VIE POLITIQUE- ENQUETES ET REPORTAGES-
MOUVEMENT CONTESTATION 2019- SLOGANS
(c) Liberté/Mohamed Mouloudj, dimanche 17 mars 2019
Les marcheurs, qui
ont pu, grâce à une bonne dose d’ingéniosité, adapter à chaque fois les mots
d’ordre brandis, ont démontré une prise de conscience inégalée face aux
manœuvres continues du pouvoir en place.
Un florilège de slogans apparaît à
chaque manifestation publique. Depuis le 22 février dernier, cette éclosion de
messages politiques ne s’estompe guère. Entre sarcasme et dérision, les slogans
choisis par les manifestants expriment de manière distincte et éclatante une
profondeur politique singulière. À cette limpidité du message politique
transmis et réclamé à travers des pancartes et des slogans, c’est l’adaptation
de ces mêmes formules à chaque évolution de la situation qui surprend. Si au
début des manifestations, le rejet du 5e mandat pour Bouteflika a dominé les
slogans brandis, le refus de la prolongation de l’actuel mandat a également
suivi la décision du chef de l’État d’annuler la présidentielle, donc de
surseoir à une autre mandature.
Aussitôt la décision prise, les manifestants ont adapté leurs slogans à la
nouvelle donne, tout en gardant ceux en relation avec le départ du système.
“Nous avons dit, vous allez partir tous”, “On a dit, donc, ce sera tous”, “Le
peuple s’engage, système dégage” sont, entre autres, les slogans qui
reviennent dans chaque manifestation publique depuis près d’un mois. Pour la
manifestation de vendredi écoulé, il faut noter que le génie populaire n’a pas
chômé pour autant. Tous les slogans relatifs au 5e mandat ont été presque
bannis des marches.
Ceux qui ont apparu concernent notamment la prolongation du 4e mandat. On y a
vu des pancartes dénonçant “un mandat de 4,5”, ou bien “un mandat
4+”. À côté du rejet de Bouteflika, les dernières décisions du pouvoir ont
été largement commentées par la rue. La nomination de Bedoui
comme Premier ministre et Lamamra comme adjoint a été
l’une des “vedettes” de la manifestation. Pour exprimer le rejet de cette
décision, des marcheurs ont exprimé leur refus par des slogans à la fois
hilarants et désopilants, mais fermes. Même la conférence de presse animée
conjointement par les deux responsables n’a pas échappé à la caricature des
manifestants qui ont présenté l’événement comme un carrefour où les questions des
journalistes prennent une direction et les réponses en prennent une autre. Une
autre donne a aussi été largement reprise à travers les slogans. Ce sont les
agissements de Lakhdar Brahimi.
Brocardé et qualifié de tous les noms d’oiseau, les concepteurs des slogans et
des pancartes se sont, en effet, déchaînés sur le personnage. “Vous avez
toujours laissé la guerre derrière vous”, ont-ils rappelé, ou bien “Vous
êtes diplomate ou infirmier de Bouteflika ?”, se sont interrogés les
manifestants. À l’adresse du président français Emmanuel Macron,
la rue n’a pas été tendre. Les déclarations officielles de la France, comprises
comme une prise de position en faveur du système, ont fait réagir les
marcheurs. D’autres ont rappelé à Macron que “l’Algérie
française, c’est fini”. Un jeune a brandi une pancarte sur laquelle il
invite les responsables français à s’occuper des “gilets jaunes”. Avec art
et précision, la quasi-majorité des slogans criés ou brandis durant toutes les
manifestations exprime une position claire et assumée par le mouvement.