RELATIONS INTERNATIONALES- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ESSAIS AMIN KHAN- « NOTRE RAPPORT AU MONDE.... »
Notre rapport au monde.Eléments pour un
manifeste de l’Algérie heureuse .Essais (11) sous la direction de Amin Khan. Chihab
Editions. Alger 2017, 145 pages, 1 000
dinars.
La mondialisation ? Un bien grand mot pour les uns, tout
particulièrement ses promoteurs qui la présente comme une ère de grande liberté
et de croissance puissante des moyens économiques et matériels et de l’accès de l’humanité aux bienfaits de
cette nouvelle « ère ».
Mais, il est bien trop gros (comme
mot) pour bien des analystes (et des citoyens du monde) qui n’y voient , tout
particulièrement ces dernières décennies, qu’une accélération démente de la
dilapidation des ressources naturelles
(de la planète, l’Algérie compris) , qu’une aggravation des inégalitées
entre les pays (et à l’intérieur des pays, européens y compris) , qu’une
augmentation de la violence (y compris
verbale) , du terrorisme et de la criminalité , qu’une prolifération des conflits armés et des
guerres « civiles » , un démantèlement de bien des pays (Yougoslavie
, Irak, Soudan, Libye......) et une décomposition parfois spectaculaire de
nombreux autres (Mali, Ukraine, Yémen, Syrie...l’Algérie y ayant échappé de
justesse avec les tentatives d’
« ingérence » étrangère durant une décennie rouge –une guerre
civile ?- ayant causé près de 200 000 morts ) . La mondialisation, ce
sont aussi les déplacements de millions d’hommes, de femmes et d’enfants
brutalement déracinés...
Tout cela , dans un « marché global de
l’illusion », facilitant la croissance de fausses valeurs, d’idées
nocives, la fabrication massive de l’ignorance, la production et la
consommation frénétiques de produits « toxiques et sucrées ».....
C’est, en fait, ce que tentent de montrer et de démontrer nos dix (10) auteurs , sur la base du fait que « le refus des
évidences est une discipline intellectuelle salutaire ». Donc, non un procès de la mondialisation et
de ses effets néfastes, mais seulement un constat ,
certes sévère mais bien juste, et où l’Algérie n’est pas épargnée.
Mouanis Bekari nous parle
des raisons de notre échec qui sont nombreuses, accompagnées de tragédies
Amin Khan, lui, se penche sur la « fables des
valeurs universelles » (l’individu, le racisme, la liberté, la justice, la
paix) avec des analyses critiques
Said Djaâfer pense que « le Maghreb ( est) une vieille idée à réinventer » , une idée à
laquelle il ne faut pas renoncer car le « renoncement est un luxe que nos
sociétés ne peuvent se permettre » (Ait Ahmed dixit )
Nedjib Sidi Moussa aborde « l’obscurantisme
contemporain », demandant le « dépassement au profit d’une conception
rationaliste et universaliste de la société , en
évitant toute forme d’essentialisme et en rompant avec la quête morbide de
l’homogénéité des nations ou des peuples »
Pour Akram Belkaid, il
faut « changer notre rapport au monde », indiquant que « la
rationalité et la bonne connaissance des relations internationales démontrent
que tout n’est pas que complot »..et que le
« wanetoutrisme » (Venant du slogan
« One-Two-Three, Viva l’Algérie ») relève du chauvinisme étroit et de
la propagande
Ahmed Cheniki se penche sur « nos indéfinisables altérités » ,
résumées par une magnifique phrase
« Je sais qui je suis, mais je ne sais pas comment je suis devenu
ce que je suis »
Ahmed Bedjaoui nous présente les « Images de
nous autres »...notre image se trouvant , 55 ans
après l’Indépendance, amputée en bonne
partie par des décisions destructives prises au cours des années 60
Enfin, Tin Hinan El Kadi nous raconte ses études
et sa vie en Chine (« L’Algérie
est le pays qui a battu la Corée du Sud ») et Suzanne El Farra, algéro-palestinienne, son
« intégration » et et ses déchirements avec
« Algérie/Palestine, une histoire de miroirs ». Quant à Jihad Hudaib ,
le poète Palestinien né en Jordanie (et
décédé en 2015) , « oiseau
voyageant continuellement entre les deux rives » , sa contribution est un
court poème, au titre évocateur : « Etrangers »
Un critique a affirmé que « le lecteur a maintenant tous les outils
entre les mains pour discerner la passion de la raison..et
on ne lui fera plus avaler des couleuvres ». Pas si sûr, tant les
dégâts et les cassures causés –d’abord et avant tout par les
« décideurs » - à la conscience et aux comportements des citoyens
sont nombreux et profonds, la folie l’emportant (presque
) toujours sur la raison !Là-bas. Içi.
