CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECUEIL TAOS AMROUCHE- « LE GRAIN MAGIQUE..... »
Le grain magique . Contes, poèmes et proverbes
berbères de Kabylie. Recueil de Taos Amrouche.
Hibr Editions, Alger 2017 (Librairie François
Maspero, Paris 1966 / Editions le Découverte, Paris 1996, 2007), 253 pages, 500
dinars,
Des proverbes en quantité, vingt-trois contes, des complaintes, des chants (d’amour , religieux,
d’exil, satiriques, du berceau, de pèlerins, de méditation, de récoltes, des
morts, de danse, des olives, de noces,
de progression, épiques...) , des rondes.Chaque
chapitre du livre s’ordonne autour d’un conte, parfois bref mais le plus
souvent long, précédé d’un certiain nombre de
proverbes et d’un ou plusieurs poèmes, en général assez courts et de genres
divers.
Tout est beau , écrit avec le réalisme le plus cru
mais aussi avec de l’ humour, côtoyant le fantastique et le merveilleux , nous
transportant, « magiquement », avec ou sans grain, dans un monde
–certes , pour nous, assez lointain, mais pour notre âme , encore enfantine
quelque part, si près - à jamais
perdu ? Un monde qui ne concerne pas la Kabylie seulement, mais toute la Berbérie, toute l’Algérie, celle des villes , mais surtout
celle profonde, celle des villages et
des douars.....certes alors pliant et souffrant sous le joug de l’oppression
d’envahisseurs venus d’ailleurs, mais ne se brisant jamais, se réfugiant dans
une littérature orale –en apparence de rêve – mais la plupart du temps , en
réalité, de résistance et d’espoir. Et, de
l’amour et de la foi en toutes circonstances !
Un exemple de chant épique (extraits) :
O toi, aigle à la tête bleue,
Déploie tes ailes dans les nuées
Et fonds sur le pénitencier
Salue pour nous les prisonniers
.......
Salue tous les prisonniers
Qui souffrent un exil sans fin.
La patience est l’amie de Dieu
L’ Auteure: Marie-Louise
Taos Amrouche, fille de Fadhma
Aïth Mansour Amrouche et
sœur de El Mouhoub Jean Amrouche,
est née à Tunis le 4 mars 1913, ville d’exil de sa famille (1910)et décédée le
2 avril 1976, en France . Romancière,
chanteuse de double culture française et berbère. Immense aède berbère ! . « Une petite bonne femme gigantesque »
selon André Breton ! A publié quatre romans, des recueils de contes de la
tradition orale et donné de nombreux concerts. Elle a produit pour la radio
française, à partir de septembre 1961 une émission littéraire recevant Audisio, Mouloudji, Kateb Y, M. Dib, J. Pelegri,
A. Césaire, F. Maspéro, M. Haddad, A ; Memmi,
N ; Farès .....Décédée en France en 1976. Taos Amrouche a participé à la
fondation de l'Académie berbère de Paris en 1966 (« qu’elle a quitté dès
qu’elle s’est aperçue qu’elle prenait une tournure politique » selon sa fille ).. Elle fut l'épouse du peintre
français André Bourdil, avec
lequel elle eut une fille, Laurence, comédienne qui ajoué
avec des metteurs en scène de renom tels Peter Brook ou Patrice Chéreau.
Pour mieux connaître Taos Amrouche,
lire le témoignage de Laurence Bourdil recueilli par
Marie Virolle (revue Algérie-Littérature-Action ,n°3,
septembre-octobre 1996, p 179-186 ou www.devoirdemémoire.wordpress.com)
Extrait: « Il m’était donné de contempler notre
tradition comme un pur paysage à travers une vitre de cristal. J’avais affaire
à une mémoire presque infaillible en Marguerite Fadhma
Aïth Mansour. Il se peut qu’inconsciemment ma mère
ait apporté sa contribution aux récits qu’elle m’a légués : elle n’aurait
fait, en cela , que continuer la tradition.Car,
j’ai voulu considérer ces contes et légendes de mon pays moins comme des
documents que comme des œuvres d’art bien vivantes « ( Prologue, p 8)
Avis : Ouvrage majeur de la littérature algérienne francophone,
sorte d’abrégé de la culture berbère .Il peut être lu comme une introduction à
la culture populaire d’Afrique du Nord (soit en berbère ,
soit en arabe dialectal) même s’il est
très loin de présenter tous les aspects du répertoire local. Bien sûr, ce ne
sont pas les anthologies de contes publiées en farnçais
qui manquent, mais pour l’instant , on n’a pas fait beaucoup mieux et,
surtout, de plus émouvant.Un
ouvrage qui donne ses lettres de noblesse à la littérature orale alors dénigrée
et négligée.....et fi des esprits chagrins qui trouvent que la traduction
française a fait perdre aux contes présentés, entre autres, leurs propriétés
orales.
Citation : « Le
choix du conteur est primordial dès qu’il s’agit d’une histoire :c’est la
beauté , la composition et l’authenticité mêmes du récit qui sont en jeu, une
légende pouvant être appauvrie ou enrichie selon la personne qui perpétue la
tradition, une légende étant l’œuvre d’une chaîne ininterrompue de conteurs à
travers le temps » (Prologue, p 8)