ce qui est d’habitude rapidement diffusé
dans les réseaux sociaux, grâce à l’interactivité et à la célérité qui les
caractérisent.
La plateforme de vidéos est aujourd’hui un puissant outil de
propagande et de manipulation de masses. En effet, des chaînes YouTube spécialisées mènent des campagnes ciblant un groupe
spécifique d’utilisateurs pour qu’ils se forgent telle ou telle opinion sociale
et politique.
De nombreux mécanismes publicitaires de la plateforme de partage vidéo lancée
par l’entreprise américaine Google permettent d’influencer de manière directe
les populations de différents pays. Utilisant des instruments sophistiqués de
collection des données personnelles, l’entreprise a réussi à accumuler une base
de données informative pouvant cibler des peuples quelles que soient leurs
croyances ou idéologies. Ainsi, YouTube possède des
ressources pour manipuler des opinions des utilisateurs de la plateforme.
Compte tenu des moyens déployés par YouTube, il
n’aurait ainsi aucun problème à faire qu’un utilisateur serait susceptible de
croire à de fausses informations. En outre, certains médias font la promotion
d’idées favorables à leur ligne éditoriale ou aux intérêts d’un groupe
politique aux fins de propagandes et de désinformation néfastes pour la
société.
Ces derniers temps, par exemple, la presse marocaine, s’appuyant sur les vidéos
diffusées sur YouTube et Facebook
montrant des rassemblements sporadiques et des appels à une manifestation pour
le 22 février après la prière du vendredi, a tenté de faire croire que
l’Algérie bascule dans l’anarchie, la violence et à l’embrasement.
L’industrie des médias contemporains permet de diffuser et promouvoir tout
contenu douteux pour influencer son audience partout dans le monde. Jusqu’à ce
que cela soit bien rémunéré, YouTube et d’autres
géants numériques seront une pépinière d’informations virales et fausses
nouvelles destinées à servir les intérêts de ces corporations américaines.
C’est ainsi d’ailleurs que les législateurs, dans le monde et dernièrement en
Angleterre, se soulèvent et réagissent par la loi traitant d’ailleurs, par
exemple, Facebook de «gangster numérique».
La présente réflexion porte sur l'implication des réseaux sociaux dans la
propagation de fake news et d’informations contraires
à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. En effet, l’activité d’information est
régie par les lois de la République et c’est ainsi que selon la loi organique
relative à l’information «L’information est une activité librement exercée dans
le cadre des dispositions de la présente loi organique, de la législation et de
la réglementation en vigueur et dans le respect :
— de la Constitution et des lois de la République,
— de la religion musulmane et des autres religions,
— de l’identité nationale et des valeurs culturelles de la société,
— de la souveraineté nationale et de l’unité nationale,
— des exigences de la sécurité et de la défense nationale,
— des exigences de l’ordre public,
— des intérêts économiques du pays,
— des missions et obligations de service public,
— du droit du citoyen à être informé d’une manière complète et objective,
— du secret de l’instruction judiciaire,
— du caractère pluraliste des courants de pensées et d’opinions,
— de la dignité de la personne humaine et des libertés individuelles et
collectives.
Toujours selon la loi, «par activités d’information, il est
entendu au sens de la présente loi organique, toute publication ou diffusion
de faits d’actualité, de messages, d’opinions, d’idées et de
connaissances, par tout support écrit, sonore, télévisuel ou électronique, à
destination du public ou d’une catégorie de public».
Aussi, le cahier des charges générales fixant les règles imposables à
l’activité audiovisuelle prévoit que «Dans la conception et l’élaboration des
règles relatives à la programmation et à la diffusion des programmes, les
responsables des services de communication audiovisuelle veillent notamment, à
l’application des principes suivants :
- le respect des valeurs nationales et des symboles de l’Etat
définis par la Constitution ;
- le respect des exigences de l’unité nationale, de la sécurité et de la
défense nationales, de l’ordre public ainsi que des intérêts économiques et
diplomatiques de la nation ;
- le respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles
de la nation ;
- le respect des autres références religieuses et des autres croyances et
religions ;
- le respect du droit à l’honneur et à l’intimité du citoyen, ainsi que la
protection de la famille ;
- la protection des catégories de personnes vulnérables.
