POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN KARIM A. BOUAYED- « LE BERGER ERRANT »
Le Berger errant. Roman de Kamal A. Bouayed. Enag éditions . Alger 2016,
300 dinars,107 pages.
Une histoire incroyable mais vraie....selon
l’auteur qui affirme l’avoir tirée de faits réels.
C’est l’histoire –incroyable- d’un encore
jeune migrant, Amghar, venu du Niger et travaillant à Djanet déjà
depuis deux ans, et déjà presque parfaitement « intégré ».
Un soir, autour du feu (du camp touristique
où il est employé comme aide-cuisinier) éclairant la cérémonie habituelle du
thé, il raconte......
Il raconte sa vie misérable entre un père
alcoolique et une mère maltraitée.....
Il raconte le départ vers l’inconnu de ses
deux grands frères qui n’ont plus donné signe de vie.....
Il raconte le meurtre de son père, n’ayant
pas supporté qu’il continue à battre et à violer sa maman......une belle femme
devenue, au fil des coups et après avoir accouché de huit enfants, une
« vieille plante sèche »
Il raconte sa fuite à travers le désert
emportant avec lui un maigre troupeau, deux chèvres, un bouc, deux moutons et
deux brebis, une grosse gourde d’eau, des morceaux de viande séchée, un vieux
manteau et un énorme couteau......
Il raconte sa longue, sa très longue
marche...et la solitude au cœur du Sahara.....parlant aux siens, « dans
l’imaginaire », engageant des conversations dans l’obscurité.
« C’était ça ou sombrer dans la folie »
Il raconte sa vie de « Berger
errant » durant cinq années, fuyant toute relation humaine (la peur d’être
arrêté mais ,aussi, il avait choisi volontairement l’isolement devenant un
« fils du désert »).......années faites d’épreuves (les vents de
sable, le « grand vent » -al rih al ‘akim-, les
animaux sauvages comme les serpents, les scorpions, les chiens sauvages, les
grands fennecs, les chameaux sauvages, les pillards et les contrebandiers...et
même le terrorisme) et de souffrances
(la faim, la soif, la peur..) mais ,aussi, de découvertes fabuleuses concernant aussi bien
les animaux de son troupeau , un troupeau parti avec lui encore très jeune, à
peine quelques mois d’âge (« on apprit à nous connaître, à nous supporter
et même à nous aimer. »....car , il fallait
s’unir pour mieux résister ou faire cavalier seul et se diriger droit vers une
fin inéluctable) que les difficultés....
et les beautés naturelles alors insoupçonnées du Ténéré, un des plus durs déserts du monde .Il y a, aussi, les peintures rupestres dans
des grottes éloignées de la route traditionnelle.....montrant souvent des
« bergers errants ».
Il raconte , aussi,
berger errant (qui sait lire, il faut le rappeler) devenu « philosophe
autodidacte », les longs moments de méditation......sur le sens de la vie
, le destin , le « Mektoub » de l’homme et l’existence de Dieu , durant le
meilleur moment de la journée, la nuit....lorsqu’autour du feu, « on
demeurait le regard fixe, dans un grand silence, hypnotisés par les flammes qui
dansaient »
Il raconte , enfin,
son retour à la maison......Parti cinq années plus tôt, en tant que jeune
désemparé, il y revient –accompagné de trois animaux rescapés de l’aventure quiquennale – transformé en homme.
Mais, il est
assez vite rattrapé par le quotidien de la vie misérable de son village,
tournant en rond.....Il ira tenter une autre aventure....à Djanet.
L’Auteur : Ingénieur
et docteur en économie. Déjà auteur de deux romans dont « Le dernier des
livres » (présenté in Médiatic fin 2017)
Extraits : « Le
ciel a été mon toit, le sable fin mon chemin, le vent incessant ma musique, le
soleil impérieux ma foi et l’immensité du vide ma raison... » (p 25),
« La survie dans le Sahara était la même quelle que soit la partie où l’on
se trouve » (p 45), « Un berger
errant part toujours tout seul pour son grand voyage, son aventure. En fait,
vivre dans la solitude la plus absolue est l’essence même de son désir ardent
de quitter sa maison et, poussé par une force irrésistible, de tout abandonner
pour un mystérieux idéal » (p 46), « Cela va de soi que le maktoub avait planifié jusqu’au moindre détail le chemin de
mon existence, mais je me rendis compte alors que je devais garder les yeux
grands ouverts et lire ce qui était écrit sur les pages du livre de ma
vie » (p 95)
Avis :
Un tout petit livre qui raconte une grande aventure humaine ; celle
invisible, celle de tous les jours de bien des « damnés de la
terre ».Mais, trop de coquilles. Une tendance de plus en plus lourde au
niveau de notre édition (de langue française) :c’est comme si la qualité
technique de la langue est le dernier des soucis, offrant ainsi au lecteur
francophone averti, algérien ou étranger, une piètre image de la qualité des
produits éditoriaux. Comme si les grosses fautes commises au niveau des
enseignes commerciales ne suffisaient pas !
Citations : « Au
fond du Sahara, au cœur de ce désert où la vie n’est pas invitée, où le passé
et le futur n’existent pas, où l’âme se confond au paysage inerte, même si on
laisse les empreintes de sa misérable conscience sur le sable chaud et doré, il
n’y a absolument personne à qui raconter les tourments de sa propre
solitude » (p 31), « Le jour du départ d’un berger errant est un
grand jour. On dirait un hadj qui va pour un long voyage à la Mecque » (p
47), « Le désert a finalement raison des âmes les plus hardies et les
corps les plus résistants. On ne le provoque jamais, on le respecte, on le
craint. Si on veut lui survivre, il faut suivre docilement ses lois, sa
routine, ses conditions » (p 69), « La solitude est la conséquence
d’un fait non choisi tandis que l’isolement est un choix voulu » (p 96).