CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
FICTION SALAH GUEMRICHE- «
AUJOURD’HUI, MEURSEAULT EST MORT... »
Aujourd’hui, Meurseault est mort. Dialogue avec
Albert Camus. Essai-fiction de Salah Guemriche,
Editions Frantz Fanon, TIzi-Ouzou, 2016 ,
700 dinars, 208 pages
On pensait qu’avec l’ouvrage de Kamel
Daoud, Camus, l’enfant de Mondovi (Drean), le garçon
et le jeune homme de Belcourt (Belouizdad) et le (bon) gardien de but du Rua....et le
philosophe de Paris, était bel et bien
mort.....et enterré .
Non, pas du tout, le 40 ème jour est organisé , et de fort belle manière, par Salah Guemriche qui nous offre un essai-fiction, en fait une
analyse de contenu quantitative et qualitative assez originale de haut niveau
mais que chacun peut lire , apprécier et comprendre sans difficultés. D’autant
qu’elle est émaillée de piques humoristiques d’apparence vengeresses mais bien
justes.
La plupart des étapes essentielles de la vie et des œuvres d’Albert Camus,
tout particulièrement celles qui nous concernent directement (Alger, l’Algérie,
la guerre de libération...) sont abordées sous forme de dialogues , de citations et d’extraits.
On comprend donc mieux les refus de publication de l’ouvrage (déjà publié en
juin 2013 en e-book) par les éditeurs français (en 2013) qui avaient trouvé le
texte « trop algéro-algérien » mais qui, en
fait, n’avaient (et n’ont) nullement
l’intention de participer à une « descente en flammes » qui
n‘arrangeait pas et leurs « affaires » et la Culture franco-algérianiste.Un marché commercial et culturel
important, car, malgré toutes les critiques, Albert Camus, cet homme « ni
vraiment solitaire ni pleinement solidaire », ce « colonisateur de
bonne volonté », déjà « non-aligné du temps de la guerre
froide » , « la politique n’étant pas sa tasse de thé », ne pouvant choisir entre deux camps, reste et restera encore bien longtemps une
icône, mais aussi un grand inconnu (un incompris qui ne se connaissait pas
assez ?) , tout particulièrement
lorsqu’on ignore « son » contexte......N’a t-on
pas surpris G. W. Bush avec
« l’Etranger » entre les mains. Et l’Algérie indépendante
, « dans sa grande mansuétude » - envers quelqu’un qui a, peut-être, « vu juste » mais hélas,
« a compris faux » (K. Daoud, Chronique , juillet 2010) - a apposé une plaque commémorative sur le mur
de la maison natale....
L’Auteur : Né en 1946, à Guelma. Sémiologue, enseignant,
journaliste, romancier, poète, essayiste vivant en France ....De nombreux ouvrages dont le
« Dictionnaire des mots français d’origine arabe » (2007),
« L’homme de la première phrase » (2000), « Abd
er-Rahman contre Charles Martel » (2011) , « Alger-le –Blanche,
biographies d’une ville » (2012)....
Extraits : « Les Algérois
sont persuadés que leur accent est l’accent des origines du monde, et que le
soleil tourne non pas autour de la terre mais autour de leur quartier. Ils sont
même capables de vous jurer qu’Adam et Eve s’étaient connus au Jardin d’Essai,
au pied de l’arbre de Tarzan » (p 30), « Nous (les Algériens)
« serions les plus grands, les plus beaux, les plus forts » !
Les plus fragiles aussi, mais ça , c’est à mettre sur
le compte de la pudeur » (p 55) , « Ils sont nombreux de nos jours, ces intellectuels de France qui
sont prêts à tout pour placer ne serait-ce que leur strapontin dans le sens de
l’Histoire » (p 89), « Les nationalistes ont eu le dernier mot,
Albert. Quant à ce qu’ils en ont fait, de l’indépendance, c’est une autre
histoire ! » (p 102),
Avis :L’œuvre de Camus disséquée par un spécialiste qui a tout
lu...et tout compris. Se lit comme un roman, l’humour de l’auteur facilitant la
lecture. « Un véritable régal d’humour, d’intelligence et d’érudition »
selon la préfacière Emmanuelle Caminade.
Citations : « Au pays de Voltaire, toute
littérature de blédard ne mérite lauriers qu’en fonction de son degré
d’adhésion, voire d’allégeance, à l’air du temps » (p 78), « Durant
plus d’un siècle, la parole ne fut qu’entre deux, le Français d’Algérie et le
Français de Métropole, et le troisième, l’Indigène, eh bien, il n’avait point
d’oreille, encore moins de bouche !Absent, l’Arabe ne pouvait qu’avoir
tort. » (p 166)