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Essais Amin Khan- "Notre rapport au monde...."

Date de création: 09-03-2019 18:21
Dernière mise à jour: 09-03-2019 18:21
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RELATIONS INTERNATIONALES- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAIS AMIN KHAN- « NOTRE RAPPORT AU MONDE.... »

Notre rapport au monde.Eléments pour un manifeste de l’Algérie heureuse .Essais (11) sous la direction de Amin Khan. Chihab Editions.  Alger 2017, 145 pages, 1 000 dinars.

La mondialisation ? Un bien grand mot pour les uns, tout particulièrement ses promoteurs qui la présente comme une ère de grande liberté et de croissance puissante des moyens économiques et matériels  et de l’accès de l’humanité aux bienfaits de cette nouvelle « ère ».

Mais,  il est bien trop gros (comme mot) pour bien des analystes (et des citoyens du monde) qui n’y voient , tout particulièrement ces dernières décennies, qu’une accélération démente de la dilapidation  des ressources naturelles (de la planète, l’Algérie compris) , qu’une aggravation des inégalitées entre les pays (et à l’intérieur des pays, européens y compris) , qu’une augmentation de la  violence (y compris verbale) , du terrorisme et de la criminalité , qu’une  prolifération des conflits armés et des guerres « civiles » , un démantèlement de bien des pays (Yougoslavie , Irak, Soudan, Libye......) et une décomposition parfois spectaculaire de nombreux autres (Mali, Ukraine, Yémen, Syrie...l’Algérie y ayant échappé de justesse avec les tentatives d’  « ingérence » étrangère durant une décennie rouge –une guerre civile ?- ayant causé près de 200 000 morts ) . La mondialisation, ce sont aussi les déplacements de millions d’hommes, de femmes et d’enfants brutalement déracinés...

Tout cela , dans un « marché global de l’illusion », facilitant la croissance de fausses valeurs, d’idées nocives, la fabrication massive de l’ignorance, la production et la consommation frénétiques de produits « toxiques et sucrées ».....

C’est, en fait, ce que tentent de montrer et de démontrer nos dix (10) auteurs , sur la base du fait que « le refus des évidences est une discipline intellectuelle salutaire ».  Donc, non un procès de la mondialisation et de ses effets néfastes, mais seulement un constat , certes sévère mais bien juste, et où l’Algérie n’est pas épargnée.

Mouanis Bekari nous parle des raisons de notre échec qui sont nombreuses, accompagnées de tragédies

Amin Khan, lui, se penche sur la « fables des valeurs universelles » (l’individu, le racisme, la liberté, la justice, la paix) avec des analyses critiques

Said Djaâfer  pense que « le Maghreb ( est) une vieille idée à réinventer » , une idée à laquelle il ne faut pas renoncer car le « renoncement est un luxe que nos sociétés ne peuvent se permettre » (Ait Ahmed dixit )

Nedjib Sidi Moussa aborde « l’obscurantisme contemporain », demandant le « dépassement au profit d’une conception rationaliste et universaliste de la société , en évitant toute forme d’essentialisme et en rompant avec la quête morbide de l’homogénéité des nations ou des peuples »

Pour Akram Belkaid, il faut « changer notre rapport au monde », indiquant que « la rationalité et la bonne connaissance des relations internationales démontrent que tout n’est pas que complot »..et que le « wanetoutrisme » (Venant du slogan « One-Two-Three, Viva l’Algérie ») relève du chauvinisme étroit et de la propagande

Ahmed Cheniki se penche sur « nos indéfinisables altérités » , résumées par une magnifique phrase  « Je sais qui je suis, mais je ne sais pas comment je suis devenu ce que je suis »

Ahmed Bedjaoui nous présente les « Images de nous autres »...notre image se trouvant , 55 ans après l’Indépendance,  amputée en bonne partie par des décisions destructives prises au cours des années 60

