ENVIRONNEMENT –
ENQUETES ET REPORTAGES- INONDATIONS- DOSSIER LIBERTE
(c)
par : Badreddine Khris/ Liberté, mardi 25 septembre 2018
Depuis la
promulgation de la loi relative aux catastrophes naturelles en 2004, suite aux
inondations de Bab El-Oued du 10 novembre 2001, rien
n’a été fait pour protéger les personnes et les biens contre ce phénomène.
Les récentes inondations qui ont
ravagé la ville de Constantine prouvent encore une fois que l’Algérie ne
dispose toujours pas d’une véritable stratégie de prévention contre les risques
majeurs. Depuis la promulgation de la loi relative aux catastrophes naturelles
en 2004, suite aux inondations de Bab El-Oued du 10
novembre 2001, rien n’a été fait pour protéger les personnes et les biens
contre ce phénomène. L’on assiste toujours à ces calamités naturelles, surtout
à ces inondations sans aucun moyen d’intervention ou de protection. Les
citoyens se résignent impuissants à subir les effets de toutes ces tragédies.
Ce n’est pas le cas dans d’autres pays touchés, eux-aussi, par les mêmes
désastres, où des “stratégies de prévention ont été élaborées et mises en
application sur le terrain par le biais de scénarios catastrophes qui
représentent de véritables soubassements d’une politique d’anticipation
permettant de réduire de plus de 80% les méfaits engendrés par ces
bouleversements naturels et industriels”, indique le
Pr Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique
et numérique sismologie. Pour lui, le “constat lié à l’échec lamentable de
toute politique de protection des personnes et des biens vis-à-vis des
catastrophes, est parlant”. Il en veut pour preuve, les inondations
enregistrées ces trois dernières semaines dans les wilayas de Tébessa, de
Batna, de Sidi Bel-Abbès, d’Oum El-Bouaghi, d’In Guezzam, d’In
Amenas et de Constantine avec des pertes en vies humaines et matérielles
très importantes totalisant des centaines de milliards de centimes. Concernant
les dernières inondations, explique le professeur Chelghoum,
qui est également président du Club des risques majeurs, il est clair que la
cause principale des pertes est “l’implantation de grands projets d’habitations
et d’infrastructures sur des terrains inondables, situés aux abords des oueds
et sur des lits mineurs et majeurs des oueds dans toutes les wilayas”. Ce qui a
provoqué, précise-t-il, une “remontée importante des eaux, accompagnée de
glissements et d’effondrements de terrains, et ce, en dépit des dispositions de
la loi de 2004 qui interdit formellement la réalisation d’ouvrages sur ces
zones qualifiées de zones non-aedificandi (non
constructibles)”. Un tel constat concerne, souligne Abdelkrim Chelghoum, plus de 700 communes parmi les 1 541
d’Algérie. “Malheureusement, les pouvoirs publics font la sourde oreille et
laissent traîner, gèrent au jour le jour sans méthodologie ni aucune évaluation
des risques majeurs auxquels est confronté notre pays”, déplore-t-il.
700 communes exposées
Comme le risque est la confrontation directe entre l’aléa (danger) et les
enjeux (population et constructions) et compte tenu de l’absence totale
d’études d’impact et de risques, propres à chaque région, “nous assistons à la
multiplication des risques par 8, voire 9”, regrette-t-il encore. Depuis le
lancement de manière aléatoire il y a plus de vingt ans de ce projet
d’autoroute, les axes autoroutiers sont devenus inondables avec des
affaissements et des effondrements tout le long de son tracé, d’est en ouest.
Les inondations menacent l’ensemble des wilayas notamment les grandes villes
situées sur des bassins versants et traversées par des oueds telles que Tizi Ouzou, Batna, M’sila, Béchar, Bordj Bou-Arréridj,
Ghardaïa, Alger… Une chose est certaine, les experts s’accordent à dire que
l’affectation inappropriée des sols tel que cela a été fait à Ghardaïa, la
mauvaise gestion hydraulique comme c’est le cas à Aïn
Defla, Bouira et Tizi Ouzou, la réaffectation des
terrains agricoles devenus urbanisables dans la Mitidja, notamment à Alger, les
palmeraies urbanisées, ainsi que d’autres opérations de planification
territoriale et urbaines ont contribué au déclenchement de ces événements
catastrophiques. D’ailleurs, 53% des constats établis après ces différentes
calamités indiquent que les dégâts sont dus à toutes ces actions entreprises
par l’être humain. Depuis quelques années, on note en moyenne trois inondations
par an à travers le territoire national. Selon certaines statistiques d’experts,
Constantine se distingue fortement parmi les différentes localités touchées et
accumule 15,6% des cas sur l’ensemble des données recensées, suivie de Tizi Ouzou avec 8,9%, Aïn Defla avec 5,6%, puis Alger,
Ghardaïa et Bouira avec 4,4%. Ce phénomène s’accentue
surtout avec l’absence d’une cartographie nationale qui identifie les zones
inondables dans notre pays.
Principaux événements
En Algérie, les inondations figurent parmi les catastrophes naturelles les plus
fréquentes et les plus dévastatrices dans certains cas, touchant plusieurs
régions, atteignant parfois l’ampleur d’une catastrophe nationale telles
que :
- Tizi Ouzou (1971) : 42
morts et des centaines d’habitations détruites
- Tizi Ouzou (1974) : 52
morts et 18 000 sinistrés
- El-Eulma (1980) : 44 décès
- Annaba (1982) : 28 décès et 9 500 sinistrés
- Jijel (1984) : 29 décès et 11 000 sinistrés
- Bordj Bou-Arréridj (1994) : 18 décès et des
milliards de dégâts
- Bab El-Oued (2001) : 800 décès et 115
disparus
- Ghardaïa (2008): 100 victimes
- Khenchela (2013)
Il faut noter que les quatre
premières catastrophes citées dans ce tableau relèvent de la catégorie liée à
des situations météorologiques exceptionnelles. Les deux dernières ont trait à
l’activité humaine comme celles qui inondent presque chaque hiver la ville de
Tiaret. Parmi les régions sujettes aux inondations dues principalement au site
topographique défavorable, on peut citer les villes de Batna, de Médéa, d’Aïn Defla et de Tizi Ouzou, situées au piémont de
montagnes. Oued Rhiou, Sidi Bel-Abbès,
BBA, Batna et M’sila sont, elles, traversées par des
oueds. Il n’existe pas de régions en Algérie prémunies contre ce risque. Ces
événements demeurent imprévisibles dans le temps et l’espace, et constituent
une des contraintes majeures pour le développement durable du pays.
25 milliards de
dinars de dégâts en 2018
Les catastrophes naturelles enregistrées en Algérie en 2018 ont causé 25
milliards de dinars de dégâts, a indiqué, jeudi dernier, à Constantine, le
délégué national aux risques majeurs auprès du ministère de l’Intérieur, des
Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Tahar Melizi. Il a indiqué que jusqu’au 19 septembre dernier, les
catastrophes naturelles, notamment les inondations qui ont touché
diverses régions du pays (18 wilayas), ont coûté à l’État 25 milliards de
dinars.
Deuxième risque
majeur après les séismes
< Parmi les quatorze risques
majeurs répertoriés par l’ONU, le risque d’inondations en Algérie fait partie
des dix risques majeurs répertoriés sur le territoire et cités par la loi 04-20
du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et la gestion
des catastrophes dans le cadre du développement durable (Jora.,
2004). Il est en deuxième position après les séismes et les risques géologiques
dans le classement national des risques majeurs, vu l’ampleur des dégâts
matériels et immatériels engendrés.