HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RÉCIT
MOHAMED SARI- « AÏZER,UN ENFANT DANS.... »
Aizer, un enfant dans la guerre. Récit de
Mohamed Sari, Editions Barzakh, Alger 2018, 800
dinars, 249 pages.
Aïzer, un village haut perché sur les hauteurs de
Cherchell. C’est la guerre. Mohamed la raconte......sur la base de ses
souvenirs de tout petit enfant (à peine 5 ans en 62.....juste l’âge de
souvenirs en flashes que le temps a
effacé en bonne partie).
En revenant sur les lieux de sa prime
enfance, en compagnie de sa mère ; lieux auparavant défrichés, labourés et
semés et, aujourd’hui, abandonnés, laissés en jachère.....avec
, pour seul habitant, un vieil homme, « le dos légèrement
courbé......qui suivait un maigre troupeau vers l’oued aux quelques mares
restantes....et aux illusions éteintes depuis belle lurette »
Mais, surtout, en faisant parler son père, un
homme de la montagne, d’une témérité sans bornes, et ayant grandi à la « dure » (à quatorze ans, il
était déjà parti travailler chez les colons, dans les fermes.....pour gagner de
l’argent et acheter ce qui manquait.. « et Dieu sait que nous manquions de tout » ! ), qui va participer en
tant que « moussebel » à la guerre de
libération nationale et que les risques, les emprisonnements, la torture, les
blessures n’arriveront jamais à décourager. Au contraire......Ne dit-on pas
qu’ « à quelque chose malheur est bon » : ainsi, son
enfermement au camp de prisonniers Paul Cazelles (Ain
Oussera) lui avait « ouvert les yeux » sur bien des points jusqu’ici ignorés.....et
ce, « grâce aux frères lettrés » qui lui ont « appris bien des
choses sur ce que serait le pays après l’indépendance »...et lui ont
appris à déchiffrer les lettres de l’alphabet...et, surtout, la solidarité.
Il fait, aussi, parler sa mère.....qui,
elle, orpheline de mère assez tôt...et
père remarié, avait appris auprès de son frère scolarisé, l’alphabet français
et prononcé les premiers mots qui, dit-elle, « sont restés gravés
dans ma mémoire ».
Il fait parler la société environnante, faite
de Berbères des montagnes et de citadins.....se rencontrant à « Cherchell,
la cité tant convoitée » . Toujours des tensions
latentes, qui, fort heureusement, restaient cantonnées dans la bonhommie de
l’humour et du sarcasme lingusitique
Il fait « parler » aussi les camps
de « regroupement » (d’abord Ben Yamna.....en
fait , un vaste amoncellement de gourbis et de baraques surveillé de loin par
une caserne....puis, à Rivail , dans un endroit,
cette fois-çi entouré de barbelés....et aux sorties
sévèrement contrôlées) , avec leurs
harkis et leurs collaborateurs, les combats cachés et les résistances,
des lâches et des héros........ainsi que les moudjahidine – toujours là, malgré
toutes les surveillances- souvent plus que rigoureux, après avoir été forcés de
quitter le domicile familial et les terres.
Lui aussi, le petit Mohamed, devenu un peu plus
grand, parle......de l’indépendance et de la liesse populaire.....et, surtout,
de la découverte de la grande ville, Cherchell, une certaine et inoubliable journée
du 5 juillet 1962. Un autre lieu de vie, un autre homme, une autre vie. Mais
toujours un passé présent.
L’Auteur : Né
à Cherchell en 1958. Professeur de littérature moderne (Université d’Alger),
traducteur (il a traduit, entre autres,
Mohamed Dib, Yasmina Khadra....) et écrivain
bilingue (arabe-français) .Auteur de plusieurs
ouvrages......Prix Escale littéraire d’Alger en 2016, avec « Pluies
d’or » (Chihab Editions, Alger 2015) , déjà présenté in Médiatic)
Extrait : « Dans
nos montagnes, les gens étaient pauvres, mais généreux et partageaient tout, pas
comme aujourd’hui. Les richesses de l’indépendance ont perverti toutes nos
valeurs (p 18).
Avis : Récit
à la gloire de la famille, du père et de la résistance populaire (rurale) au
colonialisme. On se perd un peu dans les (trop nombreux) détails. Il est vrai
que les histoires de famille, avec leurs pointes de nostalgie et de fidélité
mal retenues, sont toujours
« envahissantes ».Mais que de vérités sur un passé trop
idéalisé !
Citations : « La
ville, c’était le rêve tant souhaité, surtout après le départ des Français. Le
pays était à nous , et nous avions payé cher pour avoir enfin la liberté »
(p 61), « Je croyais que la vieillesse effaçait les souvenirs de jeunesse .Au
contraire, il suffit d’une étincelle
pour que tout s’enflamme, pour que toute notre vie, celle qu’on avait
crue oubliée, défile devant nos yeux flétris » (p 68), « La vie en
liberté et la ruée vers les biens abandonnés par les colons ont tout
chamboulé :les hommes et les valeurs. On a vu les frères d’armes
s’entre-tuer à coups de couteaux et les ennemis d’hier se transformer en amis
de toujours pour gérer leurs intérêts communs. On ne distinguait plus le moudjahid
du harki ou le chahid de celui qui avait été
éliminé pour trahison et collaboration avec l’armée française » » (p
96)