HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECIT MOHAMED LEMKAMI- « LES HOMMES DE L’OMBRE.... »
Les hommes de l’ombre. Mémoires d’un
officier du Malg. Récit de Mohamed Lemkami (préface du Pr Djilali Sari). Editions Dahlab, Alger 2012
(1ère édition en 2004 à Anep Editions) . 1 500 dinars, 624 pages
Mémoires d’un ancien officier du Malg ? Pas
vraiment. Pas totalement .Car l’ouvrage
se divise en deux grandes parties assez distinctes l’une de l’autre, encore que
le statut d’ancien du Malg, après l’Indépendance,
allait assurément grandement influer sur le cours de la carrière du soldat en
retraite. Malg un jour, Malg
toujours. C’est dire le poids et l’influnece (qui duere encore) du groupe de révolutionnaires ayant activé au
sein de la wilaya V et du Malg de Boussouf.
Les « Malgaches » ?.....Le « mal général » comme
aimait les taquinait Houari Boumediène......
« Soldats de l’ombre..... jeunes généraux
moustachus travaillant dans l’ombre » comme leur avait déclaré Ferhat
Abbas en guise d’encouragement et de remerciement lors d’une visite à la Base Didouche ?
Première partie : L’itinéraire d’un jeune homme tranquille, issu d’une fammile très, très modeste (de la tribu de Beni Snous) , premier bachelier de sa région depuis le 5
juillet 1830 et qui ,au départ,
instituteur, tout en militant au sein du Ppa-Mtld, allait rejoindre les rangs des combattants....Le maquis
frontalier de la wilaya V avec sa zone périlleuse du barrage électrifié le long
de la frontière algéro-marocaine, puis le Malg (où
« la vie est réglée comme une horloge » sous la direction de Si
Mabrouk, nom de guerre de A. Boussouf) tout au début
de son organisation, gravissant les échelons avec un passage au (nouveau) Service Spécial S4 (ici, la
rétrospective dressée par l’auteur est assez brève.....et comme les archives ne
sont pas accessibles et les survivants sont rarissimes, on n’en saura pas beaucoup)
Seconde partie : Rendu à la vie civile, c’est un autre parcours (un
véritable parcours du combattant avec des adversaires et des amis, des
facilités et des « peaux de banane ».......).....Parallèlement à des
études universitaires, des ministères en tant que haut fonctionnaire (Commerce, Finances, Plan...), des
entreprises (Ofalac, Dg de la Phamarcie
centrale durant cinq années et demie...) et , bien sûr, l’incontournable Apn comme élu Fln de sa région durant deux législatures
(avec une non-réélection une troisième fois en 87)....et, en fin de parcours,
une ambassade......à Tirana en Albanie
Fin de parcours, avec la mise à la retraite en juin 1992. 60 ans à
peine ! Tout le temps de prendre un repos
bien mérité et d’écrire ses mémoires (nouvelle mouture terminée en
décembre 2011) .
L’Auteur : Né le 1er décembre 1932 à Khemis (Tlemcen). Instituteur en 1954-1955,, membre actif du Fln , il rejoint fin 55 le maquis en zone
I, Wilaya V. Membre du Malg de 1959 à 1962. Haut
fonctionnaire après l’Indépendance, vice-président de l’Apn,
ambassadeur (1988) ; décédé le 27 septembre 2017.
Extraits : « Alors que dans d’autres
régions, ces étudiants et collégiens en majorité francophones avaient rencontré
certains difficultés de la part de quelques responsables de l’Aln, dans la région de l’Oranie (wilaya
V) , Abdelhafidh Boussouf
et ses adjoints les protégeaient et leur faisaient confiance. .....Il en sera
de même plus tard dans les services du Malg »(p 176), , « Boumediène fumait 4 à 5 paquets par jour de la cigarette
algérienne Brazilénas et buvait tout seul une
cafetière entière en une nuit » (p 203), « Contrairement à ce que
disent certains responsables de la wilaya 4 au lendemain de l’indépendance, de
nombreux jeunes de l’Oranie (.....) s’étaient sacrifiés pour leur faire parvenir des armes, des
médicaments et autres équipements militaires. Il est injuste de la part de ces
responsables de ne pas reconnaître le sacrifice de ces nombreux jeunes anonymes » (p 209) , « Si
pendant la guerre de libération nationale tout était analysé et exploité, après
l’indépendance toutes ces archives avaient été négligées. C’était ainsi que
d’anciens collaborateurs notoires fichés par nos services s’étaient infiltrés
aisément dans les rouages du Parti du Fln et de l’Etat pour occuper des postes
sensibles. Ils avaient d’ailleurs utilisé tous les moyens pour se trouver des
protections » (p 247) , « La course pour les
témoignages (après le 19 mars 1962) allait bientôt commencer et
s’éterniser sur plusieurs décennies. « Je te faux-témoigne et tu me
faux-témoignes » pour accéder à de hautes responsabilités ou bénéficier
d’avantages » (pp 316-317) , « Le
peuple algérien et en particulier les générations post-indépendance
n’ont pas besoin de règlements de
compte, ils ont besoin de vérité. Seuls des chercheurs scientifiques objectifs
peuvent atteindre cet objectif de vérité » (p 329), « Actuellement, dans nos administrations
locales, nous avons de vrais professionnels de la fraude électorale » (p
341)
Avis : Un ouvrage qui fourmille de détails. De
l’histoire « événementielle » à profusion, avec ses infos, ses
« révélations » (sur les erreurs commises par le combattant........sur la rencontre
d’« un jeune homme très blond, maigre et aux yeux profonds et perçants ne pîpant mot et pris pour un légionnaire allemand
déserteur » ,sur les conflits internes Boussouf -Boumediène.......
)..... sur les collaborateurs amis
infiltrés) ....ses piques, ses anecdotes , ses courages , ses peurs, ses « coups
fourrés », ses réflexions, ses critiques....beaucoup de noms......toutes
les petites histoires du quotidien qui font notre Histoire
d’aujourd’hui......et une vie bien pleine .
Seule lacune , rien, ou presque rien sur les circonstances de la mort de Abane Ramdane (p 329).
Citations : « Avec l’âge, il devient de plus en
plus difficile de déchiffrer à travers un rétroviseur embrumé, parmi les débris
de mémoire, l’itinéraire de toute une vie » ( 17) , « La crise née en
été 1961 entre le Gpra et l’Emg
de l’Aln , accentuée début juin 1962, lors de la réunion
du Cnra à Tripoli, alait
devenir le virus qui infecte et accompagnerait toute la classe politique
algérienne à ce jour » (p 339) , « La grande école pour la
jeunesse, c’est la vie dans l’entreprise pourvu qu’on s’adonne à la tâche avec
foi » (p 439), « Rien de sérieux et de durable ne saurait être
construit sur le plan politique dans notre pays, tant que les causes de nos
échecs successifs, qui ont lourdement coûté à notre peuple, ne sont pas
sérieusement étudiées » (p 596)