VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN ABDELKADER HAMMOUCHE- « LES INTÉRÊTS SUPÉRIEURS »
LES INTÉRÊTS SUPÉRIEURS. Roman de Abdelkader Hammouche. Editions Barkat, Alger
2018, 400 dinars,170 pages
Une histoire qui est située durant les années
90 lorsque les « services » (la Sm) étaient
encore tout puissants, faisant et défaisant les carrières et même, dit-on, la
vie. Par la suite, on a bien eu une « restructuration » mais comme
il est plus facile de restructurer les
organisations que de transformer mes comportements ,
les mentalités et les images, on comprend aisément pourquoi un tel sujet, à
travers ce roman, interpelle.
C’est donc l’histoire d’une charmante et
dynamique jeune de vingt-trois ans, Nesrine,
« née algérienne et musulmane », qui n’a jamais enfreint la loi et
qui aime son pays, vivant à Alger,
étudiante en langues à l’Usthb, mannequin à
l’occasion et collaboratrice (à mi-temps) d’une association caritative pour
arrondir les fins de mois et payer son loyer, vivant loin de ses parents,
fiancé à un étranger (la source des futurs ennuis ). .....Mais, mais, voilà donc que des
individus (s’étant déclarés de services de sécurité (la Sm ?) , l’enlèvent en pleine cité et lui
« imposent » un chantage ... « au nom « des
intérêts supérieurs du pays » : soit « travailler » avec
eux...dans une ambassade étrangère , à l’étranger (c‘est tout dire du type de
travail qui lui sera imposé...en plus de la « récolte »
d’informations ) ....soit se retrouver en prison, accusé de d’être la
« complice » d’un espion étranger (en l’occurrence le fiancé) et menacé
de « poursuites judiciaires » . Délai de réflexion : une
semaine.
Un Proc’, une
Ligue de défense des Droits de l’Homme, un avocat, un camarade
journaliste.....L’échec face au mur du « pouvoir invisible » et
craint. .L’impasse et le désespoir. Fin du délai de réflexion. Et, en six
jours, elle avait perdu son boulot et son logement. La solution : El Harga...la fuite ..en
Italie...rejoindre son frère.
Six années après, elle revient au pays.
Seule. Pour revoir le pays. Pour revoir sa mère devenus veuve. Mais, à l’entrée
comme à la sortie du territoire national, toujours la grosse boule au ventre.
Est-elle « fichée ? Y a –t-il un « Istn » ?
Pourra-t-elle y entrer ?.....et pourra-t-elle en sortir ? Les
« intérêts supérieurs du pays » , après
l’avoir empêché de vivre en paix (malgré toutes les difficultés) auprès de son
peuple et de ses amis et de ses parents,
après l’avoir poussé à la fuite et à l’exil. Vont –ils l’empêcher de
revoir son mari (un Algérie pure souche , lui aussi un
exilé) et ses deux enfants ?
L’Auteur : Ancien
journaliste, avocat, né à Alger en 1952, il a déjà publié plusieurs romans.....
Extraits : « Nous avons tous les droits quand il s’agit des intérêts
supérieurs du pays » (p 27) , « Il y a
encore des hommes dans ce pays pour qui la défense des causes justes fait
partie de leurs convictions » (p 73), « Les « services »
peuvent tout faire et tout obtenir. Ils ont des pouvoirs illimités, presque un
droit de vie ou de mort sur ceux ou
celles sur lesquels ils jettent leur dévolu. Pratiquement, rien ne peut les
arrêter à moins d’interventions énergiques émanant de très hauts responsables
de l’Etat ou d’un grand battage médiatique » (p 87), « La justice
pénale n’est pas encore indépendante dans notre pays.....Elle s’est quelque peu
améliorée ces dernières années, c’est indéniable, mais il lui reste un long
chemin pour s’affranchir de la tutelle de l’exécutif » (p
87), « On ne change pas un état de fait enraciné dans les mentalités
depuis plusieurs décennies, en une seule nuit. Il faut du temps pour faire
cesser les injustices, instaurer un nouvel état d’esprit, changer en profondeur
les mentalités » (p 136).
Avis : Un
roman - écrit simplement et clairement -
comme on n’en fait pas beaucoup....mais qui pourrait être très demandé par le
public. Une histoire pas banale....puisée dans la vie de tous les jours.
Hier....Aujourd’hui ? Fruits de l’imagination ou fruits de la
réalité ? Ou, un mélange des deux. Ne nous interrogeons pas trop pour
l’instant et dégustons même si c’est bien amer ?
Citations : « Que signifie l’expression « les intérêts supérieurs du
pays » .....c’est un fourre-tout » (p 89) ,
« Ces notions de nationalisme et de patriotisme peuvent générer des
situations non seulement absurdes, injustes mais surtout inhumaines. A trop
voir des ennemis partout, on finit par créer la psychose. Il en va des
étrangers comme des Algériens : il y en a des bons et des mauvais. Ceux
qui se disent patriotes et nationalistes ne font pas forcément partie des
bons » (p 92), « L’attente à doses massives finit par devenir une drogue »
(p 93)