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Information durant la guerre de libération nationale -Entretien A.Djaballah Belkacem/Echo d'Algérie 2015
Date de création: 05-11-2018 20:45
Dernière mise à jour: 05-11-2018 20:45
Lu: 2033 fois
HISTOIRE- DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES-
INFORMATION DURANT LA GUERRE DE LIBERATION NATIONALE- ENTRETIEN A.DJABALLAH
BELKACEM/ECHO D’ALGERIE 2015
Naissance et évolution des médias durant la
guerre de Libération nationale: «La Radio libre a joué un rôle déterminant»
Par Ahsene Saaid
-
21 octobre 2015
Le Pr Belkacem Ahcène-Djaballah à l’Echo d’Algérie
L’entretien a
porté sur l’historique de la presse combattante durant la lutte de Libération
nationale, la voix de l’Algérie libre, la création des bureaux
d’information du FLN et enfin la naissance de la 1ère Agence algérienne
de presse (APS), comme outil pour contrecarrer la propagande coloniale, et des
moyens de sensibilisation et de mobilisation du peuple pour le recouvrement de
sa souveraineté nationale.
L’Echo
d’Algérie : Comment s’est déclenchée la contre-offensive médiatique de
l’ALN et du FLN
Pr B. A-Djaballah : Tout d’abord, il faut noter qu’il y a une
sorte de théorisation du combat. Puisque on voit, publiés dans le journal El
Moudjahid-historique (le n°1 de juin 56, si je ne me trompe pas), LES 10
COMMANDEMENTS DE L’ALN….et dans les 10, il y avait le 7e qui est très
explicite : «Développer le réseau d’influence du FLN auprès du peuple afin
d’en faire un appui sûr et constant». Dans le n°11 du 1er Novembre 57, ce
commandement est plus clair. On relève ainsi un texte sur «les services
spécialisés de l’ALN» où l’on parle franchement de PROPAGANDE ET
D’INFORMATION avec, entre autres, le rôle premier dévolu aux commissaires
politiques. Il est vrai qu’entre-temps, le 20 août 56, on a eu la tenue du
Congrès de la Soummam. Toute une partie du PV, la 3e, est consacrée aux moyens
d’action et de propagande et les attributions et missions des Commissaires
politiques sont répertoriées. Parmi les 3 grandes tâches énoncées, il y a :
– L’organisation
et l’éducation du peuple.
– La propagande et l’information.
– La guerre psychologique (c’est-à-dire les rapports avec le peuple, avec la
minorité européenne, avec les prisonniers de guerre…).
Q: Peut-on avoir
une idée sur l’aventure d’un média révolutionnaire ? Par exemple, El
Moudjahid le journal historique
R : On a
d’abord, en juillet 1955, à partir de Tétouan, au Maroc, va naître, autour de
Ben Khedda et de Dahleb la
Résistance algérienne qui ne semble pas donner entière satisfaction. Il paraîssait en arabe et en français et avait trois formes
différentes : A, B et C. Ceci pour des raisons de large diffusion
sécurisée tant à l’intérieur et dans les maquis qu’à l’extérieur du pays. Mais,
on voulait bien plus (l’édition d’un hebdo régulier) et bien mieux (selon les
canons techniques du journalisme classique). D’abord plusieurs réunions en juin
56, ainsi que toute une discussion autour du titre à choisir. Je passe
là-dessus.
Le N°1 ronéoté
d’El Moudjahid, organe du Front de Libération nationale, est tiré
clandestinement, à Alger, chez Mustapha Benouniche à Kouba. Il est dirigé par Abdelmalek
Temmam. L’édito est écrit par Abane
Ramdane, dit-on mais Temmam
aurait affirmé l’avoir écrit (interview in El Moudjahid quotidien du 8 novembre
1974). Fin 56, on a le N°2…..et les 3, 4 (N° spécial consacré au Congrès de la
Soummam), 5, 6 parurent régulièrement jusqu’à ce qu’on appelle la
«Bataille d’Alger» qui ne permit pas au N°7 de sortir. Ou, alors, a-t-il été
fait ou en cours de préparation mais détruit par les paras. L’épisode d’Alger
prend fin en février 57. Le N°8 sort à partir de Tétouan. Par la suite, le
N°11, daté du 1er Novembre 1957 est fait à partir de Tunis. On a eu deux
éditions, l’une en français dirigée par Réda Malek et l’autre en arabe par
Mohamed El Mili. Jusqu’en 62, 120 numéros (dont 118 retrouvés)
, 150 reportages, 150 dossiers, des signatures célèbres, la plupart sous
pseudonyme….. et selon les témoignages d’acteurs
directs, documents à l’appui, une gestion certes pleinement engagée mais
démocratique de la rédaction. Le journal a eu rapidement une notoriété si
grande qu’il fut plusieurs fois «piraté» et falsifié par les services de
l’action psychologique français (ex le N°63 du 25 avril 1960 dans lequel on a
«fabriqué», entre autres, un discours de Ferhat Abbas en faveur des élections
locales). On a même fabriqué des faux numéros (exemple du journal daté du 16
mars 60 avec un article titré «le sang appelle le sang»).
