CULTURE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ESSAI
RENÉ POTTIER- « SAINT AUGUSTIN.... »
Saint Augustin, le Berbère. Essai de René Pottier (1897-1968) . Liminaire de Abderrahmane Rebahi. Alger-Livre Editions, Tafat
Editions, Alger, 2015 , 700 dinars, 273 pages.
Comme la plupart de nos grands hommes, le parcours et la pensée de Saint
Augustin (Aurelius Augustinus,
né à Thagaste 354 et décédé en 430 à Hippone) se
sont retrouvé servies « à
toutes les sauces possibles et imaginables, tripatouillé sous toutes les
coutures de son âme » (A. Rebahi) .
L’ouvrage de Réné Pottier n’échappe pas à la
moulinette colonialiste qui a tout entrepris pour le « récupérer » . Il est vrai que nous n’avions pas fait (après
l’Indépendance) grand-chose pour réparer les dégâts.Le
réveil n’a eu lieu, il faut le reconnaître, que ces toutes dernières années et
on a même vu, en 2001, à Alger , un colloque
international se tenir à Alger ......sous le Haut patronage du Président de la République. On a , aussi, vu la
restauration et l’embellissement de la Basilique sise sur une colline à
l’entrée-est de Annaba. On voit croître le tourisme religieux catholique étranger . Je crois que même l’acteur Depardieu était venu (au sein de toute une
délégation) se recueillir devant la
châsse contenant des restes du Saint homme et lire des poèmes
.
Donc, René Pottier ne s’est pas
contenté d’écrire un ouvrage assez bien documenté. D’autres l’ont fait bien
mieux que lui. Mais, il s’est escrimé à
« orienter » la biographie . Il encense
certes le personnage , mais en le situant dans une perspective
« maraboutique », faisant ainsi le lien , de manière assez
subliminale et pernicieuse, entre la société berbère contemporaine (du temps du
colonialisme français, « si généreux ») avec ses zaouïas, ses
« cheikhs » , ses « marabouts » et ses croyances et la
société berbère (du temps de l’occupation romaine qui « traitait
ses sujets en parias ») avec ses coutumes et ses superstitions que seul
Saint Augustin , « le plus grand des marabouts », avait su
transformer, d’abord grâce à la « baraka » puis grâce « aux
grâces spéciales que Dieu accorde avec le sacrement de l’Ordre »
......l’objectif étant de faire croire au lecteur que seule la religion catholique
, telle qu’importée par les nouveaux occupants, allait transformer la société
algérienne
Conclusion : la présence franco-catholique est nécessaire, elle doit
s’élargir. Et, déjà, pour lui, « ce sera une des plus grandes gloires de
la France, une de ses plus grandes chances de salut d’avoir replanté la Croix
.... » .....et il va même jusqu’à
présenter un mode d’emploi pour « évangeliser »
(p 200)
Les Auteurs : René Pottier , né
en 1897 à Beaugency (France), peintre et littérateur, se piquant d’histoire
(dont une « Histoire du Sahara ») , membre de l’Académie des sciences
coloniales (c’est tout dire !) a publié beaucoup d’ouvrages aux titres significativement
évocateurs (biographies, romans.....) bien dignes de la littérature
colonialiste française en Algérie et au Maghreb.
A. Rebahi est auteur et éditeur...qui tente , avec succès, de dépoussiérer (et de commenter dans
les présentations) les vieux fonds de bibliothèques (de l’époque coloniale)
très difficilement accessibles de nos jours.
Extraits : « Malgré ses divisions internes, la
population berbère demeure, à travers toutes les vicissitudes , comme un arbre
robuste fortement acclimaté au sol africain » (p 26), « Les Berbères
n’ont jamais produit de ces œuvres qui excitent l’admiration des foules, cela
tient à ce qu’ils sont restés à un stade de civilisation qui ne dépasse guère
celui de l’ère néolithique... » (p 60), « Les Berbères ne réparent
pas une maison lézardée, ils la laissent s’écrouler et reconstruisent à
côté ;il en fut ainsi des matériaux extraits des arcs de triomphe non
entretenus après la chute de l’Empire (romain) » (p 183) ,« Les
Berbères aiment disséquer leurs pensées. Ils les examinent sous tous leurs
aspects puis, tout à coup et sans raison apparente, ils partent dans une longue
digression » (p 187)
Avis : « De la prose extatique et fiévreuse d’un
militant colonialiste doublé naturellement d’un missionnaire catholique aux
envolées prosélytiques troublantes » (A . Rebahi, préface).Donc, ne
pas « jeter à la poubelle » mais
à lire.....avec précaution.
Citations : «
Un autre pont se rattache à l’amour que les Berbères ont voué à la liberté et
fait que Saint Augustin est bien des leurs : la haine de
l’oppresseur » (p 30), « Augustin est donc devenu un saint parce
qu’il a été un saint berbère. Il n’a pas détruit sa nature, il l’a améliorée
(.....). Il était Berbère et n’eut qu’à rester Berbère parmi les siens pour se
faire comprendre et aimer » (p 35), « Il n’y aurait plus de société
possible si nous ne voulions croire que
ce nous comprenons » (p 197)