RELATIONS INTERNATIONALES- ETUDES
ET ANALYSES- DIPLOMATIE ELECTRONIQUE- ANALYSE L.ZAGHLAMI
Les enjeux et défis de la diplomatie électronique
(c) Par le Dr Laïd Zaghlami , Professeur
à la faculté de l’information et de la communication – Université d’Alger 3/El Watan, 26 janvier 2019
Le monde a
connu, ces dernières décennies, une révolution technologique extraordinaire,
rapide et qui a pratiquement impacté sur toutes activités de la vie personnelle,
sociale et politique.
Ainsi, la
mondialisation et la numérisation à travers la généralisation de l’utilisation
de la technologie numérique sont les caractéristiques principales de
l’explosion technologique.
En outre,
cette dernière a accéléré la suppression des frontières politiques, sociales et
culturelles entre les pays. Beaucoup plus, elle a complètement modifié la
perception des concepts de temps et d’espace.
Télégraphe versus internet
Aujourd’hui,
le monde est devenu technologiquement un petit village planétaire, où la
technologie de l’information et des communications est devenue un lieu central.
A cet effet, les TIC ont contribué à faire évoluer les concepts, les approches
et les applications dans les domaines politique, diplomatique et social.
L’usage
des TIC en politique et en diplomatie a permis l’émergence de nouveaux concepts
: démocratie électronique, politique électronique, vote électronique,
diplomatie électronique, etc. Pour l’histoire et dans le domaine diplomatique,
le Premier ministre britannique Lord Belmerson
s’étonne de la réception du premier télégramme télégraphique en 1860.
Il
regrette, en affirmant que «c’est la fin de la diplomatie», mais ce que nous
observons, c’est que la diplomatie a surmonté l’obstacle du développement et de
l’émergence des télégraphes. La suite a donné lieu à d’autres innovations
technologiques, telles que le téléphone, la radio, la télévision, le fax, le
satellite et les fibres optiques, sans oublier l’apport considérable de la
Toile d’araignée. Aujourd’hui, internet est le défi le plus important pour les
activités diplomatiques.
Nouvelle approche diplomatique
Force est
de rappeler que la diplomatie n’est plus l’autorité des seules institutions
officielles : Présidence et ministère des Affaires étrangères. Les
acteurs économiques, les membres des Parlements, des Conseils, de la société
civile et des ONG contribuent également à la politique des affaires étrangères
et aux activités diplomatiques.
Les TIC
ont indubitablement apporté plus de démocratie, d’efficacité et de transparence
sans pour autant compromettre la discrétion et le discernement dans l’analyse
et la prise de décision diplomatique.
Ainsi avec
l’avènement de l’internet, de nombreuses questions ont émergé sur la manière de
réconcilier et de traiter les données relatives à l’émergence d’un nouvel
environnement diplomatique. Internet a modifié cet environnement en faisant
apparaitre de nouveaux axes ; tels que la gouvernance de l’internet et les
nouveaux médias.
Révolution dans les Affaires diplomatiques
En plus de
la révolution dans les affaires militaires, internet a révolutionné l’activité
diplomatique grâce aux médias, à la communication et aux médias sociaux.
Internet a affecté directement les fondements les plus importants de la
diplomatie : les médias et la communication.
L’utilisation de nouveaux moyens dans la pratique de la diplomatie a donné lieu
à de nouveaux outils, techniques et approches de la diplomatie électronique. Le
rôle des TIC est indéniable sur la diplomatie et les relations internationales.
Elles ont
œuvré à la mise en place des réseaux sociaux dans le domaine
diplomatique : blogs, wiki et autres moyens. Ces concepts ont été
transformés en pratiques et applications sur le terrain en éliminant les
méthodes administratives lourdes et bureaucratiques. Également, les
technologies de l’information et la communication ont introduit les avantages
de rapidité, d’interaction et de contrôle dans le temps, l’élimination de la
corruption en établissant des normes de transparence et de clarté.
La diplomatie électronique
Force est
de rappeler que la diplomatie électronique consiste à obtenir des résultats en
utilisant les médias sociaux, les réseaux sociaux et les TIC en général. Ainsi,
la mise en place de nouveaux outils de communication : compte
électronique, sites web sur internet permettra de préserver les intérêts
diplomatiques.
