DEFENSE- ETUDES ET ANALYSES- TERRORISME MONDE 2017- ETUDE IEP
Selon
l’Indice global du terrorisme mondial , publié mercredi 5 décembre par le think tank « Institute
for Economics and Peace », le nombre de
victimes des meurtres et des attentats a baissé de 27 % et s’établit à 18.800
personnes durant l’année 2017.
En
revanche le nombre de morts demeure très élevé. Ensuite parce que la
baisse tient beaucoup à la défaite militaire puis l’effondrement de l’État
islamique (EI) en Syrie et surtout en Irak. Dans ce dernier pays, on dénombre
4271 morts, soit 5500 victimes de moins en 2017 qu’en 2016, une chute de 56 %.
«En dépit de ce chiffre, l’Irak reste le pays où l’impact du terrorisme est le
plus important», précisent les auteurs de ce rapport. La Syrie déplore 1096
morts, soit une baisse de 48 %.
En Afghanistan, les talibans et, dans une
moindre mesure, l’EI se sont en revanche montrés
toujours aussi sanglants que les années précédentes. Le pays a le plus grand
nombre de morts au monde liées au terrorisme, concentrant 25 % des attaques. Si
le chiffre est presque stable (4 650, soit 56 de plus qu’en 2016), la
statistique est une très mauvaise nouvelle pour le gouvernement de Kaboul. La
violence aveugle en Afghanistan connaît en effet une nette hausse depuis cinq ans.
Plus de 82 % des victimes du terrorisme depuis 2001 sont mortes durant cette
période.
À eux trois, ces États représentent plus de
55 % des décès mondiaux dans des actes terroristes. À cet arc d’insécurité et
de violences (auquel on peut ajouter le Pakistan, qui enregistre 5 % des
pertes) répond un autre: l’Afrique du Nord, le Sahel et la Corne. En Somalie,
la croissance des attaques est ainsi très préoccupante. «La Somalie enregistre
la plus grande hausse globale du terrorisme en 2017. Le bilan a augmenté de 93
%, avec 1470 morts», affirme le rapport. Al-Chebab, un groupe islamiste affilié
à al-Qaida et actif depuis plus de douze ans, porte l’immense responsabilité de
ces massacres. Le groupe a d’ailleurs revendiqué l’explosion d’un camion piégé
en octobre 2017 dans le centre de Mogadiscio qui avait causé la mort de 588
personnes, la pire attaque de l’année.. L’Égypte a
aussi connu en 2017 une violence en nette hausse. Mais c’est le Nigeria qui est
considéré par l’Index global du terrorisme comme le plus affecté d’Afrique,
avec plus de 1500 morts. Les pertes sont largement dues aux djihadistes de Boko
Haram, dont le pouvoir de nuisance a quand même été limité: on comptait plus de
7000 victimes en 2014. Les experts remarquent avec inquiétude la montée en puissance
des tueries imputables aux groupes peuls dans le centre du pays. Cette tendance
s’est confirmée en 2018. Le même phénomène atteint le Mali et son voisin le
Burkina Faso. Moins médiatisés en Europe, les maoïstes et les islamistes
indiens ont tué en 2017 près de 400 civils. Les spécialistes se montrent
d’ailleurs prudents sur la baisse des attentats constatés en 2017. Si elle
renforce la tendance enregistrée après le pic de 2014, ils soulignent que,
depuis 2001, les périodes d’accalmie comme en 2007 et 2010 n’avaient pas pu
être consolidées.
La chute est sensible. Depuis 2016, le nombre de morts liés à
des actes de terrorisme a baissé de 27 %, pour atteindre 18 814 en 2017. C'est
le fait saillant qui ressort de la sixième édition de l'Indice du terrorisme
mondial, publié mercredi 5 décembre par le think tank « Institute for Economics
and Peace ».
Le recul de Daech en Irak et en
Syrie, et la perte d’influence de Boko Haram dans le nord du Nigeria,
contribuent largement à cette évolution. En Irak et en Syrie, les auteurs du
rapport comptent respectivement 5 500 et 1 000 morts en moins causés par le
terrorisme en 2017. L’Irak est le pays dont la situation s’est le plus
améliorée, avec une baisse de 56 % de tués en 2017. Les quatre organisations
terroristes les plus meurtrières sont, dans l’ordre, l’État islamique, les
Talibans, les Shebab et Boko Haram.
À travers le monde, 94 pays ont
vu leur situation s’améliorer, quand 46 – dont la Somalie et l’Égypte – ont au
contraire subi une détérioration. En Afrique subsaharienne, le terrorisme a
fait 5 % de morts en plus en 2017. Les Shebab en Somalie détiennent ainsi le
macabre record de l’attentat le plus meurtrier de l’année 2017, avec 588 victimes le 14 octobre après l’explosion d’un camion devant
l’Hotel Safari de Mogadiscio.
En Europe, si le nombre d’actes
terroristes a lui aussi chuté en 2016-2017, malgré le retour de milliers de
jihadistes du Moyen-Orient, la menace s’est étendue à d’autres pays. Huit pays
européens ont ainsi eu à déplorer au moins un mort sur leur territoire en 2017.
