CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
AZZEDINE MIHOUBI - « IRHABISTAN »
Irhabistan. Roman de Azzedine Mihoubi (traduit de l’arabe par Ali
Tahir) . Casbah Editions, Alger 2018, 800 dinars, 286 pages
Un thème (d) étonnant mais d’actualité. Un
thème, avec ses démonstrations extérieures,
que le monde actuel , et ceci depuis un peu plus d’un siècle, vit et
subit : les guerres, les violences, les révolutions, les dictatures, les
massacres, les grands trafics d’armes et de drogue, les mafias, le racisme, le
terrorisme et le contre-terrorisme, les intolérances........Une liste bien
longue aux sujets (d)écrits maintes et maintes fois par les victimes (surtout)
comme par les coupables (lorsqu’ils échappent à la fureur des peuples...et
décèdent naturellement et tranquillement (c’est rare) dans leur lit) ainsi que par les observateurs sociétaux que
sont les journalistes , les analystes, les intellectuels et les
philosophes.....Et, ça continue de plus belle !
L’auteur a, donc, face à tous ces échecs, voulu
certainement apporter sa pierre à l’édifice réflexif en inventant une cité
« idéale » (sic !) :Une île, « Irhabis », perdue
quelque part dans l’océan Atlantique du côté des Amériques , regroupant
quasiment tous les plus grands et les plus terribles « destructeurs de
l’humanité » (je n’ai pas trouvé le terme idoine, celui qui pourrait
contenter tout le monde ) que la terre ait jamais connus . Des bourreaux
,des tyrans et des terroristes pour certains,
des héros et des révolutionnaires pour d’autres parmi les plus célèbres de l’(in- ?)
humanité......vivant dans une « banlieue oubliée »,
un « Irhabistan » ....De tous les horizons, de tous les
temps, de toutes les idéologies , de toutes les races, de toutes les
couleurs et de toutes les confessions.
On y retrouve donc ,copains-coquins, Hitler, Staline, Pol Pot, Pinochet, Saddam,
Franco, Mussolini, Ulrike Meinhoff, Al Capone, des kamikaze, des terroristes de
toutes obédiences, le Che (et son assassin Mario Tiran) , Chamil Bassaiev, Batista, Idi Amine, Kadhafi,
Ceausescu, Salazar, Batista, Oncle
K , Ben Laden, Pablo Escobar, Abou Qatada,
Bob Denard, les mercenaires, les Kmers rouges, Bokassa, Zawahiri, Imelda
Marcos, Goebbels (qui dirige le journal de l’île...et dont la devise est :
« lire une fois et croire mille fois » )........Manquent les Bush,
Bigeard, Massu et leurs paras. Ouf ! aucun gouvernant algérien...sauf les
gens ayant fait partie du Gia. La fête nationale : le 11 septembre.
L’étendard : une pièce d’étoffe noire frappée de deux roses rouge et d’une
épée blanche (à noter qu’il n’ y pas de vert, ni de croissant , ni d’étoile !)
. Unité monétaire : le Douchka . L’hymne : « Le crépuscule des Dieux » de Wagner ,
l’air favori d’Hitler. Il y a , bien sûr, une Constitution. Globalement, tout
ce qui était interdit ou inaccepté ici-
bas est permis là-bas, chacun dans sa spécialité et sans interférer dans les
affaires des autres. Dans la cohabitation pacifique la plus totale.....Sans
rancune. ......Tout cela avec une devise : « La force, jamais ».
Une vie en concorde, et la tolérance
dans le respect mutuel, nul ne pouvant imposer quoi que ce soit à
l’autre par la force. Et, pas de prison
car « les prisons sont les armes des faibles »
Bien sûr, l’île, bien qu’isolée et
éloignée, est assez demandée par les
touristes.....comme si les « damnés » d’hier ont cette tendance maso
qui leur fait « admirer » leurs bourreaux. Cette fois-ci, c’est toute une délégation
de journalistes venant de plusieurs pays (dont un Algérien spécialisé dans la
biographie de personnalités politiques) qui débarque .....et, de visite en
visite, de question en réponse lors des entretiens, c’est tout (ou presque
tout) le côté obscur, sombre, tragique, douloureux de l’histoire
« moderne » de l’homme qui est dévoilé .
Rêve, fiction et faits réels (vécus par tout
ou parties de l’humanité) se mêlent pour
saisir le passé lointain ou récent , surtout celui amer et tragique. Cependant,
on reste toujours sur sa faim......ne sachant pas où finit l’action
révolutionnaire (ou démocratique) et où commence le terrorisme (ou la
dictature)......L’auteur lui-même n’arrivant pas à se départager....Le poids
encore pesant du « tiers-mondisme » et du
« révolutionnarisme » !
L’Auteur : Né en 1959 à Ain Khadra, du côté de
M‘sila. Diplômé de l’Ena........Journaliste (amoureux de football) , écrivain,
poète , dramaturge ...... un certain moment directeur de l’Information à l’ENTV
du temps de HHC, député (Rnd) ,
secrétaire d’Etat à la Communication, directeur de la Bn, président du Haut
Conseil de la langue arabe........ actuellement ministre de la Culture (depuis
2015). Son roman « Confessions d’Assekrem » (Un roman-fleuve de 545
pages , associant réalité et fiction.... Tamanrasset durant les années
2030-2040, ) …….alors traduit de l’arabe
par Mehenna Hamadouche, paru en 2010
chez Casbah éditions, avait été présenté in « Mediatic »
du 7 septembre 2012
Extraits : « Si
vous pensez aux 3 034 victimes des tours jumelles du World Trade Center de
New York, vous n’avez qu’à comparer le nombre des victimes de l’Amérique à
travers le monde ; s’agirait-il de mouches pulvérisées par insecticide ou
par les bombardiers B 52 ? » (p 42), « Quant tu réfléchis seul à l’intérieur
d’un bunker souterrain, tu n’entendras que toi-même, mais si tu réfléchis en
présence d’autres sons, soit tu tires ton révolver et fais taire toutes les
voix, soit tu laisses ces sonorités te traverser l’esprit et tu serais alors
hanté par le dictateur, le terroriste, le tueur professionnel, le
révolutionnaire imprenable, le conspirateur contre l’Etat et le trafiquant
d’armes et de drogue » (p 193)
Avis : Etrange
sujet, étrange livre.....Beaucoup de patience pour le lire ........et,
surtout, comprendre sa philosophie. Mais n’oubliez pas que l’auteur est (aussi et peut-être, surtout) un poète...à la
vaste culture.
Citations : « Chaque
peuple a une mémoire sanglante » (p 50), « Lorsqu’Eve demanda à
Adam de manger du fruit interdit.....c’était le premier acte de suicide, parce
qu’ils ont été chassés du Paradis » (p 51)
« Lorsque nous affrontons la mort, nous sommes des héros mais si
nous l’ évitons nous resterons de simples politiciens et combien ils sont nombreux les politiciens
qui ne veulent pas être des héros sur leurs sièges cossus » (p 118),
« Celui qui joue au ballon ne peut pas se mesurer à celui qui s’emploie à
changer le globe terrestre » (p 127), »L’Histoire n’est pas une
voiture que l’on pousse vers l’arrière » (p 129), « Lorsque nous
gouvernons, nous commençons en anges et nous finissons en diables, nous
promettons aux gens le Paradis et ils finissent en Enfer... » (p 180)
Les transferts de fonds de la
diaspora algérienne sont de loin inférieurs à ceux captés par de nombreux pays
de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), selon la Banque mondiale.