Toute diffusion d’informations audiovisuelles relatives à des
thèmes portant sur l’unité nationale, la sécurité et la défense nationales est
soumise à l’autorisation préalable des autorités concernées.
Les modalités d’application des présentes dispositions sont fixées par arrêté
conjoint du ministre chargé de la Communication, du ministre chargé de la
Défense nationale et du ministre chargé de l’Intérieur».
Les dispositions relatives à l’éthique et à la déontologie prévoient que :
- les responsables des services de communication audiovisuelle
veillent à garantir dans le contenu des programmes diffusés, l’expression pluraliste
des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de
traitement, d’honnêteté et d’indépendance, conformément à la législation et à
la réglementation en vigueur.
- Dans les émissions d’information politique et générale, les responsables des
services de communication audiovisuelle sont tenus de veiller notamment à :
- faire observer l’impartialité et l’objectivité, et à ne pas servir l’intérêt
et la cause de groupes politiques, ethniques, économiques, financiers,
religieux ou idéologiques ;
- ne pas instrumentaliser la religion à des fins partisanes et/ou contraires
aux valeurs de tolérance ;
- ne pas faire l’apologie de la violence et ne pas inciter à la discrimination
raciale, au terrorisme ou à la violence à l’égard de toute personne en raison
de son origine, de son genre,
de son appartenance à une race ou à une religion déterminée, et de ne pas
porter atteinte à l’intégrité morale d’une personne en vie ou décédée ;
- la violation de la vie privée, de l’honneur et de la réputation des personnes
est interdite.
- Respecter et appliquer les décisions de l’autorité de régulation de
l’audiovisuel et les recommandations des instances de surveillance des
élections pendant les échéances électorales.
En effet, la loi sur l’activité audiovisuelle prévoit qu’en
matière de régulation, l’Autorité de Régulation Audiovisuelle (ARAV) :
Les missions et attributions de l’autorité de régulation de l’audiovisuel
consistent notamment en ce qui suit :
- veiller au libre exercice de l’activité audiovisuelle dans les
conditions définies dans la présente loi et par la législation et la
réglementation en vigueur ;
-veiller à la conformité aux lois et règlements en vigueur, de tout programme
audiovisuel diffusé, quel que soit le support utilisé ;
- appliquer les règles relatives aux conditions de production, de programmation
et de diffusion des émissions d’expression directe ainsi que des émissions des
médias audiovisuels lors des campagnes électorales, conformément à la
législation et à la réglementation en vigueur.
L’activité de presse électronique et l’activité audiovisuelle en
ligne s’exercent dans le respect des dispositions de l’article 2 de la présente
loi organique.
Au sens de la loi, il est entendu par infractions liées aux technologies
de l’information et de la communication : «les infractions portant atteinte aux
systèmes de traitement automatisé de données telles que définies par le code
pénal ainsi que toute autre infraction commise ou dont la commission est
facilitée par un système informatique ou un système de communication
électronique».
En outre, selon la loi n°18-04 du 10 mai 2018 fixant les règles générales
relatives à la poste et aux communications électroniques : «Il peut être
procédé, pour des impératifs de protection de l’ordre public ou pour les
besoins des enquêtes ou des informations judiciaires en cours, à la mise en
place de dispositifs techniques pour effectuer des opérations de surveillance
des communications électroniques, de collecte et d’enregistrement en temps réel
de leur contenu ainsi qu’à des perquisitions et des saisies dans un système
informatique.
