CULTURE-
RELIGION- ISLAM- CONFRERIE DARQAWIYA
A la fin du 13ème siècle de l’Hégire (fin du 18ème
siècle de l’ère chrétienne) est apparu à Tlemcen, un mouvement spirituel, celui
des Derqaoua. Celui-ci fut fondé dans la région de Fez, au Maroc, par
Cheikh Moulay El-‘Arbi Ed-Darqaoui, qui y naquit en 1757. Ce dernier disait
de lui-même : «Bienveillant à mon égard, Allah a fait que, chaque
fois que j’évoquais son Envoyé- Prière et Salut de Dieu soit sur lui, ses
Proches et ses Compagnons- je le voyais devant moi, lui et ses 10 nobles
compagnons promis au Paradis. Il était à mes côtés, réalité intangible. Je
le questionnais sur beaucoup de choses et j’apprenais ainsi par la grâce
d’Allah et Sa miséricorde, directement de la bouche du Prophète». À chaque
fois aussi, consignent des textes de l’époque, qu’il évoquait le Messager
de Dieu, «il changeait d’état spirituel et son corps était pris de frissons,
ses yeux rougissaient et son état intérieur transparaissait sur son
visage».
Celui qui est considéré comme le plus grand disciple
de cheikh Darqaoui est sans conteste Cheikh Sidi Abou Abdallah El-Bouzidi
El-Ghomari. Celui-ci est né en 1160 de l’Hégire (correspondant à
l’an 1747 de l’ère chrétienne) à Ghomara, au Maroc. Il a vécu 64 ans qu’il
a voués à Allah et à son invocation (dikr). Il fut nourri du nectar de la
sainteté dès sa prime jeunesse, fréquenta les Connaissants, les Saints et
les gens de modération, s’abreuva à leurs sources et s’enivra de leur eau pure.
Il composa un livre sur le soufisme ayant pour titre «Er-Rissala». Par son
dévouement, sa pureté d’intention dans l’adoration d’Allah, il acquit
la science exotérique et ésotérique. Sa zaouia à Ghomara
est devenue le lieu de rassemblement des savants et des gens simples, en
quête de lumière, jusqu’à nos jours.
Il disait de lui-même : «
Bienveillant à mon égard, Allah, a fait que chaque fois que j’évoquais son Envoyé – Prière et Salut d’Allah sur lui, ses Proches et ses Compagnons ! – je le
voyais devant
moi, lui et ses dix nobles Compagnons promis au Paradis. Il était à
mes côtés, Corps et Âme, Réalité intangible. Je le questionnais sur
beaucoup de choses et j’apprenais ainsi par la grâce d’Allah et Sa
miséricorde directement de la bouche du Prophète. » l’agréé !.
Dans l’Ouest algérien, la confrérie Darqawiya
s’implanta grâce à Cheikh El-Hadj Mohammed El-Hebri
El-Azzaoui. Celui-ci vivait à Taghit, dans le territoire des Beni
Zenassen, au Maghreb El-Aqça. «Il faut rappeler que la confrérie
Darqawiya (et El-Hebriya, désormais) s’est répandue sous la houlette
du Cheikh Sid-Ahmed Ed-Doukkali, le savant érudit et jurisconsulte de la pensée
conceptuelle musulmane, dans la région de Beni-Snous qui faisait alors partie
du governorat de Tlemcen» nous apprend l’auteur de «La chaîne d’or», Hadj
Mustapha Lachachi. «Le cheikh fondateur de la confrérie, El-Hadj Mohammed El-Hebri,
l’avait investi pour propager cette nouvelle voie spirituelle. Il se rendait
souvent à Tlemcen où il dispensait à ses élèves des cours de monotheïsme et de
logique et leur transmettait les «wirds» (invocations propres à chaque tariqa)
et les «dikr» (remémorations de Dieu) de la chaîne initiatique soufie.
Cheikh El-Hadj Mohammed El-Hebri El-Azzaoui, quant à
lui, est né en 1239 de l’Hégire, dans la même semaine où est décédé Cheikh
Moulay E-‘Arbi Darqaoui. Il vécut jusqu’à l’âge de 78 ans, homme pieux, savant
humble, cherchant la vérité. De son père, il descendait du Purifié – Prière et
Salut divin sur lui- par la voie de Lalla Fatima, et du côté maternel, il était
lié à Fatima Ezzohra- qu’Allah l’agrée!- la fille du prophète Mohammed. Très
jeune, il parlait déjà peu et se nourrissait des invocations de Dieu et de la
lecture du Coran. «J’ai vécu, disait-il, une période durant laquelle j’ai
pris pratiquement la psalmodie du Coran comme métier». Dans sa quête spirituelle,
il rejoignit, au djebel Kerkar, son maître Sidi Mohammed Ben-Kaddour El-Oukili,
auprès de qui il reçut l’initiation puis fonda au djebel Taghit, dans les Beni
Zenassen, sa première zaouia. Ses «karamates», que lui avaient
accordées le Seigneur, lui prodiguaient le respect de ses disciples. «Il
voyait, rapportaient ces derniers, à travers la lumière divine ce que les
autres ne voyaient pas. Il parcourait, en un éclair, les distances et devinait
les noms de ses visiteurs avant leur arrivée. Il préparait leur réception en
disant : « C’est Untel qui va venir». Il enseignait les sagesses et
recommandait à ses élèves d’être «blancs comme la colombe, fiers comme l’aigle,
vigilants comme le corbeau, ponctuels comme le coq et fidèles comme le pigeon».