Un niveau jamais atteint ces 20 dernières années.
Joint par Jeune
Afrique, Serge Stroobants, directeur des Opérations Europe et
Maghreb Moyen-Orient à l’Institute for Economics and Peace et co-auteur du
rapport, voit dans cette diminution l’effet d’une approche plus globale de la
lutte anti-terroriste, menée à la fois au sein même des États européens et dans
les pays les plus fortement touchés par le phénomène. La mise en place d’une
task force dans le Sahel et les bombardements contre Daech demeurent, pour le
spécialiste, les principales causes des reculs des groupes terroristes.
« Même si l’idéologie demeure », tempère-t-il.
Les auteurs du rapport dégagent
deux caractéristiques fortes du paysage terroriste. Les dix pays les plus
touchés au monde par le terrorisme connaissent tous un ou plusieurs conflits
armés, et comptent pour 84 % des victimes du terrorisme.« Le
deuxième facteur, c’est l’utilisation de la terreur politique par les acteurs
étatiques. Ce qui est finalement très logique : en Europe par exemple, les
citoyens disposent d’une large palette de moyens démocratiques pour exprimer
leurs revendications. Le passage éventuel à la violence est un processus
beaucoup plus long. Dans les pays qui offrent des moyens légaux plus limités,
où l’on pratique des condamnations extra-judiciaires et où les droits de
l’homme sont beaucoup moins respectés, le recours à la violence est rapide et
l’accès au terrorisme facile », explique Serge Stroobants. 99 % des
victimes de terrorisme se trouvent dans un pays qui présente au moins une des
deux caractéristiques.
Serge Stroobants, directeur des Opérations Europe et MMO à
l’Institute for Economics and Peace.
Malgré la diminution sensible des
actes terroristes à travers le monde, l’heure n’est pas au triomphalisme :
« On assiste à une fragmentation des groupes. De nouveaux candidats
apparaissant avec le déclin de l’EI. En 2017, plus de 40 nouveaux groupes
terroristes ont vu le jour, même si Daech reste le plus meurtrier. Un phénomène
de déplacement de la zone du terrorisme s’observe, du Sahel/Moyen-Orient à
l’Asie du sud-est, au Myanmar et aux Philippines notamment. Le paysage est en
mutation. Au Nigeria, si Boko Haram a reculé, des pasteurs fulanis extrémistes
ont en quelque sorte pris le relais en menant au cours des six derniers mois de
nombreuses attaques meurtrières », relève Serge Stroobants. Le chercheur
relève que la lutte anti-terroriste demeure une réaction à des attaques, tandis
que les groupes terroristes conservent l’initiative de la violence et le choix
des moyens employés. « À Mossoul, nous avons par exemple remarqué que Daech
démontrait beaucoup d’ingéniosité dans l’utilisation de petits drones, qu’on
peut se procurer pour une centaine d’euros sur Amazon. Ils parvenaient à mener
des attaques combinées pour empêcher les mouvements de la coalition. Les
autorités doivent donc se préparer à ce genre d’actes, et s’entraîner à
répondre à ce type de menace. »
Le spécialiste attire
spécialement l’attention des autorités sur la cyberguerre, qui offre aux
groupes terroristes un fort impact pour un investissement modeste.
« L’utilisation d’Internet se fait à des fins multiples, de propagande, de
financement, de recrutement », note Serge Stroobants. Ce dernier relève que
Daech a piloté depuis la Syrie des opérations se tenant sur le sol européen.
Pour le financement, ransomwares et malwares peuvent être utilisés par les
organisations terroristes, comme le Hizbut-Tahrir-al-Islam l’a démontré à une petite
échelle.
Du côté du profil des
terroristes, le rapport ne se risque pas à déterminer un portrait-robot.
« Il y a de nombreuses voies de radicalisation. Pourtant, quelques
facteurs semblent communs aux individus qui deviennent terroristes. Dans les
pays de l’OCDE, les individus sont plus susceptibles de se radicaliser du fait
d’une faible intégration sociale, d’un ‘manque d’opportunités’ ou de
l’implication de leur pays dans un conflit extérieur. Des recherches récentes
(…) sur l’émergence des ‘combattants étrangers’ suggèrent que les individus
avec un passé délinquant ou criminel sont non seulement plus susceptibles de se
radicaliser, mais qu’ils sont aussi plus recherchés par les organisations
terroristes », note le Global Terrorist Index.
Dans les autres parties du monde,
la radicalisation serait plutôt liée à des conflits internes et à la
« terreur politique » (comprendre la répression étatique). Quant aux
stratégies des États face au retour de jihadistes sur leur sol, la différence
d’approche est nette entre les pays à majorité musulmane et les pays européens.
Ces derniers privilégient systématiquement les poursuites judiciaires et
l’emprisonnement, quand les premiers – Égypte, Indonésie, Jordanie, Maroc,
Tunisie, Yémen – favorisent les programmes de déradicalisation et de
réinsertion.