CULTURE- PERSONNALITES- OUARY MALEK
Peu diffusée en Algérie,
l’œuvre de Ouary est une
contribution à la connaissance des aberrations coloniales et à la création
d’une tradition littéraire tamazight dans l’espace littéraire algérien.
Contemporain de Mouloud Feraoun, Mohammed Dib et Mouloud Mammeri
qui, comme lui, ont commencé à écrire dans les années cinquante, Malek Ouary fait partie de cette génération d’Algériens marqués
par le traumatisme de l’après-guerre. Formés à l’école française, beaucoup ont
été enrôlés dans les troupes coloniales durant la Seconde Guerre mondiale. Une
fois démobilisés, ils retrouvent les mêmes comportements de mépris et
d’injustice. Égaux dans les combats aux côtés des soldats français, ils
retrouvent leur statut d’indigènes qui se font massacrer (mai-juin
1945) dès qu’ils montrent des velléités d’émancipation. Malek Ouary est né le 27 janvier 1916 à Ighil
Ali. Études primaires au village, secondaires puis supérieures à Alger. Il
devient enseignant en lettres puis journaliste à la section kabyle de
Radio-Alger, dépendante de l’ORTF. Inspiré par Les chants berbères de Kabylie
de Jean Amrouche, il se consacre à la sauvegarde du
patrimoine culturel amazigh : collecte de poésies, contes et chants
ancestraux. En 1956, il publie son premier roman, Le grain dans la meule
(réédité par Bouchene en 2000). Idhir
assassine Akli du clan des Ath Qassi
suite à un différend foncier. C’est la vendetta. Pour y échapper, Idhir se réfugie dans le sud du pays. Mais le sens du
devoir l’oblige à revenir au village pour affronter son destin. Les Ath Qassi lui laissent la vie sauve s’il accepte de renier son
identité et d’intégrer celle de leur clan. Cruel châtiment : vivre en
renonçant à sa propre identité, vivant mort au lieu de mort tout court. Dans
les années cinquante, Ouary s’installe en
France où il entre à l’ORTF en 1959, poursuivant son travail de journaliste
jusqu’à sa retraite. En 1981, il publie son deuxième roman, La montagne aux
chacals (éditions Garnier), présenté ainsi par Benjamin Stora.
“Le héros de ce roman-document est un Algérien pauvre de la montagne, un
ouvrier agricole misérable sur une oliveraie prospère dont le propriétaire est
un Français d’Algérie. Pendant la Seconde Guerre mondiale pour défendre la
France, à laquelle il doit tout comme on le lui répète, il prend conscience que
le devoir du sang ne sert à rien. Démobilisé, c’est en revenant dans son
village que Saïd saisit toute l’horreur de la répression de mai-juin
1945. Il est conscient de sa valeur… et se heurte pourtant à l’ordre antérieur
avec ses réflexes, ses préjugés, ses comportements. C’est encore et toujours le
temps colonial, donc du mépris. Rien n’a bougé, alors qu’il a tout risqué pour
que ça change. Il est bien décidé à réagir. De retour au village, il est
foudroyé par ce qu’il découvre. Tout s’écroule. Il s’enfonce dans la montagne
aux chacals vers la résistance et la liberté. Un document romancé sur l’éveil
de la révolte algérienne.” Malek Ouary publie son
troisième et dernier roman, La robe kabyle de Baya, en 2000 aux éditions Bouchene. Il y raconte l’histoire d’un jeune originaire de
Kabylie, professeur de lettres dans un lycée d’Alger, intégré au milieu
européen, sans contact avec son monde d’origine. Durant la guerre
d’Indépendance, le professeur, marié à une Française et vivant dans les beaux
quartiers, se tient soigneusement à l’écart des “évènements”. Mais la réalité
l’interpelle rapidement en le renvoyant à son village natal où il découvre les
luttes de son peuple. Il doit se déterminer. Malek Ouary
s’éteint dans l’anonymat en 2001, à 85 ans, et est inhumé à Argelès-Gazost dans
les Hautes Pyrénées, en France. Peu diffusée en Algérie, son œuvre est une
contribution à la connaissance des aberrations coloniales et à la création
d’une tradition littéraire tamazight dans l’espace littéraire algérien.