FINANCES –BOURSE- BOURSES AFRICAINES 2018
(c) Idriss Linge/Ecofin (mi-octobre
2018)
Pour le commun des opinions
publiques africaines, la connaissance des marchés financiers se limite à ce qui
se passe directement dans leurs pays ou leur sous-région, voire en Afrique du
Sud, sans conteste le marché financier le plus important du continent. Les
bourses du Nigéria, de l’Egypte, du Maroc ou encore du Kenya font également
parler d’elles. Mais il existe aussi, depuis des décennies, des places
financières africaines importantes situées en dehors de l’Afrique...
L’Afrique
a mis du temps à s’intégrer dans la modernité des marchés financiers, mais elle
y est aujourd’hui bien présente. Plusieurs pays de la région disposent de
marchés financiers dynamiques, dont le plus important tant en terme de valorisation et de volume des transactions est le Johannesburg
Stock Exchange, le marché financier sud-africain.
Aussi,
ces dernières années, l’Afrique est entrée progressivement dans le portefeuille
de investisseurs internationaux à travers plusieurs
stratégies. On retrouve ainsi des fonds d’investissement spécialisés sur les
marchés frontières et émergents, qui comptent en leur sein, des entreprises
africaines cotées de référence. Les marchés principalement ciblés sont ceux de
l’Afrique du sud, le Maroc, l’Egypte, le Kenya et le Nigéria. Quelques
entreprises de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilière de l’UEMOA attirent
aussi des institutionnels non-africains. Les engagements se font de manière
directe ou, de plus en plus, via des Fonds Indiciels Cotés (ETF).
Londres,
la deuxième place financière africaine après Johannesburg
Mais
l’intégration africaine sur le marché financier international va désormais
au-delà de la région. Plusieurs places financières abritent aujourd’hui des
centaines d’entreprises, dont le principal lieu des opérations est le « continent
noir ». C’est le London Stock Exchange, le marché financier
britannique, qui incarne le plus cette réalité.
Le
moins qu’on puisse dire, c’est que l’arrivée de la première entreprise
africaine sur ce marché financier a été explosive. En 1930, la société
sud-africaine African Explosives & Industries a
décidé de faire le pas. Elle est toujours présente sur le London Stock Exchange
et elle est la pionnière d’une série d’initiatives qui se poursuivent jusqu’à
nos jours.
L’une
des dernières introductions boursières africaines sur ce marché financier est
celle de Rainbow Rare Earths,
une société opérant majoritairement au Burundi et qui est spécialisée dans
l’exploitation des terres rares. En 2017, elle est parvenue à rentrer sur la
cote principale du London Stock Exchange, levant au passage 8 millions $,
qui ont servi au financement de ses opérations en Afrique. Une telle opération
n’aurait pu être possible au Burundi qui ne dispose pas d’un marché financier.
Certaines
autres entreprises africaines arrivent sur le marché financier londonien, pour
mobiliser des ressources en vue de soutenir leur expansion. C’est le cas de la
compagnie nigériane Seplat Petroleum
qui, en 2014, est parvenue à mobiliser jusqu’à 500 millions $. Les
statistiques sont aujourd’hui sans équivoque. Londres est devenue la deuxième
bourse africaine, juste après l’Afrique du Sud. A la fin de l’année 2017, les
111 sociétés africaines qui y sont cotées était valorisées à près de 150
milliards $. Aussi, rien que sur les 12 dernières années, les ressources
mobilisées par ces entreprises ont frôlé les 30 milliards $.
L’autre
place financière africaine de poids située à l’étranger, c’est le Toronto
Stock Exchange, le marché financier canadien. La révolution de ce marché
par rapport à l’Afrique est surtout venue avec l’émergence des juniors
minières. Ces entreprises de petites tailles sont présentes dans beaucoup de
pays africains, en quête de potentiel minier à développer et à vendre ensuite à
de plus gros acteurs.
Le
secteur minier est en effet la plus importante source d’investissements privés
étrangers sur le continent africain, et les investisseurs canadiens sont depuis
longtemps, au cœur de ce boom. Plusieurs facteurs ont présidé à l’émergence des
sociétés minières canadiennes en Afrique : le secteur minier a l’avantage
d’offrir des occasions d’affaires facilement identifiables et mesurables.
Aussi,
pour un produit de qualité supérieure, les coûts de production et
d’exploitation sont moindres en Afrique qu’au Canada. Enfin, la rentabilité des
sites canadiens, dont les réserves ont beaucoup diminué, était en baisse et,
pour assurer leur survie, les entreprises canadiennes ont dû explorer de
nouveaux gisements.
En
2016, on retrouvait près de 96 entreprises minière
canadiennes, dont une majorité était cotées sur le Toronto Stock Exchange. Dans
une récente étude publiée par la firme de consulting et d’audit PwC, on a pu apprendre, qu’en 2017, les valorisations dans
ces petites entreprises minières ont augmenté pour la deuxième année
consécutive.
On
notera cependant, que même si elles ont mobilisé un volume important de
ressources, les juniors minières canadiennes ont été moins portées vers les
investissements. Les analystes de PwC pensent
qu’elles ont tiré les leçons du passé, quand elles ont perdu beaucoup d’argent
après avoir investi dans des actifs dont la rentabilité a baissé.
L’Afrique
se trouve également présente sur le marché international de la dette. Les Etats
sont de gros acteurs de ce segment. Plusieurs raisons les ont poussés à
recourir au marché international des capitaux. Dans des pays comme le Ghana, la
principale raison avancée était le besoin de financer des infrastructures
nécessaires pour sa transformation structurelle. Le Nigéria quant à lui a
expliqué son arrivée sur le marché international de la dette, par le besoin
d’établir des cours de référence pour ses obligations.
Cette
arrivée des gouvernements africains sur le marché international des capitaux
est assez récente. Avant 2009, l’émission d’obligations souveraines
(internationales) pour les pays de l’Afrique subsaharienne était négligeable.
Cette tendance s'est inversée à partir de 2008, lorsqu’est survenue la crise
financière internationale qui a eu l’effet inattendu de pousser les
investisseurs rechercher des titres à hauts
rendements. Entre 2010 et 2012, les émissions étaient modérées, avec des
émissions annuelles comprises entre 1,5 et 2,5 milliards de dollars. Toutefois,
en 2013 et 2014, elles ont encore augmenté, dépassant respectivement 5,1 et
6,25 milliards de dollars.
En
plus des Etats, les entreprises ont également investi le marché international
de dette. Entre 2013 et 2017, on compte au moins 102 sollicitations du marché
international de la dette par des entreprises africaines, pour un total de près
de 31,4 milliards $, selon des données fournies par PwC. Ce volume a été
soutenu par de gros émetteurs comme les géant sud-africain Nasper
et Simbanye Stillwater, qui en 2017 ont mobilisé
chacun 1 milliard $. Le groupe bancaire américain Citi,
lors d’une récente rencontre avec la presse et les ONG à Dubaï, a révélé que le
potentiel de croissance des émissions internationales africaines demeure
intact. A seulement 49,8 milliards $, le stock de la dette africaine
demeure encore soutenable.