HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH -MÉMOIRES
TAHAR GAID- « SOUVENIRS ET IMPRESSIONS.... »
Souvenirs et impressions d’une vie heureuse malgré les peines (Tome
I : Le combat pour la liberté) . Essai et mémoires de Tahar Gaid . Editions Dar Samar ,
Alger 2016 , 700 dinars, 313 pages.
Il attendu ses quatre vingts ans avant de commencer
à « égrener »
(« impressions à l’appui », prévient-il) ses souvenirs , pas tous ; uniquement – pour l’instant -
ceux liés à son « combat pour la liberté », s’étendant depuis le jour
de sa naissance , en Kabylie.
Mais, digne fils du clan des Oumeziane (on y
retrouve les Gaid, les Boulemkahal
et les Farhi) , descendant d’un grand-père saint
homme, issu d’un « coin » perdu , presque abandonné, relié au monde
seulement par un sentier caillouteux et poussiéreux, sa prise de conscience
politique puis son engagement (situant
la malfaisance colonialiste) avait commencé très tôt. Il est vrai que
les Béni Ya’la « étaient riches en hommes aussi
cultivés que pieux ».
A l’âge de vingt deux jours, une nouvelle vie commence ......à « Belcourt » (al-‘Aqiba)
.....L’école « française » avec son racisme latent ..... l’école
coranique.....mais aussi et surtout l’ école de
la rue....et le football.
D’abord, l’adolescence à Bordj Bou Arréridj.....Déjà,
la lecture de « l’Egalité » , le journal des
Aml, le collège (avec pour voisin le fils de Messali Hadj, Ali) , l’incorporation, en douceur, à une
cellule du Ppa (quinze ans à peine !) et un choc à la vue
de deux hommes, des Algériens, fusillés en pleine place publique par un
commandant de la place. Pour l’exemple, disait-il. Leur seul crime était
d’avoir été généreux et hospitaliers envers deux parachutistes allemands tombés
du ciel au milieu de leur village.
Ensuite, la Médersa (à Constantine) durant six années et le militantisme (Ppa/Mtld) qui permit la rencontre et des amitiés durables avec
d’autres futures personnalités de la guerre de libération
nationale : Hihi Mekki,
T. Khène et L.
Khène, Ihaddadène, Filali , Nououiat, Amara Rachid, Benikous
Ahmed, Benmahmoud, Sahnoun,
Abdellaoui, Benzine, Bouguerra, le futur colonel, Drareni, Skander, Belaid, Bitat...et, toujours, le
foot....et un premier séjour en Europe....(Roumanie, Pologne)
Puis, c’est la guerre de libération nationale alors qu’il enseignait (à
Palikao)...et l’organisation des premières cellules de soutien à la lutte armée
Ensuite, enseignant à Chlef puis à Alger, les
choses s’accélèrent avec une activité politique intense ,
la collecte d’argent et des armes. Des contacts multiples : avec Abane Ramdane, Rebbah,Moufdi Zakariyya,Mandouze,
Chaulet, Benkhedda, Aissat Idir, Fettal......Il y a , en même temps, une activité syndicale (pour la création de
l’Ugta) et extra-syndicale
Enfin, c’est l’arrestation (24 mai
1956, juste avant de rejoindre le maquis, départ alors programmé pour le 28),
les interrogatoires, la torture....et un long séjour– jusqu’au 30 mars
1962- dans les camps dits d’hébergement
.Le reste est une toute autre histoire (un tome II ?)
L’Auteur : Tahar Gaïd (frère de
Mouloud et de Malika) est né le 22 octobre 1929 à Timengache,
Beni Yala (Wilaya de Sétif). Après des études aux
médersas de Constantine et d’Alger, il exerce la fonction d’enseignant à Tighenif, près de Mascara, puis à Alger.Militant,
au départ, du Ppa/Mtld, enseignant à Tighennif , il
participe à la lutte pour la libération nationale. Arrêté en mai 1956, il est
détenu pendant six années consécutives dans les prisons et les camps
d’internements en Algérie.Dès 1963, il opte pour la
carrière diplomatique en qualité d’ambassadeur dans plusieurs pays africains. A
partir de 1980, il se consacre dès lors aux aspects théoriques et pratiques de
l’Islam en publiant plusieurs ouvrages (Opu, Editions
Bouchène...)
Extraits : « La colonisation considérait l’Algérie
comme le prolongement de la France. C’était sur le papier car les Algériens
n’étaient ni français, ni administrés comme les Français » (p 27),
« Le pays des Imâzighân n’est ni l’Orient, ni
l’Occident. Il est les deux à la fois. C’est-à-dire qu’il prend le convenant et
refoule l’inconvenant » (p 29), « Le premier novembre n’est pas
« tombé » du ciel.Ainsi, comme dans tous
les mouvements de pensée de la même espèce, il existe des pionniers dont
l’histoire ne retient pas les noms. C’est comme dans une course de relais où
les coureurs se passent le flambeau l’un à l‘autre mais les spectateurs ne
braquent les yeux que sur celui qui, le dernier, franchit la ligne
arrivée... » (p 37), « A la veille de l’indépendance, l’Algérie
comptait plus de 10 000 internés dans 11 camps d’hébergement
, autant dans les centres de triage et de transit et quelque 3 000
dans les centres contrôlés par l’armée. A ces internés ,
il convenait d’ajouter ceux, plus nombreux , qui se trouvaient dans les
différentes prisons d’Algérie et de France » (p 249)
Avis :Le titre du livre est ,
peut-être, un peu trop long, mais le contenu est un délice (écrit avec clarté,
car voulu dans la simplicité et la sincérité) . On commence, on ne s’arrête
plus......sauf quand le commentaire politique et religieux d’actualité prend
(trop) le dessus sur le souvenir. Il y a , aussi, des
histoires de « Djinns » (pp 73-74).
Je regrette seulement de ne l’avoir lu que maintenant.
Citations : « Certes, il existe des gens qui tournent
le dos à leurs origines, les renient même. Mais quoi qu’ils fassent, un petit
rien leur rappelle le point de départ de leurs existences » (p 15),
« Il semble que l’impatience est ancrée dans les gènes de l’Algérien.
Chacun se croit plus pressé
que les autres et cherche à se faire livrer le plus rapidement possible »
(p 6), « L’identité d’un peuple change avec le temps mais je ne pense pas
qu’elle se transforme entièrement. C’est comme un être humain. Celui-ci naît,
vieillit, des plis s’impriment sur son visage et son corps....mais sa date et
son lieu de naissance ne varient à aucun moment » (p 130), « Le Fln
était entré dans l’arène de l’histoire politique de l’Algérie indépendante avec
un caractère à la fois sacré et profane, religieux et laïc, novateur et
conservateur. C’était donc un bouillon où s’entremêlaient plusieurs légumes
aussi différents que variés les uns des autres
qui pouvait donner ensuite le meileur comme le pire (p 310)