HYDRAULIQUE- RÉGION-
TOUAT/TIDIKELT-MESUREUR D’EAU
Le dossier des
"Savoirs et savoir-faire des mesureurs d'eau des foggaras" du
Touat-Tidikelt (Grand sud algérien) a été
examiné mardi 27 novembre 2018 à Port-Louis (Ile Maurice) dans le cadre
de la réunion annuelle du Comité intergouvernemental de sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel.
Le comité, dont les
travaux seront ouverts par la DG de l'Unesco Audrey Azoulay, se prononcera,
a-t-on précisé, sur sept demandes d’inscription sur la Liste du patrimoine
culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, dont le dossier
algérien, ainsi que 40 demandes d’inscription sur la Liste représentative du
patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Le système des
mesureurs d'eau (kiyaline el-ma), répandu dans les wilaya
d'Adrar et de Tamanrasset, date de plusieurs siècles montre aujourd'hui des
signes de recul dû essentiellement à l'abaissement du niveau de la nappe
obligeant à recourir à des sondages et pompages profonds.
Dans une
correspondance datée du 31 mars 2016, adressée au DG du Centre national de
recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d'Alger (CNRPAH), le
directeur de la culture de la wilaya d'Adrar a indiqué que ce système
"ingénieux et pluriséculaire" qui fait partie de l'identité des
populations sahariennes en général et de celles de la wilaya d'Adrar en
particulier, est composé de "savoirs, de savoir-faire et de rituels
renfermant de nombreux éléments du patrimoine immatériel transmis de génération
en génération et allant dans le sens d'une gestion écologique des ressources de
la nature et d'une exploitation rationnelle de la rareté de l'eau".
Il est recommandé, à
cet effet, de sauvegarder, protéger et revivifier ce système qui comprend le
creusement des foggara avec des puits et des galeries
les reliant, le partage de l'eau selon des modes de calculs connus et maîtrisés
par la corporation des mesureurs d'eau (kiyalin el-ma) et l'irrigation des
multiples jardins des palmeraies du sud de l'Algérie.
Le Comité
intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco
est composé des représentants de 24 Etats parties à la Convention pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003). Il se réunit une fois par
an et assure le suivi de la mise en œuvre de cet instrument juridique ratifié
par 178 Etats.
Le dossier algérien
figure parmi la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une
sauvegarde urgente. Cette liste, qui recense les éléments du patrimoine vivant
dont la pérennité est menacée, compte à ce jour 52 éléments inscrits et permet
aux Etats parties à la Convention de mobiliser la coopération et l’assistance
internationales nécessaires pour renforcer la transmission de ces pratiques
culturelles en accord avec les communautés concernées.
Les mesureurs d'eau
du Sud algérien, maîtres d'un savoir transmis de génération en génération
La mesure de l'eau,
un métier assuré par des mesureurs (kiyaline), est un savoir-faire transmis de
génération en génération dans des régions du grand sud algérien où la source de
vie est une denrée précieuse.
Dans ce métier de
mesureurs d'eau, il y a d'abord les "foggaras", un système
d'irrigation d'eau, qui sont formées suite à un creusement de puits jusqu'à une
vingtaine de mètres de profondeur reliés par un canal souterrain permettant la
circulation de l'eau.
Une fois arrivée à
l'air libre, l'eau est mesurée par les "kiyaline el-ma" pour que
chaque propriétaire de terre reçoive sa part d'eau en fonction du travail
consenti pour le creusement et/ou l'entretien de cette "foggara".
Enfin, l'eau est conduite dans des rigoles appelées "Séguias" qui les
dirigent vers les jardins.
Les mesureurs d'eau,
appelées également dans la région de Ghardaïa "oumana' essayle",
calculent le volume d'eau de la "foggara", les parts d'eau de chaque
propriétaire, percent les peignes répartiteurs d'ouvertures qui laissent passer
le volume d'eau de chacun et renouvellent de ces opérations autant de fois
qu'il est nécessaire durant l'année en fonction des différentes transactions
sur l'eau: achat, vente, échange, partage entre ayants-droit lors d'héritages,
etc.
Les calculs sont
faits sur la base de données transmises de génération
en génération, qui peuvent être à tout moment mises à jour, par un maître
mesureur à ses apprentis. L'unité de mesure est la "Habba" qui
correspond à un certain volume d'eau (une goutte). Les principales sous-mesures
sont le "Qirat" (1/24ème de habba) et le "Quirat al-Qirat"
(1/24ème de qirat).
L'inscription par
l'Algérie de ce savoir-faire dans le patrimoine culturel immatériel mondial
vise deux objectifs: reconnaître le savoir et le savoir-faire des mesureurs
d'eau, le consigner dans des écrits ou encore dans des films documentaires
(sortes d'archives audiovisuelles), et mener des actions en vue de les
transmettre aux jeunes générations.