Les Auteurs : Mouanis Bekari, Amin Khan (Introduction et texte)
, Saïd Djaafer, Nedjib
Sidi Moussa, Akram Belkaïd,
Ahmed Cheniki, Ahmed Bedjaoui,
Tin Hinan El Kadi, Suzanne El Farra,
Jihad Hudaib.
Une bio-bibliographie des auteurs est présentée
(avec date et lieu de naissance....tous des 1954 et plus (avec une naissance en
92) ; Ahmed Bedjaoui étant la seule exception , en fin d’ouvrage....ce qui est assez nouveau ,
donc original et utile pour une meilleure compréhension des styles et des
contenus (assez « engagés »pour ne pas dire militants)
Extraits : « La vérité est qu’il n‘y a
jamais d’identité fixe, ni d’altérité autre que relative et datée. Il n’y a
jamais de sang pur ou de sang impur, pas plus qu’il n’y a de nation éternelle , de nature humaine, ou de vérité absolue. Les
humains, ou les peuples, ne sont ni bons ni mauvais. Leur histoire est le
résultat , toujours provisoire , de mille déterminations et de mille
circonstances « (Amin Khan, introduction, p12), « Le tabou du
métissage tout comme l’internationalisme borné font partie des limites
significatives du populisme algérien- jadis révolutionnaire, aujourd’hui
réactionnaire »(Nedjib Sidi Moussa, p 63) ,
« Venant après l’oppression agraire des Ottomans et les expropriations
françaises, on ne peut se demander si la réforme agraire menée en 1974 par Boumediène n’a pas un peu plus accentué la cassure de
l’Algérien avec sa terre , créant un fossé difficile à combler » (Ahmed Bedjaoui, p 100)
Avis :Deuxième ouvrage sous la direction de Amin Khan (le premier étant « Nous autres. Eléments
pour un manifeste de l’Algérie heureuse » , déjà
présenté dans Mediatic). Ecrits globalement assez
pessimistes (mis à part le texte « piquant et frais » de la benjamine des contributeurs, Ti Hinan) , le bonheur n’étant , en
réalité, ni « dans le pré » ni tout près . Lutter, encore lutter,
toujours lutter....Décidemment , on ne s’en sortira jamais.Peut-être, s’en foutre ou se limiter à gérer
son quotidien ?
Citations : «
Dans la phase actuelle de la mondialisation, le consensus est une des
techniques de gouvernance internationale privilégiées des dominants »
(Amin Khan, p 31) , « Contrairement à la « tolérance » ,
notion paternaliste, hypocrite, conservatrice, discriminatoire et raciste, qui
maintient l’état moral en l’état, le respect est une condition nécessaire du
dialogue, de la cohabitation, de la coopération, du vivre ensemble, de la
démocratie et du développement » (Amin Khan, p 43), « Les
frontières les plus hideuses sont bien celles qui s’érigent sur le béton armé
de l’amnésie historique et de l’ignorance « (Said
Djaafer,p 51) , « Un publi-reportage,
c’est-à-dire de la publicité payante maquillée en reportage, ne profite jamais à celui qui le
commande, mais à celui qui le commercialise » ( Akram
Belkaid, p 69), « L’authenticité est un
ghetto » (Ahmed Cheniki,
p 76), « Il n’y a pas de culture vierge. Toute culture emprunte à une
autre des traits et des éléments correspondant à son vécu et à son besoin
social. On ne peut pas vivre hors du /le
monde » (Ahmed Cheniki, p 79)