CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
ANNE ROCHE- « ALGERIE.TEXTES ET REGARDS CROISES »
Algérie. Textes et regards croisés. Essai de Anne Roche (préface de Afifa Bererhi).
Casbah Editions, Alger 2017, 1 200 dinars, 388 pages.
Dans les années soixante, il était fréquent d’entendre pronostiquer un
dépérissement à plus ou moins long terme de la littérature maghrébine
d’expression française après les Indépendances..On a
même vu de grands écrivains «abandonner » l’écriture en langue franaçise pour des considérations ,
en fait, bien plus idéologiques.
Et, Dieu sait si ces considérations, dans les années 60-88,
ont constitué une véritable dictature qui a écarté, écrasé, vilipendé tout ce
qui ne rentrait pas dans le moule nationaliste et socialiste que les humeurs
changeantes des dirigeants ( chefs d’Etat,
ministres, chefs de parti....chez nous il n’y en avait qu’un seul) de l’heure
conjuguaient comme il leur plaisait.
En fin de compte , le pronostic ne s’est pas
vérifié. D’où une nouvelle et subtile façon de discréditer cette littérature,
malgré la richesse quantitative et qualitative Elle serait « sans
avenir ».... .....résiduelle, trace d’une génération perdue qui encombre
les éditeurs de son désarroi, « mais qui ne saurait tarder à laisser place
à autre chose »
C’est tout cela qui a amené l’auteure à proposer non pas une
« contre-anthologie », mais d’essayer de faire apparaître le travail
d’écriture qui se fait en certains « lieux –dits » du
Maghreb......tout en tentant de déplacer un certain nombre de questions qui,
dans les termes où elles sont couramment posées, ne peuvent qu’être
impasses .
Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Nabile Farès, Abdelwahab Meddeb, Habib Tengour, Leila Merounae.....les
écrivains Pieds-Noirs et les même les « nostalgériques ».....
L’Auteure : Anne Roche a évolué dans le cercle des
militants anticolonialistes en aide au Fln dès sa prime adolescence,. Elle est , aujourd’hui, professeure émerite
à l’Université d’Aix-Marseille, spécialiste de littérature française et
francophone . Auteure de plus d’une
vingtaine d’ouvrages de théorie
littéraire et de fiction (romans et théâtre).
Extraits : « Pour les écrivains de la première
génération, la langue s’avère l’autre aire où se joue la bataille de la liberté
, où l’on force par moult procédés l’accès à l’universel » (p 11),
« J’ai tenu à le proposer (l’ouvrage) à une maison d’édition
algérienne ; reconnaissance de dette
qui n’effacera certes pas le crime initial de 1830, mais qui tente de
construire des passerelles entres les cultures, sans oblitérer la violence de
l’histoire » (p 19)
Avis : A lire
tranquillement pour bien s’imprégner d’une analyse très fine (trop spécialisée
pour le grand public, d’autant que le livre n’est pas « donné ») de
la littérature algérienne francophone ....d’une époque bel et bien révolue. En
tout cas chez les nouvelles générations d’écrivains .
Citations :
« La langue d’écriture n’est ni
tout à fait la langue de l’Empire ni la langue de l’ancien colonisé »
(Amos Tutuola, écrivain nigérien, p 31), «
Renoncer à la langue maternelle est un « geste matricide » (Julia
Kristeva, bulgarophone d’origine) , une
« désertion » (Hector Biancotti , d’origine
piémontaise, né en Argentine, hispanophone d’origine), Kateb , et après lui
bien des écrivains du Maghreb , comme Yamina Mechakra, ont dit la douleur de la mère qui ne comprend pas
la langue que l’enfant apprend à l’école (....) . Mais cette séparation peut
être aussi une libération » (p 43), « Les passages d’une langue à une
l’autre, sont signes, non pas dépérissement radical de telle ou telle forme de
littérature maghrébine, mais d’un début de reconnaissance du
multiple » (p 63)