POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN AHMED BAKELLI- « LA VOYAGEUSE »
La voyageuse. Roman de Ahmed Bakelli. Casbah Editions, Alger 2016, 253 pages, 800 dinars
C’est l’histoire (réelle ?) de Christine, l’épouse de Mathieu, un
militaire, commandant, au début des
années 1900 , de l’annexe du territoire militaire de
Ghardaïa. Française pure souche...et qui décide de rejoindre son mari.
D’abord un séjour à Alger avec la découverte d’un nouveau pays, mais pas
encore réel, se limitant à de vieilles demoiselles vivant presque en vase clos .
D’abord le long et harrassant voyage. Par train,
par diligence puis ...à pied. Alger-Djelfa-Laghouat.....et la découverte
de paysages nouveaux et , surtout des hommes qui y
vivent.
La vie de garnison, malgré tous les avantages, tout particulièrement durant
la période
d’ « adaptation » du pouvoir colonial dans la région du M’zab, n’est pas chose facile. C’est ce que raconte (par
courrier, à ses nouvelles amies algéroises) Christine qui ,
peu à peu, découvre et s’imprègne des réalités du terrain car ne voulant
nullement être « embrigadée ».
Bien plus que son époux. Bien plus que le caïd de service... Elle aura
une très grande sympathie (et plus ?) pour Boudjemâ,
le guide local mis à sa disposition, et
à sa famille . Grâce à eux ,elle arrivera même à
connaître la vie familiale des habitants et elle se drapera dans le haïk en
laine (le « Ahouli ») qui va lui
permettre de circuler dans les dédales
des ruelles.....retrouvant , dit-elle, une « certaine conscience de son
individualité ».
C’est donc la découverte de la vie (familiale et sociale ainsi qu’économique
et commerciale) du M’zab de l’intérieur.....Une cité cœxistant durablement sans autorité publique......il y a
surtout des « espaces publics » organisés, bien huilés. La
description des souks du Mzab, lieux de rencontres communautaires, est
édifiante.
C’est, aussi, la découverte d’une certaine vie politique(abordée
en interne avec prudence) et d’une critique (par Christine) du système colonial
en place......avec des populations qui, tout en reconnaissant l’autorité,
n’exprimaient aucune allégeance à l’occupant.
L’Auteur : Né en décembre 1944 à Atteuf (Ghardaia), Ahmed Ben Mohamed Bakelli
est diplômé de philosophie de l’Université d’Alger. Multiples fonctions dans
les secteurs étatique et privé.......Désormais, il se consacre à l’écriture et
à la traduction
Extraits : « Appartenir à une cité est une
conformation à un processus d’ancrage, que le temps se charge de consolider,
par le développement d’us et de traditions communes à l’ensemble de ses
habitants....La cité représente une finalité dynamique, à savoir : une
mémoire collective quotidiennement fournie, donc une entreprise sans cesse
perfectible, en vue de baliser son cheminement vers la constitution d’une
conscience collective » » (p 35), « L’originalité de la
cérémonie du méchoui réside dans le fait qu’elle permet , à l’homme, pour
quelques instants, de simplifier son rapport à la nourriture présente devant
lui » (p 104)
Avis : Récit plus que roman. Un peu ennuyeux, car parfois
assez prudent, mais assez instructif pour ceux qui voudraient
connaître un peu plus et beaucoup mieux les
us et coutumes du Sud, en général et le Mzab et ses habitants en particulier
Citations : « A force d’étendre l’amour, nous
risquons de le banaliser » (p 18), « La république
, c’est le pouvoir du peuple ;donc,sa
définition ne peut, en aucun cas, être définitive. Elle ne pourra que rester
intimement liée à l’évolution du peuple » (p 89) , « Il n’y a pas
plus esseulé que celui auquel on obéit en tout » (p 93), « Le
meilleur hommage qu’on puisse rendre à la générosité de son hôte est de manger
aussi généreusement » (p 109)