HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- -
MORRO JEAN PAUL- MON ENFANCE A ORAN
Mon enfance à Oran. Récit de Jean –Paul Morro.
Casbah Editions, Alger 2018, 550 dinars, 155 pages.
Il a vécu à Oran jusqu’à l’âge de 15 ans.
Lui, c’est Jean-Paul Morro, petit-fils (du côté
maternel) des Guastavino ( venus
par hasard –ils devaient se rendre en Amérique du Sud - de Varazze près de
Gênes) et , du côté paternel, des Morro venus de Segorbe (province de Castellon).
Encore trop enfant pour être impliqué dans
les conflits politiques (sauf ceux inter-quartiers, genre « guerre des
boutons ») , mais tout de même déjà assez
adolescent pour sentir les atmosphères et s’en imprégner. Il est vrai que sur-
protégé par ses parents (un père instituteur rêvant d’un Etat utopique et un tonton,
Lolo, indépendantiste) et vivant presque en vase clos dans un quartier peuplé
uniquement d’habitants d’origine « européenne » (surtout des
Espagnols et quelques Italiens ) parlant le français, l’espagnol et un dialecte
génois.
Il n’a connu de l’Algérie que la vie presque
« facile » et le soleil toujours chaleureux. Il n’a presque pas croisé des « arabes » ......
Si ! deux ou trois fois : Un jour, en vacances en France, il fut traité,
en France, par un de ses « copains » , de
......« Fellagha »........ Puis, à l’école, avec une
« détestable » institutrice qui, pour une toute petite faute de
grammaire commise, fit baisser le pantalon
à Kader ,
pour lui asséner plusieurs coups de règle plate sur les fesses dénudées. Devant
toute la classe ! Puis, un jour, sur un chemin de campagne, il croise une
famille arabe qui vivait dans une grotte « où s’agitaient et pleuraient
des enfants à demi nus près d’un feu ». Enfin, une épreuve
« traumatisante et risquée » subie , à la
fin de la guerre, lorsque lui et son père, en voiture, traversant par
inadvertance un quartier non familier, furent pris.....en chasse par une bande
de gamins et d’adultes « arabes ».Ils échappèrent de justesse au
lynchage, avec l’arrivée d’une patrouille de l’armée française.
Bref, une enfance et une adolescence presque
heureuse et sans histoires.......seulement perturbée par les exactions de l’Oas.....et par le départ précipitée en France. Là, ils
n’étaient plus jamais des « vacanciers », mais « des étrangers
échoués dans un pays majoritairement hostile » qui les «
désignait comme les responsables de tous ses morts »....et « pire
épreuve encore, la dispersion de toute la famille à travers la France »
qui allait leur apprendre « à vivre seuls et à devenir, au fil du temps,
des étrangers les uns pour les autres »
L’Auteur : Né en
1947 dans le quartier de la Marine à Oran. Enseignant dans le secondaire. Vit
actuellement en France (Sète)
Extraits : « Le
puzzle du passé recomposé me présente l’image noire et sordide d’une
société à laquelle j’appartenais mais qui me fait honte quand j’y pense
maintenant » (p 66), « Mon Algérie n’a jamais rien eu à voir
avec celle des grands propriétaires fonciers. Eux, ou en tout cas leur famille,
vivaient à Paris et venaient sur « leurs » terres toucher les
dividendes d’un travail que d’autres effectuaient à leur place .Et je n’ai
jamais supporté, devenu un « rapatrié » que l’on m’assimile à ces
gens-là » (p 120)
Avis : Un
témoignage certes émouvant par sa simplicité et sa naïveté (celle d’un adulte
qui raconte son enfance quelque peu dorée , et à
l’écart des « indigènes » , sous le soleil d’Oran..... Nostalgie
du « soleil de mon pays perdu !» ) mais bien insuffisant pour faire oublier le côté obscur de
la colonisation et les récits haineux et revanchards des « adultes ».
Il faudrait plusieurs centaines de récits de ce genre......Malgré tout, un
premier pas vers un certain rapprochement.
Citations : « La
mer sait rejeter de tristes épaves dans les ports » (p 19), « Le vrai
ciment, la force qui unissait tous ces gens modestes en leur permettant de
gagner leur vie, palpitait tout près d’eux, presque sous leurs fenêtres. Le
port d’Oran ! » (p 29), « Je vivais, sans le savoir, sur une terre
d’injustice. Les miens avaient bâti leur destin, leur vie, leur prospérité sur
le malheur des autres .En toute bonne foi......Sans jamais vouloir
reconnaître qu’ils n’étaient pas chez eux et sans compter avec l’Histoire qui
devait, coûte que coûte, faire son œuvre » (p 155).