DEFENSE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
AUTOBIOGRAPHIE RACHID BENYELLES- « DANS LES ARCANES DU POUVOIR.... »
Dans les arcanes du pouvoir. Mémoires (1962-1999). Autobiographie (et
Essai) de Rachid Benyellès. Editions Barzakh, Alger 2017, 1 200 dinars, 413 pages.
Les (anciens) militaires, des généraux,
passent au confessionnal. On a eu d’abord Yahia
Rahal qui , le premier,
avait secoué le cocotier, puis Khaled Nezzar. C’est
donc au tour de Rachid Benyellès qui, on s’en souvient, s’était présenté à une
élection présidentielle, celle de 2004 , mais sa candidature avait été
rejetée par le Conseil constitutionnel
faute de parrainages suffisants ( ?!) .Evoluant « dans une sorte
d’entre-deux très inconfortable », perçu comme réconciliateur et /ou
éventuel médiateur par certains (des dirigeants du Fis) , ou islamiste par
d’autres ( les « éradicateurs ») , on se souvient aussi de sa
« contribution » (il n’y a pas participé directement) aux rencontres
dites de Sant’Egidio qui avaient abouti à la
signature du « contrat de Rome ».
Le général se raconte donc en nous livrant tout (ou presque tout) sur son
parcours :
Dans une première partie assez consistante......intitulée « Les années
de quiétude », c’est le déroulé de plus de 30 ans de vie (presque) au cœur
du système militaire et politique. D’abord en tant que membre de l’Aln, ses études, puis ses premières missions, convoyant des
cargaisons d’armes destinées à des mouvements de libération africains (avec un
vieux pinardier, l’Ibn Khaldoun), puis
préparant la mise en place de la nouvelle Marine nationale , puis en tant que
dirigeant la base de Mers El Kébir (« évacuée de
façon anticipée » par les troupes françaises ), puis avec Ahmed
Ben Bella (un « véritable potentat »), puis avec Houari Boumediène (dont il fut le premier aide de camp, le
secrétaire particulier et le chef du protocole) et son « coup de force » du 19 juin 1965
et sa politique régionale, puis avec la succession et l’arrivée de Chadli Bendjedid (« candidat par défaut ») , puis gérant
la direction de la Marine nationale au ministère de la Défense nationale, puis au Sécrétariat
général (il sera alors mis au courant de la présence française à Oued Namous) avec tous
ses conflits (entre autres avec Mostefa Belloucif)...puis
en tant .membre du Bp du Fln (et du groupe de travail
– Messadia, Louanchi
et Ait Ouazzou
- ayant introduit le fameux article
120....découvert à travers la lecture des statuts du parti communiste de l’Urss)
et , enfin,ministre des Transports .....Et puis,
l’explosion d’Octobre 88 (« somme toute, il n’y avait rien de
catastrophique », écrit-il sur l’ampleur des événements et les
dommages causés!).
La deuxième partie, est intitulée « Les années de sang ». C’est
tout dire !On aura ainsi l’histoire du pays à travers tous les événements
,douloureux pour la plupart ,vécus : l’émergence des islamistes et du Fis,
le Hce, l’action armée des islamistes, Liamine
Zeroual, San’ Egidio, les « magouilles politiciennes » et les
massacres collectifs.....Une partie qui relève bien plus de l’essai que de
l’autobiographie, avec des points de vue parfois assez subjectifs, tout
particulièrement sur les « éradicateurs », sur la presse francophone,
sur les « pagsistes » et les « crypto-communistes » , sur le duo Zeroual-Betchine, sur les « panels » de la troika,
européen, onusien...sur Bouteflika (« porté , dit-il dans une courte posteface, au pouvoir par une autre (la
septième depuis l’indépendance !)
intervention de l’Armée, un autre « coup de force » ).....et sur certains militaires impliqués dans les
« magouilles » politiques. Avec , toujours, cela va de soi , un profond respect pour
l’ Armée.
