DEFENSE- ENQUETES ET
REPORTAGES- .......- CHANGEMENTS- ARTICLE S. TLEMCANI/EL WATAN
Sur fond de changements
spectaculaires au sein de l’armée
Perquisitions aux domiciles de cinq généraux-majors
(c) Par SALIMA TLEMCANI/
El Watan, Lundi 18 SEPTEMBRE 2018
Alors que
des informations non démenties faisaient part de l’ouverture d’une
enquête judiciaire militaire contre cinq généraux-majors, Lahbib Chentouf, chef de la 1re Région
militaire (RM), Saïd Bey, commandant de la 2e RM, Abderrazak Cherif, chef de la 4e RM, Boudjemaa Boudouaouar, directeur
des finances au ministère de la Défense nationale, et Menad
Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale, dimanche soir, des
perquisitions ont été opérées aux domiciles de ces derniers sur ordre du
procureur près le tribunal militaire de Blida.
Hier matin, le
général-major Ahcène Tafer, commandant des
forces terrestres, le général-major Abdelkader Lounes,
commandant des forces aériennes, le général Remili,
directeur de la Caisse de sécurité sociale (militaire) ont fait l’objet d’une mise à la
retraite et de fin de fonction.
Depuis
samedi soir, pour ne pas dire depuis un mois avec les changements
opérés au niveau du commandement des Régions militaires et des forces armées,
la muette fait trop de bruit autour d’elle. Ce qui s’est passé durant cette fin
de semaine est surprenant et suscite de lourdes interrogations.
Les
perquisitions de dimanche soir ont fait l’effet d’un séisme. Il faut dire que
les mis en cause pèsent très lourd et certains d’entre eux sont connus pour
être des plus fidèles au chef de l’état-major de l’Anp
et vice-ministre de la Défense nationale, le général-major de corps d’armée
Ahmed Gaïd Salah. Leur mise à la retraite a été
d’ailleurs une surprise.
Tout a
commencé il y a quelques jours. «Des
informations ont circulé sur une enquête que la Présidence aurait demandée sur
l’enrichissement suspect de certains gradés de l’armée.
Le chef de
l’état-major de l’Anp ne pouvait rester en marge de
cette action, d’autant que l’affaire Kamel Chikhi a
fait tomber deux généraux-majors, qui lui étaient très proches, et certains
noms d’autres gradés étaient sur la liste.
De plus, il
ne faut surtout pas oublier que l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, a porté des accusations très graves et
tout le monde sait qu’elles étaient plus dirigées contre Gaïd
Salah que contre le patron de la Gendarmerie nationale.
Pour le
vice-ministre, il fallait qu’il anticipe sur les événements et lance lui-même
une opération d’assainissement»,
expliquent nos interlocuteurs.
C’est
ainsi que le procureur du tribunal de Blida est saisi et les cinq
généraux-majors sont priés de ne pas quitter le territoire national. «Mais vendredi dernier, le général-major Saïd Bey, qui avait en
main une prise en charge pour des soins à l’étranger signée par la caisse
militaire depuis des semaines, s’est présenté à l’aéroport où tout le monde le
connaît. Il est parti sans aucun problème avec ses papiers en règle.
D’ailleurs
une fois arrivé à destination, il a eu vent des rumeurs sur cette affaire d’ISTN(interdiction de sortie du territoire national, ndlr), il est revenu le lendemain. Mais les événements se sont accélérés.
L’ISTN est
devenue effective pour les cinq généraux-majors dès samedi, et le soir même,
des perquisitions ont été opérées à leurs domiciles en présence de leurs
familles», révèlent nos sources.
Vingt-quatre heures plus tard, le responsable de la police des frontières à
l’aéroport Houari Boumediène est relevé de son poste
et le directeur de la Caisse de sécurité sociale militaire, le général Remili, est radié des rangs de l’armée.
La muette
reste murée dans un silence de marbre. Hier matin, d’autres changements
sont tombés comme un couperet, alimentant davantage les rumeurs.
Le CFT
(commandant des forces terrestres), le général-major Ahcène Tafer, est admis à la retraite, il est remplacé par
le général-major Saïd Chengriha, qui était à la tête
de la 3e Région militaire, dont le commandement est confié au
général-major Mustapha Smaili. Il faut dire que le poste très convoité de CFT a
de tout temps été un tremplin pour l’accession au commandement de l’état-major
de l’Anp.
Le
général-major Abdelkader Lounes, commandant des
forces aériennes, connaît lui aussi le même sort et cède son
poste au général-major Mohamed Boumaaza. Il en
est de même pour le général Zenakhri, secrétaire général
au ministère de la Défense, qui se voit remplacé par le général Abdelhamid Ghris. D’autres changements ont touché la direction du
matériel et certains départements au ministère de la Défense.
Jamais
l’institution militaire n’a connu un mouvement aussi large en un laps de temps
aussi court. Pour nos sources, «ces
changements ne sont pas du seul fait du chef de l’état-major, mais aussi de la
Présidence. La liste des gradés à enlever ou à placer ne peut être validée sans
l’accord d’El Mouradia, où des retouches et des
corrections sont souvent apportées. Mais, depuis l’affaire de Kamel ‘‘le
Boucher’’, les choses ne sont plus les mêmes et les centres de décision ont
bougé.
Etant
lui-même pointé du doigt par une importante personnalité, comme le patron de la
police, le chef de l’état-major se devait de passer à l’action, quitte à
sacrifier quelques-uns de ses proches collaborateurs et sans prendre de
gants.
C’est ce qui
s’est passé avec les cinq généraux-majors dont les domiciles ont fait l’objet
d’une perquisition n’ayant abouti à aucun résultat pour l’instant», concluent nos interlocuteurs.
En tout
état de cause, ces nombreux changements à la tête de l’armée, mettent celle-ci
au-devant de la scène politique, et augurent probablement l’isolement, voire la
fin d’un règne d’un chef d’état-major qui détient, désormais, le record du
nombre d’années à ce poste.