Aussi,
l’usage des réseaux et médias sociaux : blogs, Facebook,
Twitter, YouTube,
contribuera à introduire des changements de l’activité diplomatique à travers
des aspects économiques et géopolitiques.
La
diplomatie électronique se traduit aussi par l’utilisation de nouveaux supports
numériques, y compris l’archivage numérique, le langage diplomatique, un moyen
essentiel de l’activité diplomatique. Justement, comprendre la relation entre
les nouvelles technologies de l’information et la communication et le langage
diplomatique est un exercice que doit livrer le diplomate pour apprendre à
réconcilier les moyens de communication formels et informels. Beaucoup plus,
comment gérer l’information à l’ère de la technologie numérique, comment la
rechercher et l’évaluer pour servir l’activité diplomatique, doivent être une
source de questionnements pour le diplomate
. Imaginer
de nouveaux formulaires pour le processus de négociation à distance et la
participation à des forums via des médias technologiques (téléconférence et
vidéoconférence) sans faire des déplacements pénibles et onéreux. L’exemple de
la crise financière en Grèce est édifiant, où la diplomatie électronique a été
mise en œuvre dans les négociations commerciales et économiques dans le sens
voulu. Elle a également contribué aux négociations entre les pays occidentaux
et l’Iran sur le dossier des armes nucléaires.
Diplomatie du Twitter
L’avènement
de l’internet a permis à la diplomatie électronique d’investir et étendre son
champ d’activités à plusieurs domaines, tels que la convention de Vienne sur
les relations diplomatiques, privilèges et immunités diplomatiques, missions et
communications par satellite, affaires consulaires, documents et données et
procédures de visa en les numérisant : visa électronique.
Pendant ce
temps, certaines chancelleries étrangères établies en Algérie continuent à
exercer du chantage politique pour l’octroi du visa, d’autres font du marchandage
économique et même une activité industrielle ; oui, elles se sont
investies dans l’industrie du visa !… Par ailleurs, il est fort remarqué
l’usage de Twitter, comme étant l’un des outils
privilégiés dont disposent les dirigeants du monde pour exercer certaines
formes d’autorité et de pressions diplomatiques.
A titre
d’exemple, le président des Etats-Unis, Donald Trump,
a érigé Twitter comme son média favori pour
communiquer avec 56 millions de followers,
l’ex-président US Barack Obama
en a 103 millions, le président russe Vladimir Poutine 2,2 millions, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies,
501 000.
En
Algérie, et à titre illustratif, Nouria Benghebrit, ministre de l’Education nationale, a
387 000 de followers ; le ministre des Affaires
étrangères, Abdelkader Messahel, en a 206 000 ;
Mourad Zemali, ministre du Travail, 13 500 ; Nouredine Bedoui, ministre de
l’Intérieur, 13 000 ; le Premier ministre, Ahmed Ouyahia,
3078 en tant que secrétaire du RND et 229 en tant que Premier ministre avec une
mention spéciale : Ouyahia ne répond pas aux abonnés
de Twitter.
Le Défi de la sécurité et de la confidentialité
L’euphorie
que suscite l’émergence de la diplomatie électronique ne doit pas occulter
certains défis auxquels elle est confrontée, notamment celui de la sécurité, la
confidentialité et la discrétion. C’est pourquoi les diplomates doivent
s’assurer de l’utilisation des TIC de manière sûre et non exposée au piratage,
au vol et au contournement. Les virus, les cyberattaques,
la criminalité et le terrorisme sur internet peuvent constituer une menace.
A cela
s’ajoute l’apparition de nouveaux domaines et de nouveaux problèmes liés à la cybersécurité, à la cyberguerre
et à la protection des données personnelles. L’illusion technologique pour les
uns, la techno-phobie ou la peur de l’utilisation des TIC pour les autres, sont
un autre défi à surmonter face à l’enthousiasme technologique.
Mais le
bon sens exige que toutes ces technologies, loin d’être des «absurdités
technologiques» sont à consommer avec modération.
Après tout, «l’approche du technologiquement correct» nous permet de rattraper
le progrès, l’efficacité, l’autorité et l’indépendance dans le processus de
prise de décision.