POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN ASSIA DJEBAR- « OMBRE SULTANE »
Ombre sultane. Roman de Assia
Djebar. Hibr Editions,
Alger 2014(Editions Albin Michel , Paris 2006), 850 dinars, 232 pages.
Deux femmes . Hadjila et
Isma. Une sultane et une ombre.
L’une heureuse, aimée et aimante décidant par elle-même de son sort et de
son amour. L’autre , malheureuse, mal-aimée
et non aimante, cherchant la voie de la libération.
Deux femmes dans une société « bloquée » ; une société
faisant peu cas de la femme ;une femme
réduite à son seul rôle de « pondeuse d’enfant », d’objet de
jouissance physique pouvant être facilement remplacée par ...trois autres,
enfermée par la force des us et les traditions, entre quatre murs, avec pour
seule fenêtre une verrière donnant passage à un bout de ciel.
Deux femmes, l’une, Isma, comprenant
et voulant aider l’autre à se « libérer » d’un homme, le même, l’ex-époux , toujours fou amoureux, père de deux enfants, et
nouvel époux d’une jeune fille naïve, Hadjila, isuue d’un bidonville.
Deux femmes contre un homme......une même révolte. C’est ce qui est
superbement (prose poétisante à l’appui) conté par
l‘auteure qui a su transmettre toute l’émotion (et la douleur et les espoirs et
les luttes souvent invisibles) d’une population féminine opprimée mais toujours
résistante sinon rebelle. Opprimée par l’homme qui, malgré ses connaissances
scientifiques n’arrive que difficilement, ou pas du tout, à se sortir de l’empire
des habitudes et des mœurs...et des mères. La femme, toujours !
L’Auteur : Née Fatma-Zohra Imalayène.
Elle n’est plus à présenter. Dix romans, deux recueils de nouvelles (dont un
prix Marguerite Yourcenar ), deux récits, un essai,
deux films longs métrages, deux pièces de théâtre.... Membre de l’Académie
française, prenant le siège vacant de
Georges Vedel décédé....et devenant (le 22 juin 2006) une des huit femmes membres , décédée le vendredi 6 février 2015...et inhumée à
Cherchell , sa ville natale. Traduite dans vingt-trois langues
Extraits: « Un homme ivre a le droit de dériver,
mais une femme qui va « nue » sans que son maître le sache, quels
châtiments les transmetteurs de la Loi révélée, non écrite, lui
réserveront-ils ? » (p 132) , « Nourrir
les fils le jour, nourrit l’époux la nuit, et qu’ils puissent tous boire la
lumière du vaste jour !Les nourrir inlassablement , les nouer
irrémédiablement pour maintenir nos rênes invisibles. Là aboutit notre destin
d’enfance dans le vide de l’enfermement » (p 185), « A la démarche de
chaque femme dans la rue, je peux dire désormais son histoire
, sa durée, sa généalogie : dire si elle circule depuis trois
siècles ou depuis trois jours » (p 224)
Avis : A lire absolument et surtout à méditer.....comme
toute l’œuvre de Assia Djebar.
Citations : « La mère de l’homme, ennemie ou rivale,
surgit dans les strates de nos caresses » (p 83) ,
« Sur nos rivages, l’homme a droit à quatre femmes simultanément, autant
dire à quatre .....blessures » (p 135),
« Hammam, comme un répit ou un jardin immuable. Le bruit d’eau supprime
les murs , les corps se libèrent sous les marbres
mouillés » (p 212).