Les opérations de surveillance peuvent être effectuées dans les cas suivants :
a) pour prévenir les infractions qualifiées d’actes terroristes ou
subversifs et les infractions contre la sûreté de l’Etat ;
b) lorsqu’il existe des informations sur une atteinte probable à un système
informatique représentant une menace pour l’ordre public, la défense nationale,
les institutions de l’Etat ou l’économie nationale ;
c) pour les besoins des enquêtes et des informations judiciaires lorsqu’il est
difficile d’aboutir à des résultats intéressant les recherches en cours sans
recourir à la surveillance électronique ;
d) dans le cadre de l’exécution des demandes d’entraide judiciaire internationale.
Les opérations de surveillance ci-dessus mentionnées ne peuvent
être effectuées que sur autorisation écrite de l’autorité judiciaire
compétente.
A titre comparatif, en Europe la nouvelle directive de l'Union européenne
relative aux médias audiovisuels insiste sur l’Autorégulation et corégulation : «pour transposer la directive, les Etats
membres sont encouragés à recourir, complémentairement aux mesures
réglementaires classiques, à des instruments de corégulation
et d'autorégulation dont l'intérêt se mesure en termes d'implication des
fournisseurs de services et d'adaptation plus aisée à des situations
évolutives».
Dans les considérants, cette directive prévoit :
« À la lumière des nouvelles technologies de
transmission de services de médias audiovisuels, un cadre réglementaire relatif
à l’exercice d’activités de radiodiffusion devrait tenir compte de l’impact des
changements structurels, de la diffusion des technologies de l’information et
de la communication (TIC) et des innovations technologiques sur les modèles
d’activité…
- Chaque État membre veille à ce que tous les services de médias audiovisuels
diffusés par des fournisseurs de services de médias relevant de sa compétence
respectent les règles du droit applicable aux services de médias audiovisuels
destinés au public dans cet État membre.
Aussi et en matière de coopération entre les Etats membres, il est prévu une
relation permanente étroite entre les autorités de régulation. Ainsi par
exemple, l’Article 30 de la directive prévoit : «Les États membres prennent des
mesures appropriées pour se communiquer mutuellement et communiquer à la
Commission les informations nécessaires aux fins de l’application de la
présente directive, notamment via leurs organismes de régulation indépendants
compétents».
Récemment, il y a eu un l’exemple britannique concernant les réseaux sociaux,
en effet durant la dernière quinzaine de février 2019, un rapport rédigé par
les parlementaires britanniques appelle à la fin de l'autorégulation pour Facebook et compare ces dirigeants à des «gangsters
numériques».
La Commission sur le numérique, la culture, les médias et le sport de la
Chambre des communes (DCMS) du Parlement du Royaume-Uni a publié un long
rapport de 100 pages s'attardant sur les pratiques du réseau social.
Et le contenu de ce document est particulièrement sévère avec
l'entreprise du patron de Facebook, Mark Zuckerberg. La DCMS appelle à une régulation radicale et
indépendante de Facebook par l'adoption d'un ensemble
de lois. «Il faut une modification radicale du rapport de force entre ces
plateformes et le public. L'âge d'une autorégulation inadéquate doit toucher à
sa fin», a déclaré son président Damian Collins.
Les députés anglais ayant ouvert une enquête sur l'implication de Facebook dans la propagation de fake
news, invitent le gouvernement à imposer une régulation par la loi. Ce même
procédé est mis en œuvre par le législateur allemand.
Compte tenu de ce qui précède et vu la situation actuelle que traverse le pays,
il me semble indiqué de méditer tout ce qui tourne autour des médias, tous
supports confondus, en faisant de l’autorégulation, de la réflexion intrinsèque
si l’on puisse dire… et de s’auto-sensibiliser sur l’usage des supports
électroniques et les réseaux sociaux ainsi que leurs effets sur la société qui
pourraient être néfastes en s’appuyant d’ailleurs sur les débats lancés en
Europe.
Qu’on le veuille ou non, ce sont les sociétés européennes qui ont mis en place
ce moyen de communication et qui aujourd’hui le discutent, le remettent en
cause et ne prennent pas comme argent comptant tout ce qu’il relaie.