ADMINISTRATION- DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES- CONSEIL
D’ETAT- DECISIONS CONSEIL D’ETAT 2018
(c) Par Me BRAHIMI
Mohamed, Avocat
à la cour
brahimimohamed54@gmail.com
Les trois dernières revues publiées par le Conseil d’Etat
sous les numéros 11, 12 et 13 et récemment mises sur le marché contiennent
d’intéressantes décisions qui ont statué sur la délicate question des droits
civils et politiques garantis par la constitution notamment le droit pour
tout citoyen algérien de circuler librement à l’intérieur et hors les
frontières du pays, la liberté d’exercice du culte autre que le culte musulman
et enfin le droit à l’égalité devant les charges publiques.
Ces arrêts sont d’autant plus intéressants qu’ils surviennent au
moment où la loi organique fixant les modalités de mise en œuvre de
l’exception d’inconstitutionnalité qui est une petite révolution en matière de
contrôle de la constitutionnalité des loi par le simple citoyen a été
publiée au journal
officiel n° 54 du 05 septembre 2018
1- Décisions en rapport avec la liberté
de circuler ou de voyager
Dans un arrêt en date du 20 novembre 2014 n° 91782 ( Revue
du Conseil d’Etat ,n° 12 p.270) le Conseil d’Etat a jugé que tout citoyen
a le droit de choisir librement le lieu de sa résidence , de circuler sur le
territoire national et d’en sortir tant qu’il n’a pas été déchu de ses
droits civils et politique et ce conformément à l’article 44 de la constitution
et aux articles 9 et 12 de la convention internationale du 16
décembre 1966 ratifiée par l’Algérie par la loi n° 89-08 du 25 avril 1989
et le décret présidentiel n° 89-08 du 16 mai 1989 .Dans cette cause,il s’agissait d’une décision du ministre de
l’intérieur interdisant à un citoyen algérien de quitter le territoire
national au motif que ce citoyen est impliqué dans des affaires touchant
la sécurité nationale.
La décision du ministre de l’intérieur a été annulée au
motif que le dossier de la cause ne contient aucun document prouvant que le
citoyen interdit de quitter le territoire national a été déchu de
ses droits civils et politique et alors même que les motifs de
l’interdiction ne sont corroborés par aucun élément de preuve.
Dan un arrêt antérieur en date du 6 avril 2011 n° 67894 ,
le Conseil d’Etat a eu à statuer sur une autre atteinte à la liberté publique
cette fois concernant les étrangers ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 12
p.243).Il s’agissant d’un ressortissant étranger titulaire d’un titre de
séjour ayant fait l’objet d’une décision d’expulsion du territoire national
émanant de la direction générale de la police nationale.Le
Conseil d’Etat a censuré cette décision administrative d’abord au motif que
seul le ministre de l’intérieur est habilité à expulser un étranger du territoire
national et ce conformément à l’article 22-3 de la Loi n° 08-11 du 25 juin 2008 relative aux
conditions d’entrée ,de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, et
ensuite au motif que cette décision d’expulsion n’est pas suffisamment motivée.
Statuant sur le refus de l’administration de délivrer un
passeport à un citoyen algérien, le Conseil d’Etat et par un arrêt 18
septembre 2014 n° 93831 ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 13 p.130) a
jugé qu’une décision administrative de refus de délivrance ou de renouvellement
d’un passeport ne peut intervenir du seul fait que le demandeur a été condamné
à une peine correctionnelle en vertu d’un jugement non définitif alors que
l’article 11 de l’ordonnance n° 77-1 du 30 janvier 1977 relative
aux titres de voyage des ressortissants algériens n’autorise l’autorité
publique à refuser la délivrance ou le renouvellement du passeport qu’à la
condition que le demandeur ait été condamné définitivement à une peine
d’emprisonnement intervenue depuis moins de 5 ans et qui doit être
supérieure ou égale à 6 mois et inscrite au casier judiciaire.
Il faut entendre par « condamnation définitive » la
condamnation par jugement ayant épuisé toutes les voies de recours y compris le
pourvoi en cassation.
