HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN NOURREDINE SAÂDI- « BOULEVARD DE L’ABÎME »
Boulevard de l’abîme. Roman de Nourredine Saadi.
Editions Barzakh, Alger 2017. 700 dinars, 213 pages
Une belle femme d’origine algérienne –
musulmane- est retrouvée morte en son domicile parisien.Une
« bourgeoise » (quartier chic de Paris) ne manquant (en apparence) de
rien ! Meurtre ? Suicide ? Mort naturelle ? Un inspecteur
est chargé de l’enquête........Suicide certainement
(dépression....alcool......barbituriques) , mais les
supérieurs hiérachiques demandent instamment à ce que
la thèse du suicide soit écartée et celle de la mort accidentelle (Avc et chute par exemple) faviorisée.Pourquoi ?
Il ne le savait pas : c’est la fille d’un ancien bachagha constantinois (« tant
aimé et tant haï » et décédé) alors ami de la France coloniale (« il
a été de tous les côtés....se disant homme de paixpour
chaque bord... » mais considéré comme « traître à tous » ) , mère d’une cantatrice connue refusant le suicide . Hasard ! Lui est
un ancien appelé sous les drapeaux durant la guerre de libération nationale,
affecté dans le corps des Sas et ayant
effectué un séjour dans une ferme connue (dans la région de Constantine) comme
lieu d’emprisonnement et de tortures.
L’enquête suit son cours.....grâce surtout,
un autre hasard, aux documents laissées par la défunte, dont un petit carnet
noir racontant sa vie et ses souvenirs de jeune fille à Constantine, ses amours, sa passion, ses angoisses, sa
déprime....et sa « trahison » forcée. La mémoire de l’inspecteur de
police ne va tarder à croiser celle de la défunte.....Il avait connu la
« Ferme de suppliciés », et il avait assisté, en mai 1958, aux
« spectacles » de la fraternisation organisées par la Sas et au
« dévoilement » d’une jeune femme.
L’Auteur : Né à
Constantine, il a fait ses études à Alger où il est prof’ de droit. 1994 :
Il quitte Alger pour la France. S’installe à Douai où il enseigne à l’Université
d’Artois. Auteur de plusieurs livres (quatre
romans, quatre essais et deux
ouvrages d’art) dont trois à Alger : deux romans aux Editions Barzakh, ( « La Nuit des origines » en 2005 et « Il
n’y a pas d’os dans la langue » en 2008) et un essai aux Editions Chihab (« Houria Aïchi,dame de l’Aurès » en 2013
Extraits : « L’attachement
à un homme peut se rompre ou se dissoudre , mais entre
la mère et l’enfant, aucun lien ne peut se défaire, c’est inscrit sur les
traits du visage, dans les gènes, dans les racines....La page de la naissance
ne peut jamais être déchirée... » (p 87),
« Durant plus d’un siècle, ils se sont crus la race des
conquérants, des seigneurs et ils n’avaient rien vu venir, n’avaient rien
compris ni à cette terre, ni à ce peuple- des pouilleux, des ratons, des
bougnoules ! Depuis la conquête, ils en ont tué, gazé, enfumé, bombardé, napalmé, mitraillé, torturé.. »
(p 156) , « La torture, j’en ai vu tant de
fois, j’en connais tous les cris, tous les râles, les trente six positions,
c’est comme le Kama Soutra, plus on pratique, plus on devient artiste » (p
164)
Avis : Un auteur aux
œuvres toujours torturées et « possédé » par sa ville natale et
son passé. Un auteur représentatif de toute une génération prise entre les feux
de la guerre de libération (car encore trop jeunes, avec des parents engagés
et/ou torturés) et les lumières de l’indépendance ( déjà
trop vieux, avec aux commandes du pays, et pour bien longtemps, des « maquisards » bien plus vieux
), et toujours à la recherche de la (ou des) vérité(s). Un livre mi-polar,
mi-récit historique
Citations : « Il n’y a pas de vérité sur un défunt sauf la certitude qu’il
n’existe plus » (p 14), « La richesse ne se mesure pas à ce qu’on
possède , mais à ce dont on peut se
passer » (p 62) , « Etre heureux, c’est ne pas avoir à se
souvenir » (p 160), « On croit être plus fort que sa mémoire, mais
elle vous rattrape souvent « ( p 177)