SANTE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI JEAN
LOUIS MASSEBŒUF – « JEAN SADEK MASSEBŒUF.... »
Jean Sadek Massebœuf.
Intinéraire d’un médecin algérien (volume 1,
1908-1962). Essai (biographique) de Jean-Louis Massebœuf,
Editions Média Plus, Constantine 2017 (Editions Bouchène,
Saint-Denis, 2017) , 1 080 dinars, 244 pages
Le 14 avril 1962, Jean Masseboeuf sort en homme
libre du pénitencier de Casabianca (Corse). Depuis le
7 juillet 1956, date de son arrestation par la Dst de Ténès (où il exercait en tant que médecin avec cabinet privé depuis 21 années ) , 2 107 jours se sont écoulés. 5 ans et neuf mois
sans être maître de son sort, sans la liberté d’aller où bon lui semble, et
tout autant de mois et d’années sans une pratique authentique de la médecine.
Très peu d’Algériens d’origine européenne auront payé un tel tribut à la
guerre d’indépendance.Il avait été alors condamné par
le Tpfa (Tribunal permanent des Forces armées) à 20
ans de Travaux forcés, en 1957.....et il avait connu sept lieux de détention,
en Algérie et en France.
Une guerre qui avait vu son engagement bien concret dès les premières années
de la guerre, mettant de côté ses fortes convictions communistes sans pour
autant les renier pleinement , tout particulièrement
celles liées à la liberté et à la
dignité humaine.
Fils cadet d’enseignants laïques et athées, des socialistes adhérents alors
de la Sfio, avec une tante militante progressiste
devenu ministre dans le gouvernement Blum, il arrive en Algérie , venant de
Calais, à l’âge de 12 ans.....croyant que les Algériens étaient des
« Nègres ».Des nuages et la mer grise au soleil et la mer bleue:
Alger, Blida, Lycée « Bugeaud »,bac en 1928, études de médecine...et la découverte
rapide d’un peuple pied-noir raciste
dans sa quasi-totalité, vivant « hors du temps réel » du
pays , d’un peuple Algérien opprimé
et/ou ignoré et d’une classe politique (les communistes y compris) totalement
« déconnectés » de la réalité.
Lors de l’exercice de la médecine , il
découvre le pays et le peuple profonds.....et, en prison, encore plus et encore
mieux. Il côtoiera, au sein des mêmes cellules, des militants et des
combattants anonymes mais aussi des héros comme Mohamed Said
Mazouzi et Mohamed Guerroudj.....et , il connaîtra aussi, tout particulièrement en France,
les querelles intestines, bien souvent
bien basses. Cela ne le découragera pas et, libéré, il continuera à
« militer » en « travaillant ». Converti à l‘Islam, Sadek (le sincère)
repose au cimetière musulman de Constantine.
L’auteur : Neveu de Jean Sadek . Né en novembre 1949 dans la Drôme (France). Germaniste de
formation et enseignant. Militant syndicaliste et politique, passionné par
l’histoire du mouvement ouvrier , en particulier celle
du stalinisme.
Extraits : « Pendant 132 ans, ces roumis –dont
certains descendants glosent encore aujourd’hui sur les « bienfaits »
de la colonisation –aménagèrent la terre algérienne à leur profit exclusif,
tirant parti de ses richesses et du travail de son peuple, sans ne rien donner
en échange que des miettes, sur fond de discrimination sociale et de
racisme » (p 19) , « En réalité, j’épousais la Révolution , non
seulement la Révolution algérienne, mais à travers elle et au-delà d’elle, la
Révolution universelle et l’insatiable lutte des hommes de tous les pays et de
tous les temps pour la dignité et la liberté » (Jean Sadek
Massebœuf, Témoignages autobiographiques, Algérie
1955-1979, in manuscrit inédit, p 113)
Avis : Un homme
(1908-1985) de diagnostic, d’action, un tempérament fonceur et entier qu l’Algérie re-découvre à
travers ce rigoureux travail d’analyse et de recherche .
Une précision qui contredit (ou complète ) un peu l’auteur : Pour les gens
de l’Est, pour beaucoup de travailleurs et de citoyens qui l’ont bien connu, dans le Constantinois
, dans le cadre de la médecine du
Travail (1962-1979) , Jean Sadek Massebeouf n’est pas oublié. Aujourd’hui encore. Il a
toujours été un grand homme, respecté et admiré. Le reste, la reconnaissance
étatique ou partisane ou corporatiste comptait bien peu pour lui....et pour ses
patients .
Citations : « La valeur d’un homme est bien distincte
de sa formation scolaire et universitaire......L’instruction et la technologie
sont, dans notre système éducatif, une chose à part, en dehors de la réalité de
tous les jours, trop souvent sans relation avec les vertus, le caractère et la
culture vraie, celle que confère l’engagement dans la vie » (Jean Sadek Massebœuf, Témoignages
autobiographiques, Algérie 1955-1979, in manuscrit inédit, p 33), « Mimer
les gestes de la foi, sans avoir la foi ou suivre un rite religieux sans être
un fidèle de cette religion est un acte impie qui côtoie le sacrilège, ou tout
au moins l’irrévérence » (Jean Sadek Massebœuf, Témoignages autobiographiques, Algérie 1955-1979,
in manuscrit inédit, p 187)