FINANCES- ENQUETES ET REPORTAGES- ARGENT SALE-
BLANCHIMENT- EL WATAN (II/II)
Khalifa, Bedjaoui, Chakib Khelil et consorts : Délinquance financière : mode
d’emploi
A(c)
El WATAN/ NAÏMA BENOUARET
, LUNDI 1 OCTOBRE 2018
esselam Bouchouareb ,Abdelmoumen Khalifa , Chakib Khelil
En soulignant, dans une
précédent entretien à El Watan Economie, que «…les
Khalifa, Bedjaoui, Chakib Khelil,
Bouchouareb et consorts… ne sont certainement ni les
premiers ni les derniers à avoir plongé les mains profondément dans les biens
du peuple algérien.
Je dirais
même, l’avenir me donnera sans doute raison, que nous n’assistons qu’au
dévoilement d’une infime partie de la pointe d’un infini iceberg», Omar Aktouf, économiste mondialement connu et reconnu, n’avait,
finalement, pas tort. Le nouveau scandale du lait en poudre, version 2016,
rappelle un autre, ayant éclaté environ deux décennies auparavant, toujours
autour de faits de surfacturations abusives, fraudes caractérisées sur les
subventions et de blanchiment d’argent en Suisse et ailleurs.
Les deux
présumés fraudeurs : un organisme public, importateur de matière première et
fabricant de lait en sachet et autres produits laitiers (est du pays) et un
intermédiaire européen, basé à Bruxelles (Belgique). Le nom de la société écran
(Intar et Colibel) que
contrôlait ce courtier réapparaîtra quelques années après (1998) avec une autre
affaire de tentative de transfert illicite et de blanchiment d’argent. Mais, se
faisant passer pour un fabricant, c’est du médicament (des antibiotiques
injectables) qu’il devait fournir à une entreprise publique importatrice de
produits pharmaceutiques, en vertu d’un gros contrat conclu puis annulé pour
non-respect des clauses (qualité et origine douteuses des antibiotiques
livrés).
Le procédé
utilisé lui permit d’empocher 2,5 millions de dollars et ses complices
algériens une partie du magot, placé en secret à l’étranger. La même période,
une autre affaire politico-financière retentira depuis la wilaya de Skikda,
celle des fameux 84 containers de double concentré de tomate (DCT), mettant à
nu l implication de proches de l’ancien président Boris Eltsine et des hauts
cadres des services de sécurité militaire russes et algériens : pour le
règlement de la dette militaire contractée par l’Algérie dans les années 1960
et 1970, estimée 4,7 milliards de dollars, dont une partie sera effacée lors de
la visite en Algérie en mars 2006, il eut été décidé de fournir à la Russie
divers produits agroalimentaires algériens (dattes, olives, vins, produits
textiles, tomates…) d’une valeur ajoutée nationale de 60%.
A cet
effet, seront signés plusieurs accords commerciaux avec la Fédération de
Russie, dont celui du 22 décembre 1992. Ce qui ouvrit le boulevard à de folles
aberrations commerciales, à l’ image de celle des 84
containers de DCT et tant d autres. Importés d’Espagne par un jeune homme
d’affaires (34 ans à l époque), puis exportés, sans être déchargés du port de
départ (Skikda) vers la Russie, dans le cadre du programme de remboursement de
ladite dette militaire, avant d’être réexportés vers l Algérie après une virée
en Méditerranée, ces 84 containers se verront offrir une croisière qui durera
de longues semaines. Sur simples jeux d écriture, dit autrement des
transactions virtuelles, seront transférés des millions de dollars.
Rien qu en 1996, ces transactions commerciales, avec des
ex-membres du Kremlin et du KGB, tous reconvertis dans le négoce interlope et propriétaires
de grandes sociétés d’import-export, lui permirent d’encaisser auprès d’une
banque algérienne un chèque de… 80 millions de dollars : via sa première
société, 26 opérations d’exportation, 1993 et 1995, pour un montant totalisant
plus de 34 millions de dollars. La même période, 19 opérations réalisées par sa
2e société pour plus de 20 millions de dollars et une seule opération pour de
555 720 dollars réalisée par sa 3e société.
Très
généreux, ce golden boy, Abdelmoumen Khalifa des
années 1990, également propriétaire d’une société en offshore, aux Îles vierges
britanniques, paradis fiscal de renom, a dû verser des commissions de 4,3
millions de dollars à ses complices et à ses protecteurs, de hauts responsables
politiques, sans oublier les centaines de malades et de familles pauvres qu’il
prit en charge pendant des années. Et pas seulement : il aurait même
financé la réception organisée dans la Principauté de Monaco par des Algériens
de France en l’honneur du fraîchement élu président Abdelaziz Bouteflika qui
venait de participer au sommet économique de Davos (Suisse) de 1999.
Toujours
dans le cadre du remboursement de la dette russe, de hauts responsables
algériens, forts des liens étroits avec les milieux proches du Kremlin,
décidèrent de se lancer dans ce qui s avérera être un fort juteux créneau, à
savoir l’exportation de produits agroalimentaires vers la Russie. Le procédé de
ces nouveaux «hommes d’affaires» : la marchandise «made in Algeria» initialement exportée vers la Russie est
réexpédiée en Algérie via la Tunisie. Pourquoi cette halte en Tunisie ?
Les accords prévoyant de grands avantages et exonérations fiscaux entre pays de
l’UMA. Ainsi estampillés en Tunisie, les mêmes produits algériens qui devaient
atterrir en Russie étaient réintroduits en Algérie.
Ce
stratagème leur permettait d’éviter de lourdes taxes douanières et de
fructifier leur compte bancaire à travers des exportations fictives, de fausses
déclarations de vente, fausses factures, sociétés écrans et jeux d’écriture.
Bien que tout ce beau monde ait été happé dans la trappe de la justice, outre
les sanctions (mutation, radiation ou mise à la retraite d’office) dont feront
l’objet de hauts cadres des Douanes, du ministère du Commerce et des Finances
impliqués, le dossier des exportations algériennes vers la Russie pour le
paiement de la dette n’ a pas livré tous ses secrets. Et ce, sans parler de l’ affaire, toujours début 1990, des containers de café,
passée sous silence : le navire censé transporter ce produit pour le
compte d’un organisme public qui en fit la commande auprès d un fournisseur
étranger reviendra en Algérie après une expédition de plus de six mois qui
prendra fin quelque part au…
Vietnam,
avec à son bord des …pneus usagés au lieu du café ! Ou encore l’affaire
des milliers de tonnes de sucre achetés par un importateur auprès d’un trader
européen (JL) pour finir par être abandonnés dans un port, toujours à l’est du
pays. La marchandise et l’équipage du navire changés, à deux reprises, en haute
mer. Autant dire que chez nous, les pratiques mafieuses, la corruption, les
transferts illicites et le blanchiment d argent sont bien ancrés dans les mœurs
et les esprits, et ce ne sont, apparemment, pas les révélations des Panamas Papers ou les dénonciations du MROS suisse, la mobilisation
de la CTRF algérienne, la vigilance des douanes et services de sécurité ou
encore la surveillance du GAFI qui risquent de changer les choses. A moins
que……