DÉFENSE –BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN
ADLENE MEDDI- « 1994 »
1994. Roman de Adlène
Meddi. Editions
Barzakh .
Alger 2017. 345 pages, 800 dinars
Les années 90. Le terrorisme et le contre-terrorisme. Mais
, aussi, une lutte antiterroriste clandestine (pas de sigle, pas de nom)
menée par quatre jeunes gens –des lycéens harrachis ,
dont certains ont pour parents des anciens membres d’un réseau de résistance
anticolonial et dont l’un n’est autre
que le fils d’un général des services spéciaux..... en activité - ne demandant qu’à vivre leur jeunesse , révoltés
par le meurtre de leurs proches et amis.
1994 , c’est
l’histoire d’un quartier
populaire ,El Harrach, pris dans le
piège infernal de la violence dont il était difficile de se sortir
indemne.....pour ceux qui sont heureux de s’en sortir vivants. Une guerre ne
disant pas son nom....les uns pratiquant la terreur (attentats, meurtres,
enlèvements, vols et viols....) pour imposer un nouvel ordre théocratique et
les autres (tout particulièremnt les services de
sécurité, à leur tête les services spéciaux de l’Armée) pratiquant une défense
qui ,bien souvent, ne fait pas dans le
détail. Œil pour œil, dent pour dent.
La violence de 1994, héritière de celle vécue durant les années 50 et début
60 ?....A peu près les mêmes moyens, avec souvent les mêmes hommes (qui
ont pris du galon pour certains ), mais pas les mêmes
acteurs et encore moins la même problématique. D’autant que la violence devient
souvent gratuite lorsqu’elle a pour ressort la vengeance et la haine de
l’autre. D’autant que par un mystérieux processsus d’identification, imitant (presque parfaitement ) les pères (ces « héros » si
présents et si lourds !), et la guerre n’étant plus une guerre mais un
massacre, « un carnage quotidien et banalisé », les enfants se
mettent à déraper.....D’abord « donner » des noms en fournissant anonymement des infos’.....puis abattre des
(vrais ou prétendus) terroristes. C’est-à-dire « concurrencer » les
services « autorisés » et , donc, titiller
les suceptiblités.
Plus dure sera la chute : Dix après, Amin, le fils du général des
services, devenu , lui aussi, membre des « s’rabass »,
mais n’ayant pas supporté une rupture amoureuse (avec la propre soeur de celui qu’il avait tué) terminera sa vie interné à
l’hôpital psychiatrique et placé sous surveillance sévère afin que ses
activités passées ne soient pas
dévoilées (car ne répondant pas aux plans de la lutte antiterroriste « officielle »
) et son ami Sidali (qui avait perdu un cousin
gendarme admiré, abattu par des terroristes , ce qui a rendu folle sa maman ) ,
qui a continué sa « lutte » en exil (contre les terroristes réfugiés
en France) , sera vite arrêté à son retour au pays.......et encore plus vite
« réduit » au silence.
Deux guerres , deux générations , des jeunesses
éclatées, des vies douloureuses, en
perpétuel sursis. La cauchemar a continué, renouvelé, malgré la paix revenue ! Et, est-il terminé ?Pas
sûr, même si un protagoniste affirme que « nous n’avons jamais existé.
Nous ne sommes pas ». La guerre d’hier, et celle d’avant-hier ont bien eu lieu et les « quelques traces
qui sont dans nos têtes ou au cimetière » ne seront jamais effacées.
L’Auteur :
Né en 1975 à Alger. Etudes en journalisme (Alger) et en
sociologie (Marseille) . Journaliste au quotidien
« El Watan », collaborateur à divers médias
dont « Le Point » et « Middle East Eye ».
Déjà auteur de deux romans : « Le casse-tête turc » (2002), et
« La Prière du Maure » (2008).
A participé à un ouvrage collectif : « Jours tranquilles
à Alger : Chroniques » (2016). Anime actuellement la rédaction
d’ « El Watan week
end ».
Extrait : « La
guerre se réveillait partout.Quand elle était là,
elle purifiait salement le monde, le détruisant pour en créer un autre. Mais,
quand elle revenait à travers les récits et la mémoire, ou des visages
faussement affables......la guerre devenait un poison individuel et non plus un
massacre collectif qui se banalisait en même temps qu’il faisait bondir le
nombre de victimes et l’étendue de son terrain » (p 44)
Avis : Livre dense et
puissant, c’est indéniable. Du très bon roman noir qui manque beaucoup au
paysage éditorial national ; certainement la « peur » de
s’intéresser aux forces de sécurité. Le poids du passé, encore. Livre écrit
avec minutie. Par ailleurs, il décrit , avec force détails (il a osé !) , le
fonctionnement mental et le comportement des « forces de l’ordre »
et..... celui des « forces obscures ».Comme
s’il y était. Le Service national, sans doute , la curioisté
intellectuelle du journaliste reporter certainement ...... Vous saurez, aussi,
tout, ou presque tout, sur El Harrach......d’avant (trois belles pages- 85-86
et 87.... « Dans cette ville honnie et détestée, parce
qu’ici .... »)
Citations : « L’exil a un sens de non-sens, qui fait perdre
le sens de la terre et de l’espace » (p 51), « On ne peut aimer que
si on a un peu d’amour en soi » (p 66)