HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- OUVRAGE DOCUMENTAIRE ACHOUR CHEURFI-
« DICTIONNAIRE DE LA RÉVOLUTUION ALGÉRIENNE.... »
Dictionnaire de la Révolution algérienne
(1954-1962). Ouvrage de Achour Cheurfi. Casbah
Editions, Alger 2004, 950 dinars, 495 pages
Une œuvre délicate que celle de contribuer à
la saine écriture de l’Histoire du pays,
tout particulièrement celle de la période la plus récente, celle de la guerre
de libération nationale en remontant souvent
à la naissance du Mouvement national contemporain, donc la plus
« chaude » . Beaucoup de
témoins et/ou de descendants de témoins encore vivants
. Beaucoup d’intérêts, souvent , hélas ,
bassement matériels, en jeu.
Si, à mon avis, l’écriture de l’Histoire à
travers la nouvelle et le roman ou la poésie et même le théâtre et le film
comporte pas mal de risques, celle opérée à travers le genre
« mémoires » et « écrits documentaires » comme les
dictionnaires et les encyclopédies ....peut devenir dangereuse
, tant il est vrai que le livre est et reste le média de communication
de masse le plus concret et le plus pérenne. Une chance (sic !)
cependant.......Le lectorat national reste encore quantitativement limité , les librairies rares et les bibliothèques pas assez
fréquentées, ce qui diminue de la portée des ouvrages publiés.
L’auteur, journaliste de formation et grand
praticien de l’information culturelle , ayant,
de surcroît, une forte expérience en sciences documentaires, s’est lancé
très tôt dans l’aventure , se spécialisant dans les « dicos’ »
biographiques et autres
encyclopédies. L’ouvrage présenté n’est pas le premier mais c’est ,peut-être,
le plus délicat. En effet, la guerre de libération nationale n’a cessé et ne cesse de constituer des enjeux importants ici et
.....outre-Méditerranée
, produisant même des
« affaires » . Elles ne manquent pas , concernant soit des événements, soit
des hommes (dont la toute dernière révélation du président de l’Association des
anciens du Malg, Daho Ould Kablia, concernant Salah Bouakouir... « assassiné
en 1961 par l’Oas ») ),
soit des wilayas historiques, soit, pire encore, des régions et même des villes , soit des
groupes .....chacun ne voyant que « midi à sa
porte »......selon les générations (et les mentalités) qui s’ «
affrontent ». Et, il y a en a plusieurs : celle des
« acquis », celle des
« maquis » , ceux de l’ « intérieur » , ceux de
l’ « extérieur », ceux de Fédération de France, ceux de la Zone
autonome d’Alger, ceux qui rejettent
l’oubli, ceux qui veulent une mémoire universelle totale et moins
sélective, ceux qui insistent sur les « contentieux » avec l’ancien
pays colonisateur , ceux qui cherchent encore une « régularisation à effet
rétrocatif », ceux qui veulent des
« avantages ».....ceux.....ceux..... . Plus d’un demi-siècle après la
fin de la guerre !
Pour emprunter à l’auteur, « au moment
où de l’autre côté de la Méditerranée , même timidement, on commence à
« soulager » sa conscience , et que de ce côté –ci on libère peu à
peu le débat »....et en attendant que l’accès aux archives (se trouvant à
l’étranger mais, aussi et surtout, celles –moins importantes quantitativement
peut-être - se trouvant en Algérie) , on ne peut que saluer le travail de
recherche et de compilation
effectué........Un travail qui « cerne » une bonne partie de
notre passé « révolutionnaire » , ce qui nous permet de mieux
comprendre une bonne partie de notre présent.
L’Auteur :
Né en 1955 du côté de Mila. Journaliste, actuellement Directeur
d’ « El Moudjahid » (quotidien). Auteur de plusieurs ouvrages de
type documentaire (dictionnaires et encyclopédies) mais aussi
de deux recueils de poésie (Sned, 1983 et Enal, 1990), d’une
pièce de théâtre (Union des écrivains, 2003) , d’un
recueil de nouvelles (Anep, 2004)
Extrait: «
En faisant une large place aux noms propres sans pourtant négliger les faits
importants , comme les grandes batailles militaires, politiques ,
diplomatiques, culturelles, c’est en partie en réaction contre l’idée qui avait
prédominé dans les sphères dirigeantes après l’indépendance du pays et selon
laquelle la révolution, sous le prétexte , au demeurant assez juste, qu’elle a
été réalisée par le peuple tout entier, on en est venu à la présenter comme une
œuvre anonyme, une épopée abstraite, sans les hommes qui lui ont tout
sacrifié » (p 9)
Avis :
Un ouvrage « ouvert »....peut-être trop ouvert car il ne se limite
pas aux seules personnes et aux
faits historiques importants mais
ratisse large. Un ouvrage de base plus que complet et très utile pour apprendre
et re-situer l’histoire de la guerre
. Dommage, il n’a pas été (encore) traduit ....comme d’ailleurs la
plupart des ouvrages de l’auteur......pourtant très bon bilingue.
Citations : «
Il est un fait avéré que la révolution algérienne avait impliqué des millions d’hommes
et de femmes et que, sans eux, elle
n’aurait jamais été possible (........).
Toutefois ...............elle avait eu son lot de lâchetés, de
trahisons, de règlements de compte où l’éthique et la morale étauent réduites à des références pour naïfs et
utopistes » (p 9), « Dans cette ambiance où la patrie se confond bien
souvent avec butin., il serait difficile encore d’aboutir à une écriture de
notre histoire contemporaine qui soit débarassée des
préjugés idéologiques ou politiques, de l’exclusion et de l’apologie » (p
12)