POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECITS MARIE CLAUDE RADZIEWSKY- « LES FEMMES VAILLANTES »
Les femmes vaillantes. Récits
et témoignages de Marie –Claude
Radziewsky (Préface par Garbiñe Larrazabal Iturregui, universitaire espagnole) Casbah Editions, Alger 2018, 800 dinars, 284
pages.
Messaouda, Anissa, Shasha, Djamila, Dalila,
Salima (Souakri),.......les Algériennes....et quatre d’origine étrangère.
Dix femmes, dix portraits à travers dix
entretiens (souvent commentées) menés par une autre femme (« une femme
extraordinaire » et il faut lire son premier ouvrage consacré à sa carrière , un livre
édité en Algérie : « Le théâtre de la vie :Mémoires d’une
avocate engagée », Ed.Casbah
2015,préfacé alors par Ali Haroun et postfacé par Jacques Vergès déjà présenté dans Médiatic) au parcours
lui-même fait d’engagement de combats pour la liberté des autres.
Les dix femmes se racontent et racontent leur
bout(s) de vie où se mêlent de la tragédie, mais aussi de l’humour et beaucoup
d’humanité. Elles ont réussi à échapper
(alors que beaucoup d’autres ont « péri » dans le champ de bataille)
à l’ignorance, à l’ignominie, à l’intolérance, au fanatisme religieux, à
l’autoritarisme intransigeant et injuste,
à la crainte des hommes (le père, le frère, le parent, le
voisin....l’autre dont, parfois, la mère ....).
Certaines ont réussi à gagner le combat sur
place et sont même devenus célèbres et adulées, à l’image de Salima Souakri,
notre championne de judo. D’autres ont réussi à l’étranger, devenant respectées
et admirées, à l’image de Djamila, originaire de Dely Ibrahim qui, mariée en
Italie..... est devenue pilote d’avion (car ne supportant pas le tangage et le
roulis des bateaux)........ce qui lui permet de rejoindre son mari , à partir de Venise,
un (très riche) ingénieur
passionné par la mer et la faune, et travaillant pour la National
Geographic Magazine.
Il y a, aussi, Shasha Safir, la native de
Saida qui après avoir refusé,
publiquement (dans les années 40) son
mariage (arrangé) avec un cousin (qui
voulait qu’elle arrête de travailler comme institutrice), a, par la suite,
épousé un futur avocat et célèbre haut-fonctionnaire tunisien .......Driss
Guiga. Une femme adulée pour son charme, son élégance, son ouverture d’esprit,
sa modernité, son don de la communication....et qui a énormément fait pour
l’image extérieure du pays et tourisme
étranger en Tunisie (dont Hammamet devenue la cité recherchée par la jet-set
européenne). Elle était l’invitée des plus grands de la politique et de la
culture. Elle est devenue une artiste peintre ayant remportée plusieurs prix
internationaux. Elle n’a jamais oublié Saida puisqu’elle y est revenue en
visite familiale en compagnie de son époux.
Il y a Georgiana, la roumaine ayant épousé,
en 1988 , un médecin Algérien (et , du temps de
Ceausescu et de la Sécuritate, ce n’était pas une affaire facile. Dangereuse
même). Elle en a vu de toutes les couleurs, en Algérie, avec ses deux enfants,
du temps de l’islamisme fanatique triomphant. Séparé de ses deux enfants –sept
et neuf ans- , puis divorcée, il a fallu bien du temps –grâce à son nouveau
mari, un Algérien - pour les retrouver et les « récupérer » (surtout
psychiquement tant ils avaient été « formatés »)
Il y a Mei, la taïwanaise, à l’enfance
miséreuse devenue une pianiste mondialement recherchée
Il y a
Evelyne, la française de Dijon, tombée entre les mains d’un gros et très
riche homme d’affaires
franco-gréco-camerounais...riche mais grand manipulateur et
excessivement égocentrique et possessif. Vingt ans de vie commune, dix ans de
bonheur flamboyant et dix d’infortune. Elle est, aujourd’hui, ayant retrouve sa
liberté, devenue une spécialiste recherchée de l’économie domestique).
