HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN AICHA KASSOUL- « LA COLOMBE DE KANT »
La colombe de Kant. Roman de Aicha Kassoul.
Alger 2017, 206 pages, 800 dinars
Essai ? Roman fiction autour d’une histoire ?Histoire
d’histoires ? Autobiographie téhrapeutique ? Exercice de style ? Un peu de tout , de tout un peu !Ce qui nous éloigne des
premières productions de l’Auteure....avec une grande et merveilleuse exception
cependant : la maîtrise de la langue française avec laquelle elle joue et
se joue avec brio. Heureusement d’ailleurs, car pour une prof’ de français de
la vieille école (pardon , madame !), on ne
pouvait faire moins. On en a eu plus
qu’il n’ en fallait. De quoi rendre jaloux les
plus vaniteux écrivains de l’Hexagone.
Bien sûr, il y a ,au centre de l’écriture (ce n’est pas une histoire) ,le
personnage de l’auteure (du moins, c’est ce que l’on devine) qui, à un moment
T, « seule, toujours seule comme toute personne vouée à le
rester » ,et « plus religieuse » qu’elle ne le
croyait, se confie et dit ce qu’elle pense de tout ce qu’elle a vu connu et subi
et, aussi, de tout ce qu’elle sait de l’Histoire du monde et du
pays....avec une sorte de découragement (ou
bien plutôt) d’acceptation de ce qu’elle « ne supporte pas, la
violence dans le monde, la finance aux commandes, les podemos
ne pouvant rien ». Ajoutez-y l’éclatement de bien des certitudes et /ou de
situations. Heureusement, la vie continue car, « dans l’infini du temps,
passé et à venir, tout ce qui peut arriver est déjà arrivé »
Les histoires et les lieux ? Il
y en a plusieurs, évoqués très brièvement pour la plupart, car il y en a
tellement, entre le monde, la région, le pays, la vie professionnelle .....les
occupations coloniales, les résistances populaires, les héros antiques,
puniques, berbères, contemporains....les révoltes populaires
, rurales, citadines, d’avant, d’aujourd’hui............. Et, que de
noms, bien désignés ou seulement suggérés,
de héros et/ou de traîtres, de courageux et/ou de lâches, de génies
et/ou d’idiots.......Toute une Histoire qui défile. Un film qui se déroule à
une vitesse vertigineuse au fil de phrases courtes, très courtes jouant souvent
à saute-mouton avec le temps et les événements.
On a donc dans un grand désordre Tacfarinas, Hannibal, Jughurta,
Massinissa, Apulée , Bocchus , Syphax, Sophonisbe,
Cléopâtre Séléné, Caesara, Fronton, Donat, Firmus, Gildon, Carthage, Rome, Madaure,
Cirta , Thagaste, Constantinople, l’occupation
romaine (cinq siècles de présence
militaire et de rapine), Genséric,
les Vandales, Okba, Koceïla......
et l’Université, la radio, le
consulat....et, surtout Mandouze et Augustin, un
juste et un saint On s’y perd.......mais
on en jouit.
L’Auteure : Née à Blida, professeure de littérature
française et francophone à l’Université d’Alger. Consule d’Algérie à Besançon
(France) de 2010 à 2015. Actuellement membre du Conseil supérieur de
l’Audiovisuel (Arav). Elle a publié déjà deux
premiers ouvrages : « Chroniques de l’impure (Marsa
Editions) et « Le pied de Hanane » (Casbah Editions)
Extraits : « La liberté ce n’est pas rien,
mais la fierté , l’esprit de la fête s’étaient perdus au fil du temps, ranimés
par les seules victoires footbalistiques, grandioses,
tout un peuple en liesse, uni comme il ne l’est pas le jour anniversaire de sa
libération, décrété simplement jour férié, noyé là-bas parmi d’autres dates
dans l’Officiel des idées et les manuels scolaires louvoyant entre
l’hagiographie et les oublis embarassants » (p
25) , « Que peuvent bien valoir les abattis d’un ex grand homme qui refuse
de disparaître dans le dédain qui s’apparente à la grandeur, prétend au choix
d’un fanfaron tombeau. Pitoyable » (p 86), « Bien des masques
sont tombés une fois la paix revenue, la réconciliation nationale
officiellement déclarée. Coups bas, vils calculs, compromissions bénéfiques,
l’adversaire n’étant pas le barbu en kamis, mais ce qui était caché en nous, des
rats déboulant des égouts sous l’effet de la crise. L’ennemi intime » (p
101), « Arabes, Turcs, Iraniens, tous pareils. Historiquement nuls,
incapables de réussir une révolution quand ils en font une, pfft, un bon Shah
persan dégagé, des droits déniés aux hommes en général, sans parler de ceux de
la femme dont il n’y a que des choses à redire » (p 112)
Avis : De l’aveu de l’auteure, « un livre qui se
traîne » (p 51)....complexe et compliqué. « A force de disséquer les
livres, je ne saurais pas faire le mien » avouait-t-elle » (p 99).
Citations : «
La vérité se trouve ailleurs que dans les livres sérieux » (p 23),
« Certains livres sont faits pour être lus à partir de leur fin » (p
35), « Les cités détruites se relèvent de leurs ruines, les êtres se reproduisent , les murs se reconstruisent. Plus dures que la
pierre, les idées. La première d’entre elles, la liberté » (p 39),
« La police, les gouvernements, les armées, les présidents, les
rois.....tout ça c’est l’autorité. L’autorité c’est
pas réel, c’est de l’illusion. C’est le travailleur qui invente tout ça parce
qu’il y croit » (p 47), « Du merdier peut émerger une grande cause
» (p 68), « Ne sont pas terroristes ceux qui se rebellent contre un
ordre établi par la violence » (p 162), « Il suffit parfois qu’un
seul ait raison ou que la raison frémissse, pour que
la question du point de vue devienne un problème de vision tout court » (p
165).