ENERGIE- HYDROCARBURES- NATIONALISATION DES
HYDROCARBURES- 24 FEVRIER 1971
« Nous avons décidé souverainement de
nationaliser les hydrocarbures ». La décision du président Houari Boumédiène en ce 24 février 1971, à la Maison du Peuple à
Alger, siège de l’Union générale des travailleurs algériens qui célébrait le
15e anniversaire de sa création, a fait basculer l’Algérie dans une ère
nouvelle. Ce même jour étaient édictées quatre ordonnances portant
nationalisation intégrale des entreprises exploitant le sous-sol algérien et
l’infrastructure de transport des hydrocarbures, ainsi qu’une nationalisation
partielle des intérêts français dans les autres secteurs liés aux
hydrocarbures, ce qui a fait que l’ensemble des gisements naturels de gaz et de
pétrole, ainsi que les gazoducs et les oléoducs, sont devenus, au moins à 51 %,
la propriété exclusive de l’État. Le monopole sur l’exercice des activités
pétrolières est revenu à la Société nationale pour la recherche, le transport,
la transformation et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach), créée huit ans auparavant. Mais avant d’en
arriver là, il a fallu un long processus, et c’est à juste titre que le Pr Jean
Touscoz, prête à cette décision
une« signification historique ». En effet, dans un article consacré
à la question, le spécialiste en droit international évoque cette
nationalisation comme « le début de la vraie bataille économique entre
pays riches et pays pauvres », laquelle marque « le triomphe des
aspirations de tous les pays en voie de développement qui s’efforcent d’obtenir
la décolonisation de leurs richesses naturelles ». L’auteur souligne
ainsi que l’adoption par l’Algérie de cette démarche « originale »
a inspiré la quasi-totalité des pays producteurs, qui ont fondé leur politique
pétrolière sur une collaboration technico-commerciale avec les compagnies
étrangères. Treize ans avant le coup d’éclair de Boumédiène,
la recherche, l’exploitation et le transport par canalisations des
hydrocarbures étaient régis par l’ordonnance du 22 novembre 1958. Aux premières
années de l’indépendance, c’est la Convention du 28 août 1962, basée sur le
paragraphe 8 du titre I de la déclaration du 18 mars 1962 sur la coopération
pour la mise en valeur des richesses du sous-sol du Sahara, faisant partie des
accords d’Évian, qui est de rigueur, et ce jusqu’en 1965, où ce régime a été
remanié par l’accord du 29 juillet associant sur un plan d’égalité l’Algérie et
la France, par le biais des entreprises Sonatrach et Sopefal, au sein de l’ASCOOP.Dans
une contribution au Soir d’Algérie, l’expert pétrolier Mohamed Saïd Beghoul souligne le « comportement grégaire »
de la partie française, laquelle, « en accordant une priorité à
l’exploitation des gisements et en minimisant les efforts de recherche» n’a pas
respecté l’esprit dudit accord, pourtant essentiellement fondé sur le partage
équitable. C’est donc logiquement que des négociations sont ouvertes, en 1969,
à la demande de l’État algérien, les investissements français ayant chuté de
manière drastique depuis 1965, alors que la Sonatrach
était parvenue à la découverte de nombreux gisements. Celles-ci ont été
interrompues une première fois en juin 1970 par les Français, les Algériens
souhaitant « non seulement réformer le régime fiscal et financier de
l’exploitation des hydrocarbures, mais encore entamer la troisième phase du
grand dialogue amorcé en 1962 et repris en 1965 » (J. Touscoz).
Reprises au mois d’octobre, elles ont été menées du côté algérien par l’actuel
Président Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, mais ont
de nouveau été suspendues le 4 février 1971. Vingt jours plus tard, Houari Boumédiène était à la Maison du Peuple. Ce que Benjamin Stora appellera la «décolonisation pétrolifère» était en
marche.