Hadj Mohammed El-Azzaoui El-Hebri eut plusieurs
disciples qui se sont illustrés dans la Voie droite et dont Tlemcen et d’autres
villes d’Algérie ont retenu le nom. Parmi eux, Hadj Mohammed Ben-Yelles,
l’homme qui appela, en octobre 1911, à la «Hijra» pour récuser l’obligation
faite aux enfants musulmans algériens de servir dans l’armée coloniale. Cheikh
Ben-Yelles naquit, à Tlemcen, en l’an 1854. Il a été initié dans la Voie
par Cheikh Sid-Ahmed Ed-Doukkali lui-même et par El-Hadj Mohammed El-Azzaoui
El-Hebri, les deux maîtres spirituels que nous avons cité
plus haut. C’est à Cheikh Ben-Yelles que revint le mérite de
l’extension de la confrérie Darqawiya à Tlemcen et ses environs.
L’homme était généreux et dépensait ce que lui donnait Allah au profit des
fokaras (les humbles apprenants) et pour répandre la Voie. D’ailleurs, il ne
laissera à ses enfants, ni argent ni bien terrestre, excepté une haute
réputation et une bibliothèque. Lorsque fut instituée, en 1911, la loi
sur la conscription obligatoire en Algérie par l’administration coloniale
française, nombre de familles tlemceniennes décidèrent de quitter le pays
et d’émigrer vers des pays musulmans. Beaucoup d’entre elles partirent en
Syrie, d’autres en Turquie ou au Hidjaz. Cheikh Ben-Yellès, bravant
l’interdiction de quitter Tlemcen que lui signifièrent les autorités
coloniales, prit secrètement la route de Saïdia (Maroc) traversa
le Rif, qui était sous influence espagnole, et parvenant à
Tanger (qui était un territoire international) s’embarqua de là pour
Damas. Il y prit ses quartiers dans la Mosquée Azzeddine, près de
Bab-El-Djabiya et dispensa son enseignement spirituel dans la
zaouia Samadiya du quartier «Chaghour». Au cours de la révolte de
1925, dans son pays d’adoption, les autorités françaises l’arrêtèrent ainsi que
son fils, Cheikh Ahmed, en les accusant d’avoir participé au soulèvement de la
population syrienne.
Un autre éminent cheikh de la tariqa Darqawiya, à
Tlemcen, est Sidi Abou Bekr El-Ma’çoum. C’était un homme de science
et un grand soufi. Son père décéda alors qu’il était très jeune et c’est
son oncle Sidi Chouaïb, alors cadi de Tlemcen, qui le prit sous son
aile. Grâce à la proximité de la maison du Cheikh Chouaïb (où il
résidait) avec la zaouia du Cheikh El-Hadj Mohammed Ben-Yellès,
Cheikh El-Ma’çoum s’y rendait à la fin de ses cours avant de finir par
rejoindre ses rangs. En compagnie de ce dernier, il rendit un jour visite
au Cheikh éducateur, le Connaissant en Allah, El-Hadj Mohammed El-Hebri
El-Azzaoui. Celui-ci l’initia au Nom divin et l'encouragea à entrer dans une
retraite d’abord intérieure d’où il ne s’extirpa qu’après un mois. Il lui
ordonna ensuite de voyager pour mieux connaître les foqaras. Ainsi,
il connaîtrait mieux la Voie. Et c’est à Sidi El-Ma’çoum qu’échut
le privilège de la protection du mausolée de Sidi Abou Mediene, le saint patron
de Tlemcen. Il occupa la demeure contiguë au mausolée, dans le quartier
d’El-Eubbad. Son maître spirituel, Cheikh El-Hadj Mohammed El-Hebri lui
recommandait de s’occuper des pauvres et des indigents. Sidi
El-Ma’çoum mourut en 1338 H/1920 à l’âge de 45 ans et fut enterré
dans le voisinage du tombeau de Sidi Boumediene El-Ghaouth. Il est à
signaler que ses ancêtres se sont naguère installés dans le village
d’El-Eubbad afin de rester proches de Sidi Boumediene, et cela depuis près de
deux siècles. Ils avaient la charge du prêche, de l’enseignement et des
prières quotidiennes à la mosquée du maître des maîtres, le grand Chouaïb
Abou Mediene, depuis l’époque ottomane et jusqu’à nos jours.
Un autre cheikh célèbre, Sidi El-Hadj Ahmed Ben
Mostefa Benalioua (Cheikh al-Alawi), le chef de la zaouia de Mostaganem, fut
initié dans la voie Darqawiya par l’intermédiaire du grand maitre soufi
Cheikh Sidi Mohamed lbn El-Habib El-Bouzidi, connu sous le nom de Sidi
Hamou.