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HISTOIRE – BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ÉTUDE MICHEL CORNATON- « LES CAMPS DE REGROUPEMENT... »
Les camps de regroupement de la guerre
d’Algérie. Etude de Michel Cornaton (Préface de G. Tillon et
Postface de Bruno Etienne...et courriers de Jacques Berque) .
Saihi Edition, Alger 2011 (Editions L’Harmattan,
Paris 1998 et Les Editions Ouvrières, Paris 1967) ,
950 dinars, 383 pages .
« La société algéienne a subi de nombreux
bouleversements au cours de son histoire, mais le regroupement de millions de
personnes semble bien avoir été le choc le plus violent .
Il déracina chaque fois les populations de leur univers spatio-temporel et
social .....Plus que de ses terres, le regroupement a dépouillé de sa
culture la société rurale algérienne , sans lui donner
les moyens d’élaborer une nouvelle culture ».
Une conclusion qui peut paraître aujourd’hui banale pour les nouvelles
générations.....qui oublient que le regroupement des populations algériennes
durant la guerre a touché , le plus souvent sinon toujours, brutalement
et rapidement , 2,8 milllions au moins (tandis que plus d’un million d’Algériens se réfugaient en Tunisie et au Maroc), soit près de 30% de la
population musulmane......dans environ près de 2 400 centres un peu partout à travers le territoire
national . Dans un pays comme la France , un tel
pourcentage signifierait plus de 15 millions de regroupés.....Tout ceci sans
compter les « recasés », sorte de déportés (réfugiés) clandestins
dans un village ou une ville ou un bidonville
. Près de 1,2 million de personnes au minimum. Total : près de 3,5
millions (dont près de quatre cent mille
nomades et semi-nomades) .........pour une population globale d’environ
8 500 000 musulmans. Ajoutez-y
le million de personnes se retrouvant hors des frontières (réfugiés en
Tunisie et au Maroc fuyant les zones interdites et les zones frontalières entre autres ) et on
saisit mieux l’ampleur de la catastrophe.
La catastrophe n’a , en fait,
pas commencé avec la guerre de libération nationale mais dès l’invasion
du pays . On a seulement vu une succession de formes de regroupement. Avec ,
tout d’abord, sous l’impulsion des Bureaux arabes créés en 1844, à partir de
1848, les « Smalas » (sorte de
villages de militaires autochtones).....puis les « Villages de
fellahs » (en 1846-1847).....puis les « Cantonnements » (entre 1855 et 1862) .....et
à partir de 1955, au cours de la guerre, les « regroupements ». Ils
ont connu trois périodes : D’abord, chacun a regroupé sans idée
directrice de 1955 à 1959, ensuite, de
1959 à 1961, il y a une politique officielle des regroupements. Et, à partir de
mai 1961, est amorcée la politique de « dégroupement » (en fait, sur
le terrain, un « non-dégroupement » ) . Avec
l’utilisation de plusieurs termes, surtout par les militaires, pour décrire la situation des populations
déplacées de plus en plus nombreuses avec ,
entre autres, l’extension des zones interdites à toute l’Algérie entre 1955 et
1957 : le regoupement
(« spontané » ou « forcé », mais toujours sous la
contrainte ) le recasement, le
resserrement, les « nouveaux villages », les « mille
villages »....entraînant toutes les confusions possibles . Changement de
politique, changement de termes mais aucun changement de pratiques !
Avec une « gestion » importée et appliquée par les anciens
d’Indochine (« ceinturions » revenus vaincus prendre leur
« revanche ») sur la base des
expériences coloniales françaises en Cochinchine en 1946 et au Cambodge en 1949 et américaine enVietnam du Sud à
la fin des années 50 (8000 villages de regroupement et hameaux stratégiques )
.....sur la base du fameux principe maoiste « le
rebelle vit dans la population comme un poisson dans l’eau ; retirez l’eau
et le poisson crève » (oubliant qu’il « était aussi difficile de
séparer le rebelle de la population que de vider la mer pour pêcher un
poisson ») ,
la misère était si grande dans les centres de regroupement « que de
nombreux journaux purent parler à l’époque de génocide »
L’ Auteur : Docteur en
sociologie, docteur d’Etat ès-Lettres (psychologie) , professeur de psychologie
sociale (Lyon II). A partir de 1987, directeur-fondateur d’une revue de lettres
et des humaines. Plusieurs études sur l’Afrique publiées. A effectué son
service militaire en Algérie (quatorze mois, à partir de 1959,affecté alors à
Fort National, en Grande Kabylie, participant ainsi aux ratissages de
l’opération « Jumelles » puis aux activités de « codeur »
et de « décodeur » des messages pour l’état-major du secteur. Il dit
n’avoir jamais pensé à faire le « grand refus » de la guerre
d’Algérie....bien que convaincu de l’indépendance nécessaire de l’Algérie, tout
en s’interrogeant sur « l’heure » de cette indépendance
)....et il est revenu en Algérie en juin 1963 ....dans le cadre de
l’ « alphabétisation ». A
séjourné quatre fois, de 1963 à 1965, durant huit mois au total, dans le
cadre de ses recherches...et il n’y est revenu qu’en 1978.
Extraits : « Algérie, terre de sang, encore
et encore....car, ce qui se passe là-bas, si près, doit être d’abord référé à
la longue histoire de ce pays supplicié, antérieure à la colonie, aux guerres
de colonisation et de décolonisation, à la politique économique et sociale de
l’Etat algérien « (p 14) , « Au même titre que les
« combattants des djebels » dont parle Jacques Berque, les
regroupements de population démontrent qu’il n’y a rien à faire contre
l’alliance d’un homme et de son sol » (p 171)
Avis : A lire ,
tout particulièrement la première partie consacrée aux camps de regroupement
durant la période coloniale, le reste (la période post-indépendance)
relevant d’une position idéologique assez contestable, douteuse même
dénotant , quelque part, un certain
dépit de n’avoir pas été , parfois, très bien accueilli.
Citations : « Le
réel , c’est l’individuel et c’est nous priver de la connaissance de ce qui
est, que de nous cantonner à l’étude du général , c’est-à-dire des phénomènes
abstraits qui sont à la surface du réel, alors que l’individuel en fait le
fond ......il n’y a pas une Algérie, mais des Algéries»
(p 33) , « La guerre révolutionnaire a un objectif politique, alors que la
guerilla ne vise qu’une armée....La guerre révolutionnaire
fait participer toute la population à la lutte contre l’autorité politique en
place, à tel point que l’adversaitre ne parvient plus
à distinguer le combattant du non-combattant »(p 58) , « L’amnésie
et l’amnistie sont les deux abcès d’une mémoire sacrifiée » (Bruno Etienne
, p 350), « L’Algérie est un non-lieu catastrophique puisqu’il est
interdit de faire le travail de deuil » (Postface, Bruno Etienne, p 351)