HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECIT RACHID BELHABIB- « ENFANCE CONFISQUEE. MEMOIRES
D’ENFANTS..... »
Enfance confisquée. Mémoires d’enfants
dans le feu de la Guerre de libération nationale. Récit de Rachid Belhabib. Aframed Editions , Lieu d’édition
(non indiqué) 2011, 500 dinars, 263
pages.
C’est assez bien résumé : « Des
impressions d’une chronique avec des arrêts sur image.....témoins de spectacles
et joies et de jeux vite corrompus par les vicissitudes de la guerre ».
Bref, c’est un long, très long, trop long
(peut-être) récit d’un enfant habitant une petite ville (Bouira,
appelée « Bovera » ,
en raison de l’inscription sur le monument aux morts à l’entrée du square) ,
confronté aux difficultés de la vie dans une famille aux moyens comptés . Il y a ,
bien sûr, une famille unie dont le père s’use au travail. Il y a , surtout , la présence (tout particulièrement à l’école,
au niveau de tous ses paliers) d’autres enfants, des Européens, certains (dont
des enseignants) résolument austères et racistes (ou méfiants), d’autres (dont
des enseignants) compréhensifs (de la pauvreté des « indigènes ») et amicaux.
Il y a , surtout,
juste avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, une certaine
insouciance. Normal pour des enfants qui venaient à peine d’entrer en
maternelle (quelle chance tout de même !) en 1952. Une insouciance faite
de jeux et d’amitiés qui laisseront des traces , dans
les esprits, des décennies plus tard.
Au centre du groupe de copains, une véribale bande avec ses règles à respecter
, il y a , comme toujours, dans ces cas-là,un
boute-en-train, un animateur respecté et admiré pour son culot et ses
bêtises, pour ne pas dire son
« j’men-foutisme ». Chouka !
Grâce à sa physionomie débonnaire et ses élans naturels, ne pouvant se délester
de son amour (et de sa flûte) pour la vie dans
la ferme familiale , avec sa nature et ses animaux,il
sera , durant tout le parcours scolaire (maternelle et classes élémentaires
avec ses « années de guerre »), le moteur d’une
« résistance » face à l’injustice , bien souvent patente, des maîtres
racistes ou chauvins de l’heure (à l’école) qui s’escrimaient à vouloir faire
,des petits arabes , des « assimilés »..... qui
devaient demeurer au rang de subalternes
Les « années de guerre » vont faire naître l’éveil révolutionnaire. Surtout
lorsque les enfants vont assister au
« spectacle » d’un Martyr enchaîné par du fil barbelé à un poteau de
la grande Place, les mains liés derrière un buste décharné.Avec un écriteau « Cet homme est un
fellaga ! Voici le sort réservé aux
rebelles ! ». « Une enseigne semblable aux panneaux ricains
dressés à l’entrée des réserves d’Indiens ».Leur premier « soldat
inconnu », leur premier héros !
« Nous étions choqués mais enivrés
d’avoir contemplé l’émerveillement du visage d’un véritable combattant pour
notre liberté »
1962. Indépendance day !
La fête de l’Indépendance !Le voyage en micheline
pour Alger la Blanche. Chouka n’est pas du voyage,
resté à Bouira , heureux de retrouver son père tout juste sorti de la
prison de Berrouaghia.........Après l’enfance ,
l’adolescence , la jeunesse, l’âge adulte.....et à chacun son parcours dans le pays enfin
libéré. Mais le souvenir de Chouka restera dans
l’esprit de tous ceux qui l’ont cotôyé. Car, il avait
réussi « à nous faire confronter le combat inégal du jour contre la
nuit ». Car, c‘est une « âme d’un peuple de moutards dépouillés de
la magie de leur enfance ». Car c’est ,aussi,
« le substrat à la fois réel et irréel de pensées innocentes ».
Morale du récit : La résistance (un
combat) anti-coloniale est venue aussi d’ enfants......à l’ « enfance confisquée ».
L’Auteur : Diplômé
de médecine légale, D.e.a de pharmacologie et
toxicologie appliquée à l’expertise mentale, membre de plusieurs académies internationales . Auteur d’un autre ouvrage ( Aframed Editions, 2012)
Extraits : « Dans nos coutumes à cette époque-là, une mère n’accompagnait
guère son môme en dehors du perron de leur domicile. Et le paternel était tôt à
sa tâche pour nourrir sa famille » (p 54) ,
« Avant 1954, tu étais infréquentable pour ton statut d’indigène ;
depuis la guerre , tu symbolises la graine du futur rebelle » (p 115) ,
« Nous grandissions dans les bouleversements de la guerre, ses mauvais
jours mais avec l’espoir de devenir libres. Et nous y croyions fermement en
cette liberté . Au milieu de tant de deuils et de
peines, le cours des événements déviait notre propre destinée en la défiant. Et
nous évitions de perdre nos repères » (p 139),
Avis : La vie quotidienne d’une enfance globalement
insouciante, découvrant peu à peu les
injustices, le racisme puis les effets de la
guerre. Par
« flashes » ! Livre fourmillant de détails communs (presque banals) à toute une
génération (aujourd’hui presque septuagénaire) . Bien
écrit....mais avec tendance à transcrire directement – fond et forme- ce qui a
été vécu et ce qui est pensé
aujourd’hui....d’où une lecture quelque peu éreintante .Heureusemnt,
il y a comme une sorte de « douce nostalgie » ,
car nous rappelant une époque ,celle de notre enfance et de notre prime
jeunesse. Un vie dure certes mais si conviviale et si solidaire !
Citations :
« Avant 1954, tu étais infréquentable pour ton statut d’indigène ; depuis
la guerre, tu symbolises la graine du futur rebelle » (p 115),
« Politique (le régime des
prisonniers algériens) , c’est pour la guerre contre la France. Le droit
commnun, c’est pour les bandits à main armée, les
voleurs et autres délinquants. Alors, les français ,
ce sont des droits communs, car ils nous ont pris notre pays avec des canons.
Ce serait bien si quelqu’un les condamnait... » (p 169), « L’atteinte
de notre dignité d’enfants forgea en nous la révolte. Nous espérions aller au
maquis, avoir des missions et mourir en martyrs » (p 197),
« Quelle que soit l’issue d’un
événement, l’histoire archive des chroniques indélibiles »
(p 219), « La vie est une lutte sensée où la liberté est en otage »
(p 228), « La civilsation est une architecture
de réponses. Sa perfection , comme celle de toute
demeure, se mesure au confort que l’homme y éprouve, à l’appoint de liberté
qu’elle lui procure « (p 231), « Un enfant naît libre pour grandir en
se grisant de jeux. Puis, il acquiert des mots clés pour pénétrer les mystères
de la vie. Ensuite , par besoin, , il perce le secret des choses, à la
recherche d’un monde merveilleux où l’amitié est éternelle « (p 258),
« Tu peux pardonner, mais tu ne peux guère tout oublier, pour que demain,
aucun maître ne gifle avec rage un enfant, pour qu’aucune ombre ne rabroue
notre Peuple, pour qu’aucune âme ne soit victime d’holocauste » (p 258),
« Les conflits déterminent machinalement des bouleversements qui perdurent
au-delà des armistices . Mais , un jour, les peuples
se réconcilient « (p 259).