Il y a , enfin , Begoña, la jeune fille bourgeoise de Barcelone
qui, orpheline, a été maltraitée et exploitée par les parents (sa tante) qui l’avaient accueilli , réussissant, malgré
tout, à apprendre le chant d’opéra....et
à devenir (à partir de vingt-trois ans ) célèbre et recherchée grâce à un
répertoire aux compositions lyrique multiples. Elle a chanté avec les plus
grands comme Placido Domingo, Montserrat Caballé, Edita Gruberova (artiste
slovaque) ,
joué les plus beaux rôles comme Brunnhilde dans « La Walkyrie » de
Wagner, Marcelina dans « Les Noces de Figaro » ...fréquenté les
scènes et les lieux les plus prestigieux du monde (dont au Vatican pour le
pape, en 2007).Elle a même créé une méthode pour enseigner la mise en valeur
des voix
Dix récits, dix expériences toutes
douloureuses mais, heureusement, toutes ayant « bien » fini
.Avec, certes, en cours de route, des dégâts et laissant des traces, ne
serait-ce que psychiquement....Comme l’algèbre qui permet de délimiter le
problème mais non de le résoudre, si les résultats ont été positifs concernant
l’aide aux victimes, ceux de l’égalité des sexes et, surtout la prévention du machisme et des actes de violence restent
encore bien mitigés.
L’Auteure : Née
en juillet 1934 à Paris, ayant vécu de 1940 à 1952 à New York. Avocate en 1956
à Paris, elle se consacre à la défense des militants du Fln et à la cause de
l‘indépendance de l’Algérie. Elle s’établit en Algérie en 1963. D’abord
fonctionnaire au ministère de l’Orientation, elle réintègre, à Alger, le corps
des avocats. Elle quitte, en 1993, l’Algérie, fuyant le terrorisme et elle s’établit
en Espagne où elle exerce, en tant qu’avocate (Barreau de Malaga).
Extraits : « L’égalité,
en matière économique, n’est atteinte dans aucune partie du monde. Le rapport
de la Banque Mondiale, en 2012, précise que les femmes effectuent les deux
tiers du nombre d’heures de travail et produisent plus de la moitié des
aliments, alors qu’elles ne gagnent que 10% du revenu total, possèdent moins de
2% des terres, et reçoivent moins de 5% des prêts bancaires. La parité
salariale n’existe pas, même en Occident. Selon la Commission Européenne, les
femmes gagnent en moyenne 17,8% de moins que les hommes, pour un travail
équivalent. Le ministère du Travail américain nous apprend que ce pourcentage
atteint 20% aux Etats –Unis » (p 42), « Jusqu’à la fin des
hostilités (guerre d’Algérie), les colons n’ont jamais cru que les
indigènes triompheraient » (p 143),
« L’internement administratif, pratiqué sur de simples soupçons, sans
qu’un contrôle judiciaire ne soit exercé, est souvent arbitraire. Ceci ne
devrait pas exister dans les pays qui se targuent d’être démocratiques »
(p 165), « Les hommes de pouvoir et ceux qui vivent dans l’opulence,
sont souvent des personnes difficiles, qui maltraitent psychiquement leur
épouse » (p 238), « Quelles
que soient les réponses aux interrogations, il est clair , qu’en ce qui
concerne les relations mâles-femelles, à l’instar de multitude d’autres
domaines, l’inégalité foisonne sur notre planète » (p 279).
Avis : Des
portraits de femmes par une autre femme .Des femmes toutes aussi admirables les unes que les autres. Se
lit d’un seul trait (encore qu’il arrive qu’on se laisse « scotcher »
par un récit ou un autre selon les expériences personnelles ou les rêves
inaboutis) , tant on se laisse emporter par des récits
simples , émouvants et généreux .On sent l’empathie et de l’amitié
pour les héroïnes......et pour l’Algérie
Citations : « Au
cours d’une plaidoirie, il est essentiel d’adopter les intonations appropriées,
pour transmettre aux magistrats la détresse, l’émotion et souvent le repentir,
de son client » (p 90), « La réalité est parfois moins difficile
à affronter que les songes. Les frayeurs provoquées par les ténèbres
...reviennent occasionnellement, inopinément » (p 136) ,
« La musique est un bienfait pour tous. Par sa diversité, elle permet de
choisir son rythme, afin de ressentir les émotions désirées. Langage universel
toujours disponible, elle efface les différences et unit les hommes, quelles que soient leur classe sociale, leur race et leur religion.
Les chants parcourent le monde en ignorant les frontières » (p 275),
« L’espoir de dompter l’impossible et la persévérance sont les moteurs du
progrès » (p 284)