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ALGÉRIE AVRIL 2019- RÉSEAUX SOCIAUX
(c) www.franceinfo, 02 mars 2019
- Une révolte 2.0. Depuis la mi-février, des dizaines de
milliers d'Algériens protestent dans la rue contre la candidature
d'Abdelaziz Bouteflika à l'élection
présidentielle pour un cinquième mandat consécutif. Des manifestations
qui rassemblent encore énormément de personnes, vendredi 1er mars.
A l'image des printemps arabes
en 2011, ce mouvement de contestation est parti des réseaux sociaux. Depuis, il
prospère et s'organise en ligne.
Des stades de foot à Facebook
"Les premières réactions sont
parties des stades de football, puis cela a été relayé à travers les réseaux sociaux,
sans qu'il y ait un acteur majeur derrière",
décrypte ainsi le politologue Antoine Basbous. Début
février, un mot d'ordre est diffusé pour appeler notamment à une grande
mobilisation pour la journée du vendredi 22 février. Mais difficile de
remonter à l'origine de cet appel. "Ce
qui est incroyable avec cette contestation, c'est qu'elle est totalement
anonyme, on ne sait pas du tout d'où elle est partie",
confirme Habib Brahmia, membre du collectif
d'opposition Mouwatana
.
"L'appel à manifester a
ainsi été partagé par de nombreuses pages Facebook
algériennes, quelle que soit leur catégorie (de nombreuses pages de sports ont
ainsi partagé l'appel)",
complète un militant algérien qui préfère garder l'anonymat. La mobilisation
s'organise essentiellement via Facebook, car "les
Algériens ne sont pas trop sur Twitter", ajoute ce militant. "Tout Facebook ne parle que de ça. Les messages sont notamment
diffusés via les pages de certains influenceurs", détaille Habib Brahmia.
Des hommes
politiques, des journalistes, des artistes relaient ainsi les mots d'ordre de
la mobilisation, à l'image du rappeur Lotfi
Double Kanon, du militant
politique Fodil Boumala ou encore
de l'activiste Amira Bouraoui, déjà à la
pointe de la contestation contre le 4e mandat de Bouteflika en 2014 et qui
rassemble plus de 110 000 abonnés sur son
compte Facebook. Quelques
pages influentes organisent également la contestation en ligne, comme DzWikileaks, La
révolution des jeunes Algériens ou encore Béjaia City. Il faut
également évoquer le rôle joué par certains youtubeurs,
comme Anes Tina et DZjoker, qui n'hésitent pas à
s'en prendre au président algérien dans leurs vidéos, détaille Le Monde.
Les pages du réseau social ont ainsi permis aux Algériens de se rendre
compte qu'ils n'étaient pas seuls dans leur colère. "Cela permet également de
préserver l'anonymat pour l'organisation", ajoute Habib
Brahmia. Ce responsable du parti d'opposition Jil Jadid précise que les détails de l'organisation des
manifestations sont généralement gérés sur des groupes privés hébergés par Facebook. "Mais on utilise aussi d'autres moyens de communication. Comme nos
téléphones sont sur écoute, on passe beaucoup par WhatsApp,
Viber, Telegram...", assure cet
opposant politique.
Une bonne partie des messages sur les réseaux sociaux invitent les
Algériens au civisme, pour que les manifestations se déroulent dans le calme.
Une charte pour une manifestation pacifique circule ainsi depuis plusieurs
jours, dans le but d'éviter les débordements. "Les gens continuent à associer
la manifestation à la violence en raison de la décennie noire [la guerre
civile entre 1991 et 2002], donc on a très peur que le pouvoir envoie des casseurs pour nous
discréditer", s'inquiète Habib Brahmia.
Des initiatives sur Facebook proposent
ainsi d'amener une fleur pour chaque policier, de nettoyer après le passage de
la manifestation ou encore de prévoir des bouteilles d'eau pour s'hydrater et
du vinaigre pour minimiser l'effet des gaz lacrymogènes.
L'absence de contre-pouvoirs
Les réseaux sociaux sont également venus
compenser la faiblesse des contre-pouvoirs au sein de la société algérienne,
notamment des journalistes. "Les réseaux sociaux sont devenus extrêmement importants en
Algérie, car les médias classiques sont très fermés aux partis
d'opposition, aux idées éloignées du pouvoir, estime Habib Brahmia. Ils ne font pas le travail de diffusion des images, on ne
regarde donc pas la télévision et on suit l'information uniquement sur les
réseaux sociaux."
"La contestation est venue de la base de la
population, pas des corps intermédiaires", abonde le politologue Kader Abderrahim. "Dans des pays qui ont du mal
avec les contre-pouvoirs, les réseaux sociaux viennent souvent jouer le rôle
d'intermédiaires", confirme
la journaliste Neïla Latrous, rédactrice
en chef Maghreb pour Jeune Afrique. "Il faudra quand même que cette
contestation soit reprise par les corps intermédiaires, prévient Kader Abderrahim, car si on reste dans un affrontement
entre peuple et pouvoir, il y a un risque de répression et de
violences."