VIE POLITIQUE- DOCUMENTS POLITIQUES- ARCHIVES FRANCAISES DECLASSIFIEES-
ABDELAZIZ BOUTEFLIKA
Des documents se rapportant à l’époque où le chef de l’État
était ministre des Affaires étrangères. Certaines informations sont
déclassifiées alors que d’autres ont été obtenues en exclusivité par l’hebdomadaire
français ‘’L’Obs’’ en janvier dernier.
L’hebdomadaire français L’Obs
(anciennement Le Nouvel Observateur), disponible en version papier jeudi 28 février , publi une enquête sur le président Bouteflika, à l’époque
où il était ministre des Affaires étrangères. Cet article a été construit sur
la base d’archives de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
Selon la journaliste Celine Lussato,
une partie des documents sont déclassifiés (ils font référence à la période
entre 1962 et 1983) alors que d’autres ont été obtenus exclusivement par L’Obs en janvier dernier.
La plupart des informations concernant Bouteflika proviennent de notes
diplomatiques, dont les télégrammes chiffrés quotidiens adressés par
l’ambassade de France à Alger au Quai d’Orsay.
Le profil qui est dressé du chef de la diplomatie algérienne qu’était alors
Bouteflika est plutôt sombre. “Le jeune homme frêle et fluet” est décrit comme
un intrigant, un prévaricateur et un mégalomane susceptible.
Des notes évoquent “un personnage dénué de scrupules, doté d’une intelligence
aiguë et d’une grande ambition, capable de risquer sa mise sur un seul coup”.
Le Sdece, ancêtre de la DGSE, s’intéresse de plus en
plus à lui, à la suite du coup d’État contre Ben Bella dans lequel il apparaît
comme le principal instigateur. Celui qui se présente comme “un homme de
gauche”, un lecteur assidu et qui s’impose comme “un négociateur retors” est
qualifié de grand manipulateur.
À propos du coup d’État contre Ben Bella, une note révèle que Louis Dauge, ministre délégué à l’ambassade de France, a été
convoqué dans la matinée qui a suivi le renversement de l’ex-Président, au MAE
où Bouteflika lui a fait part de ses impressions. Le diplomate écrira plus
tard : “Il est clair que le ministre des Affaires étrangères fait du coup
d’État une affaire personnelle.”
Un autre document révèle que Bouteflika a convaincu Houari Boumediene, chef
d’état-major, de se débarrasser de Ben Bella car celui-ci constituait une
menace, surtout pour lui. Après avoir fait arrêter son chef de cabinet,
Abdelatif Rahal, l’ancien Président lui aurait
demandé de “quitter son poste de ministre”.
Le jeune ministre des AE se chargera, selon les services secrets français,
d’éliminer, plus tard, tous ses rivaux, y compris l’épouse du président
Boumediene.
Une des notes, datant du 7 octobre 1974, souligne qu’“il est à peu près
certain que le président Boumediene s’est vu contraint par l’action conjuguée
de MM. Bouteflika et Medeghri, ministre de
l’Intérieur, de ramener dans l’ombre sa propre épouse” car “elle portait
ombrage à ceux qui, comme le ministre des Affaires étrangères, avaient
jusque-là l’exclusivité de l’accès direct auprès de Houari Boumediene”. Les
diplomates français à Alger rapportent à ce sujet que Bouteflika aurait mal vécu
un voyage à Cuba, où l’on voyait, à la télévision, Anissa
Boumediene “souriante à côté du Président tandis que Bouteflika, perdu dans la
foule, essayait vainement de sauver la face”. Pour se venger, le ministre des
AE aurait transmis à Boumediene des factures d’achat de bijoux à
Paris par son épouse, l’obligeant à la mettre définitivement à l’écart.
Plus grave, les services secrets français laissent penser que Bouteflika est
peut-être impliqué dans l’assassinat d’opposants politiques. Le meurtre de Krim Belkacem à Francfort, en
Allemagne, a été planifié, selon les services de renseignements français, par
l’attaché militaire de l’ambassade d’Algérie à Paris.
Malgré ces soupçons, le ministre algérien est perçu par Paris comme un allié et
on cède à son désir de vouloir paraître comme le “second personnage du
régime”. “Le jeune farfelu d’autrefois a fait place à un homme politique
qui croit vraiment à la coopération entre son pays et la France (…) Bouteflika
a grandement évolué. Alors que pour lui, Castro était autrefois l’exemple à
suivre, il ne qualifie plus le chef de l’État cubain que de fou furieux”, se
félicite Paris.
À Alger, le président Boumediene a une toute autre opinion.
Il ne fait pas totalement confiance à son ministre des AE et le fait surveiller.
Cet espionnage servait, selon les notes obtenues par L’Obs,
“à recueillir des éléments sur les écarts de mœurs”. Après la mort de
Boumediene, Bouteflika tombe en disgrâce. Des notes diplomatiques confirment à
cette époque que “toute son équipe a été liquidée”. D’autres relayent les
soupçons de corruption.
“La corruption de Bouteflika était de notoriété publique”, souligne un
télégramme du 17 mai 1983. L’ancien ambassadeur de France, Guy Georgy, avait, notamment, écrit qu’“il passait pour un
grand prévaricateur” et “constituait un gibier de choix non seulement pour sa
gestion des fonds publics, mais aussi parce qu’il avait peuplé son ministère de
copains et de coquins”.