VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
TEXTES KACIMI MOHAMED- « LES ANNEES BOUM »
Les années Boum. (Recueil de textes) Ouvrage collectif sous la
direction de Mohamed Kacimi. Chihab Editions, Alger 2016, 323 pages, 1 400 dinars .
La phrase de Ali Akika, peut, à elle seule, à mon
sens, résumer, « les années Boum »(un titre
assez sympathique au demeurant, avec même une connotation joyeuse ) :
« Les années Boumediène ont été pour certains un
rendez-vous manqué avec un peuple qui débordait de rêves à la sortie d’une
longue guerre. Pour d’autres, une dictature « progressiste » qui n’a
pas survécu à sa mort » . Pas si sûr ! Le
régime n’est plus, remplacé par un autre, et encore un autre, mais le système
de gouvernance a perduré et a encore de beaux jours devant lui, l’organisation
libérale de l’économie (et de la politique) n’étant qu’un seul et même habit de
parade, toujours (sup-)porté par la « famille révolutionnaire »
et ses rejetons .
Les années Boum, chacun les voit selon son vécu et ce qu’il en a récolté au
passage. Des études universitaires brillantes avec des bourses consistantes , des carrières politiques fulgurantes, des
postes de députés bien rémunérés, des
montagnes de grades, des postes de walis, de mouhafedh
,des postes ministériels ou d’ambassadeurs , ou dans la haute administration ou
dans la gestion d’entreprises (nationales....et elles étaient assez grosses ) .....et pour certains nouveaux privés (déjà) des licences
d’importation ou des autorisations d’ouvrir des usines....Les journalistes
aussi en ont profité, certains, « voix du maître », ayant été véritablement
« chouchoutés », acquerrant terrains et logements.
Les années Boum, ce furent aussi les 3R, avec les résultats que l’on sait et
dont on récolte les fruits, bien souvent amers, à partir des années 90. Il est
vrai que les années Jeff ont parfois brutalement et sans avertissement tout
détricoté, , nous faisant aller de Charybde en Scylla.
Pour ma part, si les années de la colonisation m’ont vu passer au total , en
sept années, deux journées pleines en « détention », à Annaba (une chez les paras pour défaut de papiers
d’identité et une chez les Unités territoriales pour « offense
à corps constitués »), les années Boum m’ont vu passer , en moins de trois
années, trois journées en « cabane » : une (à Annaba) le jour de
l’Indépendance pour avoir crié (innocemment) « vive Ben Khedda » alors que les cartes avaient changé de mains
passant entre celles de Ben Bella, une seconde du temps de Ben Bella , en
compagnie d’un groupe de copains et de
copines universitaires (à Alger) pour avoir participé à une
... « Boum’ » ....et la troisième le 20 juin 65 parce que ,
paraît-il, je constituais, un « danger public » potentiel , étant
chargé de la section « Culture et Sports » Unea de l’Ecole
nationale supérieure de Journalisme de l’époque . La suite est un long fleuve
tranquille de (haut-) fonctionnaire discipliné et d’Algérien patriote ( surtout
à l’étranger....où l’on « tirait » sur tout ce qui titillait
l’honneur du pays) : Volontariat, service national obligatoire à un âge
avancé, autocensure digérée,
« adhésion » aux 3R, peur permanente des « oreilles
indiscrètes »........Heureusement, il y avait ce fameux « mouchoir de
poche » , libre et libéré, se
trouvant entre le Bd Amirouche, la rue Ben M’hidi et la rue Didouche..........la
kémia et les sardines frites à gogo...la
mini-jupe....le jean...la Cinémathèque.... La vie à pleine dents.....Pour oublier
les grands manques et les petites lâchetés?
Les textes présentés : du pour et du contre, du bon et du mauvais, du
sincère et du rancunier.....du « réaliste » (celui de Mohammed Kali)
et du «sincèrement reconnaissant» (celui de Hadj Miliani).....avec
le sentiment que la plupart ont visé bien plus le « système » que
l’homme ......qui reste encore un mystère. Il est vrai que là n’était pas le
but de l’ouvrage qui, je crois, se veut surtout descriptif d’une atmosphère et
d’une certain façon de vivre que le procès d’un dirigeant.
L’Auteur : Né en 1955 à El Hamel. Ecole normale
supérieure d’Alger .En France depuis 1982. Journaliste, auteur de romans, d’essais , de pièces de théâtre et d’ouvrages destinés à la
jeunesse.
Extraits : « C’est dans les années 1970 , par
le manque de libertés , par l’absence de réformes et à cause de
politiques éducatives catastrophiques que l’Algérie a préparé ses malheurs de
la fin des années quatre-vingt et de la décennie quatre vingt dix » (Alkram Belkaid, p70), « Le
« peuple » était présent dans toutes les déclarations, mais dans les
faits, il n’était même pas convié aux strapontins des salles de spectacles
encore en porte-à-faux avec la réalité de la majorité des Algériens, trop
longtemps marginalisés et dont l’écrasante majorité était analphabète »
(Ahmed Cheniki, p 133), « L’Algérie avait à la
tête de l’Etat un homme intègre, animé de patriotisme et d’une volonté de
justice sociale, mais tout autant, d’une conception archaïque du pouvoir ;
pouvoir autoritaire, charismatique, pragmatique et prudent, sécrétant les
modalités clientélistes de l’accès au pouvoir économique , poreux à la
corruption, et finalement inefficace par rapport à ce qui semble avoir été son
ambition véritable (au-delà des professions de foi idéologiques
circonstancielles) de construire l’Etat moderne en Algérie ( Amin Khan , p 229)
Avis : Pour les jeunes, Boumediène,
c’est loin....Pour les moins jeunes, c’est selon. Ce qui est sûr, c’est que le livre , très bien écrit par des presque sexagénaires ou plus,
nostalgiques ou toujours rebelles .....est (trop) cher
.Durant les années Boum, le livre était rare mais à bas prix !
Citations : « Une ville (Alger) que l’on dit blanche
mais qui est en fait noire. Noire dedans dehors et autour » (Mohamed Kacimi, p 24), « Une société
« décline »quand elle continue de donner des leçons aux autres
qu’elle n’applique pas à elle-même » (Ali Akika,
p 47), « Quand le rêve s’effrite avant vos vingt ans, c’est déjà une
partie de votre droit au bonheur qui part avec » (Ahmed Bedjaoui, p 52)