Une deuxième partie un peu (assez ?) macabre avec la litanie des crimes
terroristes ,
des massacres collectifs et des mesures répressives , dont les
éloignements et emprisonnements massifs des personnes soupçonnées d’être des
militants du Fis
Quelques erreurs : N. Boukrouh n’a jamais été
ambassadeur au Liban...Le Mcb n’a jamais été agréé en
tant qu’ « Association à caractère politique » et le Rcd a été agréé en même temps que le Fis et le Pnsd, le 6 septembre 1989.
Quelques silences : Sur les morts de Annaba
lors du coup « de force « du 19 juin. On (les sexagénaires et plus)
dit (encore) qu’il y a eu des dizaines de morts (et non « une dizaine
d’adolescents ») mitraillés par un (et non par des )
officier (s) qui n’a jamais été inquiété et encore moins jugé....... Sur les
noms des quatre autres dirigeants de la Révolution ayant partagé
, avec Mohamed Khider , les fonds du Fln.
Et, pas mal de « révélations » ou de précisions.....dont la
« découverte » du « Fonds national de solidarité
nationale » (surtout des bijoux)
dans un coin du bureau de A. Ben Bella, trésor alors confié, après inventaire à
la Banque d’Algérie ; les bilans « mitigés » de certains grands
travaux (Barrage vert, Route transsaharienne..)....
L’ Auteur : Né à Tlemcen le 2
mars 1940 à Mansourah (Tlemcen) . Général à la retraite, il avait rejoint , encore lycéen (terminale) au Maroc (Fès) les rangs de l’Aln
en 1957.....qui l’envoya (d’office) étudier à l’ Académie navale d’Alexandrie.
En 1964, il prend le commandement du navire
l’Ibn Khaldoun pour transporter des
armes au profit des guerilleros mozambicains et angolais.
....Commandant de la base navale de Mers El Kébir.,
juste après son évaculation par l’armée française...Sg du Mdn en 1984....Ministre des
Transports ......et départ à la retraite après Octobre 1988
Extraits : « La nouvelle armée algérienne prit
le nom (le 28 septembre 1962) d’Armée
nationale populaire (ANP) , une appellation dans le
droit fil du discours populiste alors en vogue, au lendemain de
l’Indépendance » (p 35), « Houari Boumediène
aurait confié , à certains collaborateurs, son intention d’opérer des
changements importants dans le pays, mais sans préciser lesquels, ni quand.
D’aucuns avancèrent qu’il parlait du Fln. Houari Boumediène
disparaîtra sans avoir révélé ce qu’il comptait en faire vraiment » (p
108) , « Calme et efficace, Chadli Bendjedid est
un homme solitaire et introverti ;il n’a certes pas l’autorité et la
vision lointaine de son prédécesseur, mais il compense ses lacunes par une
bonne expérience des hommes « (p 137), « Patriote sincère, intègre
et travailleur infatigable, Mouloud Hamrouche est un
homme que le doute ne traverse jamais. Lorsqu’il a une idée en tête, il n’en
démord plus, quelle que soit la réalité sur le terrain » (p 245)
Avis :
De l’Histoire contemporaine assez « vivante ». Avec
tous les détails. Un livre qui se lit (car écrit) ,
d’ailleurs, comme un roman......et, ce qui est le plus intéressant, il a pris
le parti (délicat) de citer nommément les acteurs du moment. Dommage qu’il ne p
(v) eut (pas) écrire sur l’après-1999. Il est vrai ,
dit-il, que « l’ère ouverte avec
l’avènement de Abdelaziz Bouteflika nécessite, à elle seule, la rédaction de
plusieurs ouvrages » et il « ne se sent pas en mesure de le
faire ». Tellement de choses à dire !
Citations :
« C’est tout là le drame de notre diplomatie .
Elle aura été au service de toutes les causes justes dans le monde excepté
celle qui la concernait en premier lieu » (p 143), « Les Algériens
éprouvent une méfiance atavique envers ceux qui détiennent le pouvoir ;ils
leur prêtent une intelligence diabolique et pensent que rien n’est fortuit de
leur part. C’est un phénomène qui remonte à la guerre de libération, époque au
cours de laquelle, il était déjà question de complot des colonels......Et la
liste est longue ! Pour beaucoup d’Algériens ,
tous ce qui vient du pouvoir est sujet à caution » (p 221)