HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECIT MOHAMED KHELLADI- « DE
BOUSSOUF A KENNEDY.... »
De Boussouf à
Kennedy. Liberté et foi. Chroniques secrètes. Récit de Mohamed Khelladi. Casbah Editions, Alger 2017. 1 200 dinars, 346
pages
On ne sait au juste par quoi commencer . L’ouvrage
est si riche en informations et si pluriel en sujets. Car, ni roman avec une
intrigue ni mémoires en la forme linéaire , mais des « tranches d’histoire
personnelle » , livrées presque en vrac. Comme une sorte de mille et
une confessions « au coin du feu », allant de 1956 à 2016.
Cela va de la description d’une « jeunesse onirique et exubérante à
Oujda » à la participation à la guerre de libération nationale - les bancs de l‘amphithéâtre de la faculté de
Droit quittés avec la grève mémorable des étudiants algériens, en mai 56 - au
sein du fameux Malg
(une image de marque qui flamboie encore, bien entretenue) et à travers
les maquis. Içi ,on aura une longue description d’une
« mission » de contrôle du tout nouveau jeune sous-lieutenant,
entreprise de janvier à août 57, à travers sept des huit nouvelles zones de
l’intérieur (monts de Tlemcen, Ouarsenis, Plateau d’Aflou, Monts de Béni Smir et Béchar.....) avec le nouveau commandant
militaire...... Houari Boumediène. On a , aussi, bien des détails sur l‘organisation et le
fonctionnement de la wilaya V (arcboutée
secrètement dans sa géographie avec le Maroc) dirigée par un Abdelhafidh Boussouf « homme de vent debout et novateur...qui
savait ce qu’il devait faire et comment le faire .....grâce
à ses quelque vingt ans d’action militante secrète »
Il y a le passage en diplomatie (dès l’Indépendance est membre de la délégation partie à New York et
conduite par A. Ben Bella, pour préparer, en septembre 1962, l’entrée de
l’Algérie à l’Onu), soit dans des Ambassades.....bien souvent lors de moments
forts (Cuba, Espagne, Venezuela couvrant
l’Equateur et 12 autres Etats des Caraibes...), soit
au ministère des Affaires étrangères. Une très longue carrière ......qui a
commencé (en tout cas la vocation ou les qualités) durant la guerre avec une
expérience importante dans la vie internationale du pays : la rencontre
avec un journaliste américain du fameux quotidien , le
« New York Times », Joe Kraft, auparavant tombé dans le piège de la
propagande de l’armée française (durant tout un mois avec une « tournée
des popotes »). Il est invité , en 1957, à effectuer un long reportage
dans les maquis aux côtés des combattants de l’Aln.Ses
articles , photos à l’appui, publiés
dans le « Saturday Evening Post » , un
journal assez lu par la classe politique (les responsables du « N-Y Times » avaient estimé que « les analyses de
Joe étaient trop lourdes », un « coup inamical dur pour la
France » ) , feront date......et John .F Kennediy
, alors sénateur et président de la Commission des Affaires étrangères, fera,
au Capitole, le 2 juillet 1957, une déclaration sur le droit du peuple algérien
à l’indépendance, ce qui provoquera une
grave crise entre Washington et Paris. Elu président le 20 janvier 1961, J.F. K
envoie à deux reprises Joe Kraft, son conseiller, en tant qu’envoyé spécial au
président de Gaulle devenu président en 1958 , pour le convaincre de la nécessité
de négocier avec le Fln. De Gaulle fait fermer les 14 bases militaires
américaines en France et retire les forces françaises de l’Otan
Il y a , aussi, pas mal de révélations : Qu’il
fut la cible d’un attentat terroriste en juillet 1997....que Djamal Amrani a été le premier
attaché culturel à Cuba et qui, interrogé sur son espagnol répondit à un
élégant diplomate français « Yo me demerdo !»....que Cuba entretenait des relations
diplomatiques avec Israël jusqu’en septembre 1973 (par la suite, il y aura la
rupture) .....que Valéry Giscard d’Estaing a été percepteur des impôts dans une
sous-préfecture de l’Oranie du temps de l’Algérie
française.....que Boumediène avait décidé , en 1973,
de fumer.......la cigarette ( mais pas le cigare Davidoff
de Genève).......que Abdelatif Rahal était un très
bon violoniste.....que l’Ambassade d’Algérie à Caracas a subi attentat terroriste...en raison d’un article
de A. Fattani (7 janvier 2013, in
« L’Expression ») révèlant la décison secrète de A. Bouteflika d’aider Hugo Chavez à
faire redémarrer l’industrie pétrolière vénézuélienne par l’envoi
d’une dizaine de cadres de Sonatrcah.......que
les académies militaires et experts
américains ne revisitèrent (juste après l’invasion de l’Irak en 2003) « La
Bataille d’Alger » ...que pour chercher à y découvrir quelque enseignement
ou secret de contre-guérilla urbaine.......
Par ailleurs, pas mal de
« piques » : l’une assassine à l’endroit de Yacef
Saadi (p 214), l’autre malicieuse ciblant le Gpra de
Ferhat Abbas (p 218) , les « pervers Printemps
arabes programmés », la nouvelle génération des Algériens,
« peu formée et informée... » (p 345) , la
presse privée algérienne ..... « plus soucieuse peut-être par souci
alimentaire et l’air du temps , à fustiger le système
au pouvoir depuis 1962 »......mais rien, rien sur les circonstances de
la mort de Abane
Ramdane. Malg un jour, Malg toujours !
L’Auteur : Né à Nedroma,
ayant rejoint le Fln/Aln lors de la grève des
étudiants en 1956. Assistant du commandant militaire Houari Boumediène
durant sa tournée de contrôle des zones intérieures de la Wilaya V (janvier
1957-fin août 1957) ,
Chef du service de renseignement politico-militaire du Malg.......Diplomate après l’indépendance du
pays .......ambassadeur
Extraits : « La guerre terminée, la situation
interne de l’Aln-Fln se transformait désormais et au plus niveau de
l’Emg-Gpra-Cnra en luttes pour le Pouvoir » (p 82) ,
« L’association algérienne des « sachants »
de l’islam , plutôt que de savants comme le prétend la traduction
française.... » (p 173), « Si l’Algérie des combattants de la
libération n’a rien oublié de son passé de colonie et d’un peuplement
intolérant et privilégié, l’Algérie d’aujourd’hui a tourné la page. Celle de la
génération postindépendance n’en sait rien ou si peu » (p 234)
Avis : Il
l’avoue lui-même : se « raconter » pour « exister »
est certes un devoir (et ceci est valable pour tous les moudjahidine encore de
ce monde) mais aussi un exercice difficile. Car ,
« transmettre » (sans apparaître « donneur de leçons » ou
imposer ses idées) est une autre paire de manches. Içi
apparaît le rôle important de l’éditeur qui ne doit pas se contenter d’être un simple
« imprimeur-diffuseur »
Citations :
« Le taux de corruption en Algérie ne dépassait pas le taux
irréductible de 1,5% ; la goutte d’huile indispensable pour que la
charnière fonctionne » (Boumediène, en 1974 puis
en 1977, p 82), « La France n’était jamais parvenue à coloniser
l’imaginaire des Algériens, seulement à geler ou refouler leur patrimoine
personnel de mémoire vraie ou imaginée (p 175) , « La France n’a pas encore pensé sa guerre d’Algérie pour pouvoir
l’assumer. Il est vrai qu’en Algérie l’impensable s’est produit » (p 178) , « La France des Lumières n’a jamais brillé en
Algérie, qui n’en a connu que les ombres » (p 291)