Q: Et la Radio,
quelle a été son importance, son rôle et son influence ?
R :
L’action de la Radio avait débuté en 1955. D’abord avec des radios
étrangères : La Voix des Arabes, Radio Lausanne, Radio Prague, Radio
Moscou…. et aussi des radios françaises «compréhensives». C’était l’unique moyen,
pour l’époque, d’obtenir de source «non officielle» rapidement et en sécurité
(toute relative cependant) des nouvelles de la lutte de Libération nationale.
Fin 1956, création de la Voix de l’Algérie combattante. Je n’entre pas dans les
détails, l’aventure ayant été mille et une fois contée par Abdelkader Nour, par Lamine Bechichi, Madani
Haouès, Serge July, Mohamed Laïd
Boughrera, Abdelaâli Boureghda, Mohamed Salah Essedik…
principaux animateurs.
Q : Quelles
soirées dans l’attente de la Voix… de Aïssa
Messaoudi, entre autres ! Un grand
rendez-vous ! Une forme de lutte !
R : Avec
l’apparition du transistor, le marché a connu un «boom». Réactions des
autorités. Interdiction des ventes des postes sous réserve de produire un
bon accordé par la sécurité militaire ou les services de police. La vente des
postes à piles fut l’objet d’interdiction totale car ils étaient envoyés au
maquis. Bien sûr, on a réussi à nous approvisionner en postes et en piles grâce
à un marché noir efficace (Voir l’An V de la Révolution algérienne de Frantz
Fanon).
Q : Et le
cinéma dans tout ça ?
R : Il faut
bien savoir qu’à l’époque, la télévision était très limitée dans sa diffusion
et le cinéma tenait dans la consommation culturelle des Européens comme des
Algériens une place importante.
Ceci a poussé
les services d’action psychologique de l’Armée coloniale à s’intéresser
rapidement à ce média en développant son service cinétographique
qui, en plus des salles fixes (l’Algérie en avait près de 400), disposait de
gros moyens ambulants. Selon un rapport français du 7 février 1956, il y avait
un Service de Diffusion cinématographique (SDC) assez bien organisé disposant
de ciné bus, de camionnettes pour projections et d’appareils portatifs, de
groupes électrogènes et, bien sûr, d’une grosse filmathèque…
en couleurs et en noir et blanc et sonorisée en français, en anglais et en
arabe. En 58, le SDC était pourvu de nouveaux locaux. Publics visés : les
milieux scolaires et universitaires, les colonies de vacances et camps de
toile, les organisations sociales, culturelles, industrielles et les
groupements militaires, les camps de regroupement proches des Sas…. Il y
avait des séances spéciales pour les femmes. En matière de communication
cinématographique, au sein de la Révolution, c’est seulement à la fin de
l’année 57 que l’on commença, d’abord à enregistrer les divers aspects de la
lutte…. D’abord avec René Vauthier (1) et un groupe de 5 combattants …. ensuite, en 58-59, avec la création d’un «service cinéma» à
l’Etat major de l’ALN puis, la même période, la création par le GPRA, au sein
du ministère de l’Information d’une «service cinéma» devant faire surtout des
films d’actualités. La suite est connu et je
recommande vivement le dernier livre de Ahmed Bedjaoui
sur la naissance et la vie du cinéma de combat qui a fini par jouer, grâce à
certains films, plus documentaires que de fiction, un rôle extraordinaire dans
la promotion internationale des idées et du combat libérateur du FLN et de
l’ALN. Des films : peuple en marche, l’Algérie en
flammes, djazaïrouna (en trois langues), Les fusils
de la liberté, Yasmina, La voix du peuple. Des noms : au total j’ai
comptabilisé durant la guerre de Libération nationale une trentaine de
réalisateurs et techniciens (dont 9 tombés au champ d’honneur) : Djenaoui Ali, Fadel Mahmoud, Zitouni
Maâmar, Merabet Othman, Benraïs Mourad, Senoussi Salaheddine, Kharoubi Ghaouti Mokhtar, Hassena Abdelkader, Bensemane
Slimane (tous tombés au champ d’honneur), René Vauthier (cinéaste
français et militant FLN, sorte de «père» du cinéma algérien), Djamel Chanderli Djamel (Il a créé, déjà en novembre 56 un
labo-photos puis un service cinéma-photos à Tunis et il avait commencé les
premiers tournages au sein des maquis (Ligne Morice
et Constantinois, entre autres). M’hamed Yazid lui demandera par la suite de créer le service cinéma
du GPRA. Il démarrera grâce à du matériel appartenant à Pierre Clément, autre
cinéaste français ayant rejoint le FLN), Mohamed Lakhdar
Hamina , Brahim Mezhoudi,
Pierre Clément, Serge Michel, Rachedi Ahmed, Mohamed Guennez, Abdelhamid Mokdad, Cécile de Cujis,
Pierre et Claudine Chaulet, Yann et Olga Le
Masson, Chérif Zendi, Mohamed Moussaoui,
Stevan Labudovic, Ahmed Dahraoui, Terki Zeghloul, Ahmed Lallem, Abdelhalim Nacef, Hédi Ben Khelifa, Rachid Aït Ali.
