HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- MÉMOIRES
SALAH MEBROUKINE- « L’ÉVEIL À LA CONSCIENCE NATIONALE »
L’éveil à la conscience nationale. Mémoires de Salah Mebroukine.
Hibr Editions, Alger 2018, 650 dinars, 233 pages
Facile à lire tant la rédaction est fluide
grâce à sa linéarité, simple, accessible.......mais pas facile à faire ou à
imiter comme parcours.....A saluer .
C’est le récit d’un homme de la ville, d’un
jeune homme de « bonne famille », c’est-à-dire ni bourgeoise, ni
dénuée totalement de moyens ou de soutiens, ni intello’ ni illettré
, ayant suivi une scolarisation presque normale jusqu’au Cep......un Algérien
moyen, quoi !...perdu dans la foule des quelques millions d’Indigènes sur- vivants dans leur pays occupé par des
étrangers, les Français.
C’est le récit de l’éveil d’une conscience
nationale à travers les difficultés de la vie quotidienne (tout particulièrement après le décès
accidentel du père, un ancien travailleur émigré qui, rentré au pays, avait
« réussi » ), les solidarités rencontrées (dont celle de Baya, la future épouse) , les épreuves (comme les
arrestations et les incarcérations...et les répercussions d’évènements capitaux
comme ceux de mai 1945 ) , les
rencontres , le militantisme dans la clandestinité et la vigilance permanente,
les déplacements risqués lors des campagnes électorales, les discussions entre camarades
d’abord.....puis avec des adultes déjà éclairés et/engagés politiquement, sur
le terrain ou ...dans les prisons de Bougie, d’Alger Barberousse , de Lambèse et d’Orléansville
.
Des militants aux noms inscrits dans les
mémoires :
Mohamed Belouizdad, Ahmed (Ali) Mahsas, Messali Hadj, Mohamed
Boudiaf, Cheikh Ali Chentir, M’hamed
Yazid, Ferhat Abbas, Hocine Lahouel, Taleb Abderrahmane, Said
Amrani, Omar Oussedik, Baki
Boualem, Basta Abdelkader, Boulkeroua
Moussa, Beni Ouali,
Abdelhamid Benzine, Abdelhafid Boussouf,
A.Kiouane, Safi Boudissa , Ferroukhi ......et d’autres et d’autres.
C’est le récit de l’évolution politique du
pays face à une colonisation s’entêtant
à ne penser qu’à ses intérêts et à ceux des grands propriétaires et des leurs
complices indigènes, tout particulièrement à travers un certain
« apartheid » politique et des élections truquées.......Ppa, Mtld, Aml, Oulémas, Udma, Sma, Pca,
Os, Crua.....Des sigles qui se sont soutenus et
compris parfois, opposés souvent.....mais tous , malgré tout, fondateurs quelque part de ce qui va se passer à partir
de Novembre 54.
Condamné......il ne sera libéré que le 2 mars
1952........avec un carnet dit anthropométrique d’interdiction de séjour (de
dix ans)......dans certaines grandes villes de France et d’Algérie, y compris à
Bougie , sa ville natale. Il s’installera à Blida avec
sa famille....... Toujours nationaliste.
Bien que déçu par les querelles internes
(au Ppa-Mtld) , les palabres et
des activités déstabilisatrices face à
une opinion française farouchement accrochée au statu quo, éludant la question
inhérente à l’émancipation du peuple algérien.....il savait que la lutte
continuait. Sous d’autres formes ?
L’Auteur : Né le
17 janvier 1923 à Bejaia (ex-Bougie)
Extraits : « Lorsque toutes les tendances fusionnèrent en un mouvement
unique, les Aml , pour s’opposer à l’ordonnance du 7 mars 1944 qui
prétendait consacrer l’assimilation de l’Algérie à la France , on peut dire que
l’année 1944 était incontestablement une date importante pour le peuple
algérien unifié dans sa marche irréversible vers la liberté » (p 54),
« De quoi parlions-nous dans ces assemblées de « djemaa » ?
De la liberté, de l’indépendance, d’une Constituante souveraine, du suffrage
universel, des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ; commenter nos
journaux et nos tracts. Pour le fellah, c’était des fadaises, des discussions
dépourvues d’intérêt. Il fallait donc
changer de thèmes et susciter les intérêts affectifs des paysans et
circonscrire en tant que cible ce qui était la cause de leur manière
d’être » (p 73), « Selon de nombreuses statistiques, jusqu’en 1870,
l’administration française avait enregistré moins de deux cents demandes
émanant d’Algériens musulmans qui ont sollicité l’obtention de la citoyenneté
française » (p 79)
Avis : Une
mine d’informations pour les historiens qui s’intéressent à la vie
révolutionnaire des militants de base ....les maçons de la Révolution. Un oued
en apparence tranquille mais aux crues
inattendues et parfois meurtrières. .La lecture facilitée par une écriture chronologique
très fluide.
Citations : « Pour
ces deux valeureux patriotes (ndlr : Aizel Rabah
et Mohamed Belouizdad) , le droit de commander avait ,avant
tout, pour corollaire, le devoir de respecter les droits de celui qui est
appelé à se soumettre » (p 112), « La foi s’acquiert et ne s’impose
pas .Une fois acquise, elle devient une adhésion profonde à la chose qu’on veut
atteindre » (p 142) , « La vie n’est un jour de fête ni un jour de
deuil, c’est un jour de travail » (Mohamed Belouizdad
cité, p 153),