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Récit Slimane Zeghidour - "Sors, la route dt'attend..."

Date de création: 10-03-2019 19:15
Dernière mise à jour: 10-03-2019 19:15
Lu: 1231 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- RÉCIT SLIMANE  ZEGHIDOUR- « SORS, LA ROUTE T’ATTEND.... »

Sors, la route d’attend. Mon village en Kabylie, 1954-1962. Récit de Slimane Zeghidour. Editions les Arènes, Paris, 2017 , 294 pages , 1 500 dinars

Il a vécu toute son enfance à « l’écart de tout, à l’abri des barbelés électrifiés, soumis  , à l’intérieur , aux discours des officiers de la SAS et à l’extérieur (les adultes, cela s’entend) aux mots d’ordre des moudjahidine ; dans un djebel équarri en zones, balisé de casernes, de pitons et de tours de guet, un sol miné, un ciel sillonné d’avions ; en un mot, sous couvre-feu et presque sous vide, hors du temps, à contretemps. »

Il n’allait pas encore à l’école quand toute la population rurale de la région (entre autres celle du village natal, El Oueldja) a été,  brusquement et brutalement , laissant maison, outils et animaux derrière elle, « regroupée » dans un camp. Ce sera celui d’Erraguene, tout près d’une  carière d’où sont extraites les pierres destinées ...à un barrage en construction. De la main-d’œuvre à bon marché pour les entreprises ! Et puis le bruit  (tout nouveau pour des personnes habituées au silence de la montagne et aux seuls appels des animaux) des camions et des bulldozers, des explosions, des sirènes, des avions et des hélicoptères....sans oublier, la nuit, les coups de feu. Un encadrement assez serré des nouveaux habitants par des militaires : des officiers  chargés beaucoup plus de l’ « action psychologique » (l’ « Ecole » – en fait un Centre d’instruction de la pacification et à la contre-guerilla, , CIPCG – de Jeanne d’Arc, aujourd’hui L. Ben M’hidi, près de Philippeville, aujourd’hui Skikda, créée le 10 mai 1958 est  ,en peu , de temps connue mondialement par tous les apprentis dictateurs et régimes répressifs, puisqu’elle accueillera des « étudiants   en treillis » venus apprendre à lutter contre la « subversion rouge » et à utiliser de « la crevette Bigeard » et à s’inspirer des méthodes paras lors de « la Bataille d’Alger » : belges,, brésiliens, argentins, chiliens, portugais, sud-africains, israéliens et même sud-coréens.....huit mille au total....  ) et des troupes pour contrôler les allées et venues et réprimer .  Cent cinquante mille fellahs –des ruraux hagards – ont été arrachés à leur terroir et on atteri dans un millier de camps de regroupement....soit un paysan sur deux .....et qui fourniront , pour la plupart contre leur gré, sous la pression des opérations de « retournement » ,  un demi –million d’auxiliaires , au minimum un adulte sur quatre.Tous  transformés, sans qu’ils le sachent presque toujours , avec leurs familles, en « amis de la France ».

Le barrage est terminé.....le camp est déplacé un peu plus loin......de l’école....et dans des conditions d’accueil encore plus dures.....et c’est le retour aux travaux des champs si oubliés......et puis, c’est le « cessez-le-feu » , le départ des troupes françaises, les premières joies de la liberté retrouvée. Retour au point de départ et, devant  la résurgence des anciens conflits tribaux et claniques couverts dans un espace totalement abandonné mais tombé , parfois, aux mains , aux mains  des « marsiens ». Un nouvel exode (presque une fuite) pointe  ...cette-fois ci vers ........Alger. La route, toujours la route. Le reste est une autre histoire.

L’ Auteur: Né en septembre à El Oueldja (près de Jijel , ex-Djidjelli) en septembre  1953.  Journaliste et essayiste français d’origine algérienne installé en France depuis mai 1974 (il sera « réintégré » en 1991). Habité par le dessin, il participa, ainsi, à dix sept ans, à la naissance de la première bande dessinée algérienne , autodidacte grand voyageur (Amérique du Sud , monde arabe....) et grand reporter pour de grands titres de presse français, il est, aujourd’hui, éditorialiste à Tv 5 Monde. Auteur de plusieurs ouvrages  dont « La vie quotidienne à la Mecque de Mahomet à nos jours » qui avait obtenu le prix Clio d’histoire (Hachette 1989)

Extraits « Au djebel, pour insalubre qu’il soit, un domicile n’est pas une habitation profane, c’est bel et bien un temple, un espace quasiment sacré » (p 15), « Suis-je vraiment un étranger à Paris, un immigré, un « isssu » de je ne sais quoi, un binational ou un Français pas tout court mais tout long, tout au long d’un bon siècle et demi d’Histoire et d’histoires ? » (p 70), «  Diviser pour régner....A cet antique expédient, la France a succombé , dès la conquête du pays. D’une main, elle a aggrandi le territoire et unifié les colons aux origines disparates, de l’autre, elle a disloqué le bled des autochtones et réduit leurs tribus en poussière de clans (...) . But de l’opération, consacrer la cohésion des Européens , sceller la désunion des Musulmans «  (p 135), « La France , qui a fabriqué l’Algérie de toutes pièces, se voit elle-même redessinée par le Fln : déclaré wilaya VII, l’Hexagone est placé sous l’autorité d’un organisme spécial , la Fédération de France «  (p 137) 

 Avis : A lire ....pour se pénétrer de la vie durant l’époque coloniale et ses retombées.....Destiné surtout à ceux qui s’intéressent à un aspect « oublié » de la guerre : la vie dans les centres de regroupement des populations rurales gérés par les Sas.   Moult digressions assez critiques  avec des comparaisons hier-aujourd’hui, une habitude bien de chez nous, ....et tendance lourde à se « kabyliser »...sans préciser si le choix relève de la géographie (la Kabylie –selon moi, région occupée par des tribus berbères « arabisées » ou non, montagnardes - allant du Chenoua jusqu’au massif de Fil Fila, en passant par le Djurdjura et c’est que comprenait l’administration coloniale avant de se lancer dans des opérations de division) ou de l’ethnographie.

 Citations : «  C’est la guerre d’indépendance qui nous a fait rencontrer les Français. Il aura fallu que le Fln nous fasse miroiter l’Algérie pour que la France y accorde,  afin d’y suppléer , sous l’aspect d’un Janus, ce dieu des choix et des passages à deux faces : le soldat et l’ingénieur, l’infirmier et le légionnaire, puis la séringue et le fusil, l’école et la caserne, l’hôpital et la prison... » (p 74), « La guerre, y compris « populaire » , n’a qu’un nerf : l’argent » (p 76), « Le conflit algérien n’ayant point été reconnu en tant que tel, il n’a eu ni début ni fin. Il se poursuit aujourd’hui, en France désormais, avec d’autres moyens, mais les mêmes acteurs (....), des mots similaires (....), des hantises et des mots d’ordre  qui font écho à ceux d’antan : submersion démographique, colonisation à rebours, islamisation, guerre civile, expulsion... ».( pp 157-158)