Dans un autre registre mais toujours en rapport avec le droit de
tout citoyen algérien de rentrer et sortir librement du territoire national, le
Conseil d’Etat a statué sur une affaire qui soulève une question délicate
en rapport avec la guerre de libération nationale. Il s’agit de la
question du droit des anciens supplétifs algériens engagés par
l’armée française ( harkis) d’entrer librement
en Algérie.
Dans un arrêt en date du 21 octobre 2009 n° 52342 ( Revue
du conseil d’Etat ,n° 11 p.234 ) , le Conseil d’Etat a censuré une
décision du ministre de l’intérieur interdisant à un ressortissant algérien
d’entrer sur le territoire national au motif que ce ressortissant a eu durant
la guerre de libération une position contraire aux intérêts de la patrie (
harki ).Dans ce cas d’espèce , un ressortissant algérien domicilié en
France a fait l’objet d’une interdiction de rentrée sur le territoire
algérien en vertu d’une décision du ministre de l’intérieur au motif
qu’il avait en eu comportement indigne durant la guerre de libération
c’est-à-dire qu’il était harki.
Cette décision administrative d’interdiction d’entrée sur le
territoire national était fondée sur les dispositions de l’article
68 de la loi n° 99-07 du 05 avril 1999 relative au moudjahid et au Chahid qui dispose que : « Perdent leurs droits
civiques et politiques, conformément à la législation en vigueur les personnes
dont les positions pendant la révolution de libration nationale ont été
contraires aux intérêts de la patrie et ayant eu un comportement
indigne ».
L’arrêt du Conseil d’Etat du 21 octobre 2009 a annulé la
décision du ministre de l’intérieur au visa de la violation de la loi. Tout
d’abord et en réponse au moyen du ministre de l’intérieur fondé sur
l’article 68 de la loi n° 99-07 sus-indiquée le Conseil d’Etat l’a rejeté
au motif que la perte des droits civils et politiques ne peut intervenir
qu’en vertu d’un décret au même titre que la perte de la nationalité
algérienne. En outre, et suivant le même arrêt , et du
moment que l’appelant a excipé d’un certifiant attestant sa nationalité
algérienne, la constitution lui garanti le droit de choisir librement le lieu
de sa résidence et de circuler librement sur le territoire national.
Le Conseil d’Etat et dans un souci de clarification a
rappelé que l’Algérie et en vertu de la loi n° 89-08 du 25 avril 1989
portant approbation du pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels,du pacte relatif
aux droits civils et politiques et du protocole facultatif se rapportant au
pacte international relatif aux droits civils et politique adoptés par
l’Assemblée générale de Nations-Unies le 16 décembre 1966 et en
vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 portant adhésion au pacte
international sus-indiqué a adhéré à ce pacte qui dispose dans son
article 12-4 que: « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit
d’entrer dans son propre pays ».
2/ Décision en rapport avec la
liberté d’exercice du culte autre que musulman
Dans un arrêt en date du 10 septembre 2015 portant le numéro
85103 ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 13 p.70 ), Le conseil d’Etat a jugé qu’il
n’est pas des prérogatives du wali de prendre une décision administrative de
fermeture définitive d’un local ou s’exerce un culte autre que musulman mais
que ce pouvoir appartient aux tribunaux qui seuls peuvent sanctionner
une personne morale en lui interdisant l’exercice d’un culte ou tout
autre activité religieuse à l’intérieur d’un édifice.
Dans ce cas d’espèce, il s’ agit d’un édifice appartenant à une
association de l’église protestante activant sans agrément dans la wilaya de Béjaia qui s’est vu notifier une décision du
wali en date du 08 mai 2011 portant fermeture définitive de l’édifice
religieux. L’association ayant assigné le wali de Bejaia devant le tribunal
administratif de Bejaïa à l’effet d’annuler la décision de fermeture, les juges
ont rejeté ce recours au motif qu’il n’est pas fondé.
L’affaire ayant été portée devant le Conseil d’Etat sur appel de
l’association contre le jugement du tribunal administratif, cette haute
juridiction a rendu la décision sus-mentionnée qui
censure le jugement de tribunal administrative et statuant à nouveau annule
l’arrêté du Wali au titre de l’excès de pouvoir et violation de l’ordonnance n°
06-02 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes
autres que musulmans.