CULTURE- LITTERATURE- BENHADOUGA
ABDELHAMID
(c) Ali Bedrici/Liberté, lundi 7 janvier 2019
La littérature algérienne des années
cinquante et des premières années de l’indépendance était surtout francophone.
Quelques auteurs d’expression arabe et berbère tentaient de s’imposer dans ce
paysage littéraire dominé par la langue de Molière. Parmi eux, Abdelhamid Benhadouga, qui avait fréquenté l’école publique et l’école
coranique dans son village. Après une solide éducation familiale, ce natif de
Mansourah (en 1925), dans les Hauts-Plateaux sétifiens,
ira poursuivre ses études à Constantine, puis à la Zitouna
de Tunis. Hésitant entre la littérature et la religion, c’est son engagement au
sein du MTLD qui va l’aider à trancher.
Il se retrouve au centre de l’action nationaliste comme représentant du MTLD en
Tunisie et responsable des étudiants algériens dans ce pays. De retour en
Algérie, Benhadouga va travailler pour l’ORTF et la
BBC. Recherché par la police, il se rend en France avant de rejoindre La voix
de l’Algérie, la radio du FLN à Tunis. Après des études radiophoniques et un
stage de réalisateur radio en France, il se consacre en Tunisie à des études
d’art dramatique, ce qui lui permettra d’accomplir un travail colossal peu
connu du public : la production de plus de 200 pièces de théâtre
radiophoniques. Il investit la littérature par le journalisme, avec El-djazaïr bayn el-ams wal youm
(L’Algérie entre hier et aujourd’hui), recueil d’articles publié en 1958, qui
sera suivi de Dhilaloun djazaïria
(Ombres algériennes), recueil de nouvelles publié à Beyrouth en 1960. Comme
beaucoup d’écrivains, Abdelhamid Benhadouga commence
par des articles de presse, des nouvelles, de la poésie (El-arwah
achaghira - Âmes vacantes, SNED, 1967), avant de
publier son premier roman. Pour un début, ce fut un coup de maître. Rih El-Djanoub (Le Vent du Sud), SNED, 1971, va connaître un grand
succès et sera traduit en français, néerlandais, allemand et espagnol. Ce roman
décrit la société rurale algérienne, avec ses conditions de vie difficiles et
ses espoirs. Le second roman, Nihayat el-ams (La fin d’hier, SNED, 1974), sera également traduit en
français par Marcel Bois qui en fera de même pour Wa ghaden
yawm djadid - Demain
sera un nouveau jour (Al Andalous, 1992). Au-delà d’une riche bibliographie,
c’est dans les thématiques de Benhadouga que l’on
retrouve un écrivain de caractère. La femme et la condition féminine occupent
une large place dans ses œuvres. “Je crois que c’est d’abord ma vie
familiale, c’est-à-dire ma mère, mes sœurs, tout mon entourage féminin qui,
peut-être inconsciemment, m’a conduit à écrire sur la femme et la condition
féminine en Algérie.” À travers son œuvre, on découvre un révolutionnaire dans
l’âme et surtout un homme courageux compte tenu du contexte politique de
l’époque. Il a toujours œuvré pour la vérité et cultivé l’espoir suite à la
désillusion ressentie durant les premières années de l’indépendance. C’est en
substance ce que dira de Benhadouga l’écrivaine Djoher Amhis, qui rappelle que
les thèmes récurrents de l’auteur sont la révolution, la religion, la langue,
la femme, la terre. Des critiques ont trouvé Le Vent du Sud trop pessimiste
(sentiment né de la désillusion). Pour Abdelhamid Benhedouga : “Moi,
je suis un écrivain, et ce qui m’intéresse, c’est là où il y a crise… Là où ça
va, ça ne m’intéresse pas, je ne suis pas un écrivain qui applaudit, d’autres
le font à ma place. Moi, ce qui m’intéresse, ce sont surtout les points
faibles, les situations conflictuelles ; c’est là où je considère qu’en tant
qu’écrivain, je dois intervenir.” Abdelhamid Benhadouga
est mort à Alger le 21 octobre 1996. Son œuvre possédait un fil
conducteur : dire la vérité, dévoiler la réalité et continuer d’espérer.