EDUCATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECIT ZAHIR IHADDADEN- « ITINERAIRE D’UN MILITANT.... »
Itinéraire d’un militant. Témoignage. Récit de Zahir
Ihaddaden. Editions Dahleb , Alger 2017. 1 000 dinars, 255 pages.
Itinéraire d’un militant certes , mais aussi et
surtout une galerie de portraits de (preque ) tous
ceux qui, parents et alliés, femmes et hommes, amis et autres, ont fait la
famille et la tribu...puis l’armée
(souvent anonyme) des combattants pour l’indépendace
du pays....et, enfin , les Algériens aux commandes du pays
Des portraits et des moments accompagnés très souvent de descriptions de la
vie quotidienne , celle de tous les jours, avec ses bonheurs et ses malheurs, ses
courages et ses lâchetés, ses espoirs et
ses déceptions
Une première partie est consacrée aux « ancêtres » , pour la plupart décédés mais que les
« confidences » de l’auteur
font revivre , nous replongeant en même temps dans un monde que les jeunes
d’aujourd’hui ne peuvent pas connaître......le monde de nos propres
« histoires » familiales et/ou tribales. Le style n’y « va pas
par quatre chemins ». Direct ! Je crois que sur les quelques
centaines de livre lus, c’est le premier du genre.....un genre qui fait
ressentir une forte émotion due à une empathie certaine. Car la morale de
l’histoire est là, bien présente : certes on était
« heureux » au sein de sa
communauté et de sa famille...mais le bonheur était bien triste tant la vie était difficile (surtout pour les
jeunes) sous l’insupportable joug
colonial.
La seconde partie est consacrée principalement au (long) parcours militant
et professionnel de l’auteur. Un fleuve
pas tranquille du tout et ses descriptions des hommes et des situations sont
plus que parlantes ; durant la guerre et après. Avec ,
heureusement , des satisfactions, entre autres la réussite universitaire soit
en tant que chercheur ou en tant qu’enseignant.
Quelques révélations :Boumediène,
militant au sein d’une cellule du Ppa à El Katania de Constantine (p 164) / Abane Ramdane : « Il a été clair : la Révolution
ne peut pas être l’œuvre des militants du Ppa
uniquement. Elle doit reposer sur toutes les organisations et sur le peuple
dans son ensemble » (p 175)/ Boussouf : « Je n’ai jamais eu avec lui une
discussion prolongée. Mais il me semble qu’il était plein d’attention à l’égard
des militants » ( p 191)/ La mésentente
entre Abane et Boussouf (p
193)/ L’assassinat de Abane Ramdane (p 211)/ L’adhésion
au Prs, la création de l’ association Al Quiyam, Malek
Haddad, Kateb Yacine....le parti Al Oumma avec B. Benkhedda
Une déception : lors d’une visite rendue à Messali
Hadj résidant à Bouzaréah..... « Un bel
homme imposant..........Il ne mettait que sa personnalité en évidence.......
J’avais l’impression d’avoir devant moi un marabout » (p 169)
L’Auteur : Né
en 1929 à Timzeghra, un faubourg de Sidi Aïch (Bejaia) , diplômé des médersa d’Algérie, licencié
es-lettres (Alger), Docteur d’Etat en
Sciences politiques (Paris) , moudjahid , journaliste de « Résistance
algérienne » puis d’ « El Moudjahid » (historique ),
haut fonctionnaire au ministère de l’Information et de la Culture puis au
ministère de l ’Enseignement supérieur, Directeur de l’Ecole nationale supérieure
de journalisme (Alger), Professeur d’université
et chercheur spécialisé en histoire de la presse, auteur de plusieurs
ouvrages en langue arabe et en langue française, éditeur........Décédé samedi
20 janvier 2018
Extraits : « Toudja , à la différence de
Sidi Aïch et de Taher, est
un village berbère très ancien, perché au pied d’une haute montagne, à côté
d’une grande forêt et aux abords d’une source abondante. En réalité, c’était le
paradis terrestre » (p 117), « Je suis timide, réservé et je ne m’exprime
pas beaucoup. Par conséquent , je communique peu, ce
qui est un défaut majeur en politique. Je n’ai donc aucun avenir dans ce
domaine » (p 160), « Pendant la Révolution, quand on perd le contact,
il est difficile de le retrouver. Le cloisonnement de l’organisation du Fln, la
clandestinité, ne permettent pas de le retrouver facilement « (p 184)
Avis : Le parcours exceptionnel d’un homme d’exception
regroupant engagement, militantisme, compétence ,
grande écoute (et curiosité intellectuelle) et humilité. Un contenu assez
intimiste qui aurait captivé bien plus si le contenant (surtout la mise en page
avec un format plus proche du « poche » et une police de caractères moins « aérée » ) était plus attractif. Dommage !Certainement
l’urgence ?
Citations : «
Boussouf était frivole, impulsif, même agité, mais
ferme et décidé. Il avait la main sur tous les services et avait instauré une
discipline de fer. On le disait cruel et sans état d’âme. Il ne discutait pas
beaucoup avec le militants » (p 11), « La crise de l’été 1962 a créé
un vide idéologique effrayant. Les antagonismes ont fait oublier à tout le
monde et surtout au pouvoir en place, l’appel du premier Novembre et la
plate-forme de la Soummam. C’est l’exercice du pouvoir qui semble intéresser
les dirigeants. Un vide idéologique s’est ainsi créé, laissant le champ libre à
toutes les idéologies étrangères de s’installer .....Tout, sauf ce qui est
authentiquement algérien» (p 225), « Le doute est la base de toute
modestie » (p 230), « Le style de Kateb (Yacine) n’est pas agressif,
mais son imagination lui donne une force de persuasion » (p 231)