CULTURE- PATRIMOINE-AMAZIGITÉ- EMBLÈME-
ORIGINES
(c) Par Yahia
Arkat /Liberté, jeudi 10 janvier
2019
Un triangle avec trois bandes égales de couleurs
différentes : le bleu représente la mer, le vert fait référence au Tell et
au Nord de Tamazgha et le jaune illustre l’immensité
du désert. Le tout barré au milieu par la lettre “Z” en tifinagh
rouge sang dans une claire allusion à la liberté des Imazighen.
C’est le drapeau amazigh qu’on déploie à tout bout de champ ces dernières
années. Cet emblème qui a été conçu par le militant berbériste Youcef Medkour, alias Youcef Amazigh, a vu le jour le 12 janvier 1970, à
l’occasion de Yennayer. Au demeurant, ce sont les
mêmes nuances qu’on retrouve dans les bijoux berbères. “On allait organiser un
gala le 25 janvier 1970, mais certains militants de l’Académie étaient
réticents ; ils n’avaient pas mesuré l’importance de cet emblème qui aurait pu
nous rassembler”, affirme Youcef Medkour.
Parti en France en 1957, cet ouvrier de Djemaâ Saharidj en Haute Kabylie a très tôt fait de côtoyer les
milieux militants dans la métropole parisienne. En 1965, Youcef
Medkour rencontre le militant Mohand-Amokrane
Khelifati à Paris. Déjà impliqué dans des structures
associatives militantes, Khelifati crée avec Bessaoud, Rahmani, Hanouz, Bounab, Haïfi et d’autres militants l’Académie berbère.
Youcef Medkour participe à
la campagne de sensibilisation, après le dépôt des statuts d’Agraw Imazighen en 1966. Le jeune
militant est vite adopté par le groupe des anciens. Outre la distribution de
tracts dans les cafés de la diaspora, Medkour
s’emploie à confectionner le drapeau berbère vers la fin de 1969. “J’ai acheté
4 rouleaux de tissu au marché Saint-Pierre. J’ai ensuite proposé à des femmes
ayant des machines à coudre de confectionner l’emblème, selon les mesures
préalablement arrêtées”, raconte notre interlocuteur qui a pu ainsi
confectionner un premier carton de 200 drapeaux carrés. Medkour
entreprend de sonder les militants sur ce projet de doter le mouvement d’un
référent symbolique. Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Saïd Sadi, Hend Sadi, Ramdane Achab, le
Marocain Aherdan, tous ont vu d’un bon œil une telle
initiative. Le Dr Sadi a suggéré la forme rectangulaire au lieu du carré. Au
demeurant, il y a beaucoup d’angles dans l’art berbère. Même proposition de la
part d’Amar Neguadi (Achaoui).
Quand Medkour dévoile le projet à Mohia,
ce dernier a eu cette réplique qui lui est coutumière : “Ur tella ara ar le drapeau (le problème,
ce n’est pas le drapeau).” Youcef Amazigh prend note
des remarques des militants consultés. “Au début, j’ai confectionné entre 300 à
500 drapeaux. Au bout de quelques années, j’ai écoulé plus de mille exemplaires
en Libye, plus tard au Maroc et en Tunisie”, soutient-il.
Lors d’un gala de soutien aux militants des droits de l’Homme arrêtés en 1985, Youcef Medkour est allé à la
manifestation avec un manche à balai à Paris. “On pouvait être attaqué par les
sbires de l’Amicale. À la tribune, Hend Sadi et Muhend u Yahia nous exhortaient
de ne pas répondre aux provocations”, dit-il. Depuis la parenthèse démocratique
de 1989, le drapeau amazigh s’est popularisé et a été adopté par la militance
démocrate.
On le déploie non sans fierté dans des meetings politiques, des rencontres
culturelles et dans les stades de football aux quatre coins de l’Afrique du
Nord. Même dans la diaspora, ce symbole est omniprésent. Déployé aux quatre
vents, il témoigne et raconte l’histoire de tamazight, comme culture, langue et
identité, qui ne cesse d’être là, depuis des millénaires, en dépit des
ostracismes successifs.