Q : A-t-on
idée précise du nombre de journalistes qui ont travaillé dans les services du
FLN et du GPRA durant la guerre ?
R : Lors
d’un colloque international organisé en décembre 2006 sur le seul journal El
Moudjahid et Résistance algérienne, on a décompté pas moins de 70 personnes
ayant participé à l’épopée d’Alger à Tétouan puis à Tunis. journalistes,
techniciens, photographes, documentalistes. ceci sans
parler, bien sûr, des collaborateurs occasionnels des maquis ou de pays
étrangers. Pour ma part, j’ai essayé de dénombrer les journalistes ayant
effectivement travaillé dans la presse nationaliste de 1954 à 62, j’en ai
relevé, avec ceux de la Radio, à peu près plus de 80 et plus de cent si on y
adjoint les journalistes d’Alger Républicain et d’El Bassaïr.
Je dois ajouter aussi que près d’une cinquantaine de journalistes algériens ont
été emprisonnés dans les prisons et les camps de concentration colonialistes.
Le chiffre de 40 a été avancé dans le n°51 du 29 septembre 1959 d’El Moudjahid
qui reprenait un n° du Journaliste démocratique d’août 59
Q : Est-ce
qu’il y a eu d’autres actions spécifiques en matière de communication ?
R : D’abord
la création en novembre 1961 d’une agence de presse, l’APS, et première
dépêche le premier décembre 1961, à Tunis ; création rendue
nécessaire par le fait que Tunis, siège du GPRA et centre nerveux de la
Révolution algérienne était devenu un point de rendez-vous important de la
presse internationale qu’il fallait informer directement et rapidement, et
ce, sans intermédiaires, pour éviter toute falsification. Au départ, il y
avait un bulletin quotidien de dix à quinze pages contenant les nouvelles de
l’intérieur, et distribué aux grandes agences internationales et aux
organisations nationales. Il y avait aussi un cahier hebdomadaire diffusé
à partir de ses deux premiers bureaux à Tunis et à Rabat. L’agence a été aidée
par TAP et MAP. On a une photo de la 1e dépêche avec près du téléscripteur le
responsable de l’Information de l’époque, M’hamed Yazid. Le premier responsable a été Messaoudi
Zitouni. Ensuite il y eut les innombrables bulletins
politiques édités et diffusés (diffusion certes limitée) par le ministère de
l’Information du GPRA (n°1, hebdomadaire, paru le 21 avril 1959) ou par
les wilayas historiques (ces derniers diffusés clandestinement). On eut un
grand nombre de journalistes, de photographes et de cinéastes étrangers
appartenant à de grands titres de la presse internationale (dont le New
York Times, Avanti, Saturday Evening
Post, Borba avec le fameux Zdavko
Petchar, Frankfuerter
Allgemeine, Courrier de Trieste…) qui ont effectué des enquêtes et des
reportages retentissants dans les maquis et sur l’ALN. Il y eut aussi les
participations des journalistes aux rencontres internationales ou mondiales (de
journalistes : ex à Helsinki en 56, à Baden en Autriche en octobre 60, à Bamakœn mai 61, et autres). Il y eut les «semaines de
l’Algérie» dans plusieurs pays frères et amis (expositions, conférences.) Il y
eut le grand travail d’information et de lobbyng de
la diplomatie avec en pointe, entre autres, le ministre de l’Information de
l’époque, M’hamed Yazid qui
avait cultivé outre – Atlantique de très fortes amitiés médiatiques et
politiques. Ceci sans parler des prouesses de l’équipe de footbball
et de la troupe artistique du FLN qui ont participé activement au processus de
communication (avec le grand public).
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