Enfin, Tin Hinan El Kadi nous raconte ses études et sa vie en Chine (« L’Algérie   est le pays qui a battu la Corée du Sud ») et Suzanne El Farra, algéro-palestinienne, son « intégration » et et ses déchirements avec « Algérie/Palestine, une histoire de miroirs ». Quant à Jihad Hudaib , le poète Palestinien  né en Jordanie (et décédé en 2015) ,   « oiseau voyageant continuellement entre les deux rives » , sa contribution est un court poème, au titre évocateur : « Etrangers »

Un critique a affirmé que « le lecteur a maintenant tous les outils entre les mains pour discerner la passion de la raison..et on ne lui fera plus avaler des couleuvres ». Pas si sûr, tant les dégâts et les cassures causés –d’abord et avant tout par les « décideurs » - à la conscience et aux comportements des citoyens sont nombreux et profonds, la  folie l’emportant (presque ) toujours sur la raison !Là-bas. Içi.

 

 

 

 

Les Auteurs : Mouanis Bekari, Amin Khan (Introduction et texte) , Saïd Djaafer, Nedjib Sidi Moussa, Akram Belkaïd, Ahmed Cheniki, Ahmed Bedjaoui, Tin Hinan El Kadi, Suzanne El Farra, Jihad Hudaib.

Une bio-bibliographie des auteurs est présentée (avec date et lieu de naissance....tous des 1954 et plus (avec une naissance en 92) ; Ahmed Bedjaoui étant la seule exception , en fin d’ouvrage....ce qui est assez nouveau , donc original et utile pour une meilleure compréhension des styles et des contenus (assez « engagés »pour ne pas dire militants)

Extraits : « La vérité est qu’il n‘y a jamais d’identité fixe, ni d’altérité autre que relative et datée. Il n’y a jamais de sang pur ou de sang impur, pas plus qu’il n’y a de nation éternelle , de nature humaine, ou de vérité absolue. Les humains, ou les peuples, ne sont ni bons ni mauvais. Leur histoire est le résultat , toujours provisoire , de mille déterminations et de mille circonstances «  (Amin Khan, introduction, p12), « Le tabou du métissage tout comme l’internationalisme borné font partie des limites significatives du populisme algérien- jadis révolutionnaire, aujourd’hui réactionnaire »(Nedjib Sidi Moussa, p 63) , « Venant après l’oppression agraire des Ottomans et les expropriations françaises, on ne peut se demander si la réforme agraire menée en 1974 par Boumediène n’a pas un peu plus accentué la cassure de l’Algérien avec sa terre , créant un fossé difficile à combler » (Ahmed Bedjaoui, p 100)

Avis :Deuxième ouvrage sous la direction de Amin Khan (le premier étant « Nous autres. Eléments pour un manifeste de l’Algérie heureuse » , déjà présenté dans Mediatic). Ecrits globalement assez pessimistes (mis à part le texte « piquant et frais »  de la benjamine des contributeurs, Ti Hinan) , le bonheur n’étant , en réalité, ni « dans le pré » ni tout près . Lutter, encore lutter, toujours lutter....Décidemment , on ne s’en sortira jamais.Peut-être, s’en foutre ou se limiter à gérer son quotidien ?

 Citations : «  Dans la phase actuelle de la mondialisation, le consensus est une des techniques de gouvernance internationale privilégiées des dominants » (Amin Khan, p 31) , « Contrairement à la « tolérance » , notion paternaliste, hypocrite, conservatrice, discriminatoire et raciste, qui maintient l’état moral en l’état, le respect est une condition nécessaire du dialogue, de la cohabitation, de la coopération, du vivre ensemble, de la démocratie et du développement »  (Amin Khan, p 43), « Les frontières les plus hideuses sont bien celles qui s’érigent sur le béton armé de l’amnésie historique et de l’ignorance «  (Said Djaafer,p 51) , « Un publi-reportage, c’est-à-dire de la publicité payante maquillée en  reportage, ne profite jamais à celui qui le commande, mais à celui qui le commercialise » ( Akram Belkaid, p 69), « L’authenticité est un ghetto »  (Ahmed Cheniki, p 76), « Il n’y a pas de culture vierge. Toute culture emprunte à une autre des traits et des éléments correspondant à son vécu et à son besoin social. On ne  peut pas vivre hors du /le monde » (Ahmed Cheniki, p 79)