VIE POLITIQUE- ENQUETES ET
REPORTAGES- 5è MANDAT PRESIDENTIEL –
MANIFESTATIONS- CHRONOLOGIE
(c) Le Soir d’Algérie/ Azedine Maktour, jeudi 7 mars
2019
Ils l’ont voulu, ils l’ont eu ce
mouvement populaire pour exprimer de la plus haute voix le rejet d’un cinquième
mandat de Bouteflika à la tête du pays.
Mouvement de protestation dont la première manifestation est apparue aux yeux
du monde le 22 février, avec les premières marches organisées de manière
quasi-simultanée à travers pratiquement tout le pays, mais dont les germes sont
apparus au grand jour dès le début du retrait des formulaires de souscription, le
20 janvier dernier, après la convocation du corps électoral deux jours plus
tôt, lorsque, sur les réseaux sociaux, les Algériens exprimaient leur mal-être
à la vue de la «qualité» des dizaines d’individus qui, sans qu’ils s’en rendent
compte pour la plupart, banalisaient un acte de la plus haute importance que
celui de prétendre à la présidence de la République. Depuis, c’est le monde
entier qui a les yeux rivés sur l’Algérie et sa Révolution 2.0 que porte,
notamment, une nouvelle génération à laquelle, sans doute, beaucoup
n’accordaient pas autant de génie que celui dont elle fait preuve depuis
plusieurs semaines maintenant dans la conduite d’un mouvement aussi
«surprenant» comme le qualifient de nombreux titres majeurs de la presse de par
le monde. Un mouvement populaire dont voici les faits marquants jusque-là.
20 janvier - Le mouvement Mouwatana, par la voix de Soufiane
Djilali, fait état que plusieurs tentatives d’actions de rue, les premières du
genre, dénonçant un nouveau mandat de Bouteflika sont bloquées par la police.
16 février - Des centaines de personnes, des
jeunes pour la plupart, sortent dans les rues de la ville de Kherrata, à l’est de la wilaya de Béjaïa,
pour ce qui sera la première grande manifestation de protestation contre le 5e
mandat après des tentatives avortées dans quelques villes du pays dont Alger et
quelques sorties de dizaines de jeunes à Sidi-Bel-Abbès et Bordj-Bou-Arréridj notamment.
17 février - Première manifestation de la
communauté algérienne en France qui s’est donné rendez-vous à la place de la
République à Paris alors qu’à Alger, Biskra et d’autres villes du pays, la
fièvre du rejet du 5e mandat gagne les stades de football.
18 février - Des appels non identifiés
sont lancés sur les réseaux sociaux, Facebook
surtout, pour des marches devant avoir lieu à travers toutes les villes du
pays, le 22 février après la prière du vendredi, pour exiger que Bouteflika ne
se présente pas pour un nouveau mandat. Beaucoup se disent sceptiques sur cette
action en raison du jour et du moment choisi pour la manifestation. La main des
islamistes, suggèrent beaucoup de voix sur les réseaux sociaux et à travers la
presse.
20 février - Alors que Nouredine
Bedoui, à partir de Djelfa, avertissait contre les
manifestations de rue, une immense foule prend d’assaut pour un rassemblement
le parvis de la mairie de Khenchela afin de s’en
prendre au zélé président de l’APC qui voulait interdire sa ville aux opposants
au 5e mandat de Bouteflika
22 février - D’immenses rassemblements
puis des marches sont tenues simultanément, après la prière hebdomadaire, un
peu partout à travers le pays en réponse à l’appel anonyme lancé en début de
semaine. Contrairement à ce qui était craint, les activistes islamistes,
auteurs soupçonnés de l’appel, les Algériens ne les ont vus nulle part.
Partout, c’est le même tableau qui a prévalu : des foules mixtes, bigarrées,
entonnant des slogans nouveaux et empruntant d’autres d’une certaine époque
sous le regard de policiers, certes rameutés en grand nombre, mais le bâton rangé,
sauf en certains endroits dits sensibles de la capitale, à l’instar des
quartiers riverains de la présidence de la République où ont été tirées des
grenades lacrymogènes.
24 - 27 février - Les étudiants de nombreuses
universités du pays se donnent le mot pour investir les rues des grandes
villes. Ils sont des milliers un peu partout à rejeter le 5e mandat de
Bouteflika et le système qu’il incarne.
Des avocats de plusieurs barreaux du pays se rassemblent ou marchent chacun
dans sa wilaya pour grossir les rangs des citoyens anti-5e
mandat, alors que les acquis à la cause du président de la République ont,
comme par enchantement, disparu de la scène qu’ils occupaient jusqu’à il y a à
peine trois semaines.
1er mars - Incroyable déversement de flots humains sur les villes du pays. Des
marées humaines, de l’avis même de la presse internationale pourtant très
pointilleuse sur l’ordre de grandeur des manifestations. La capitale voit ainsi
une foule que les anciens disent n’avoir pas vue dans d’aussi incroyables proportions
depuis l’indépendance. Des images qui font le tour du monde, étayées par des
commentaires soulignant le caractère pacifique des manifestants et leur
opposition résolue à Bouteflika et son régime.
3 mars - Les universités du pays sont en
ébullition alors que tout le monde a les yeux rivés sur le Conseil
constitutionnel pour avoir le fin mot de l’histoire : Bouteflika sera-t-il ou
non candidat à sa propre succession ? La réponse au dépôt de sa candidature par
son directeur de campagne viendra, encore une fois, de la rue avec des
manifestations nocturnes jusqu’à des heures avancées dans de nombreuses villes
du pays.
4-5 mars - Les étudiants remettent l’habit des
protestataires contre le 5e mandat et l’avènement de la IIe République avec des
rassemblements, comme celui d’Alger, et des marches à travers tout le pays
pratiquement.
Les Etats-Unis, qui «soutiennent le peuple algérien et son droit à manifester
pacifiquement», et l’Union européenne qui a appelé au respect de la liberté
d’expression et de réunion, apportent de l’eau au moulin des protestataires
tournés, eux, vers le rendez-vous du 8 mars.
Azedine Maktour