FINANCES – ETRANGER- - FONDS SOUVERAINS-ETUDE
A.MEBTOUL (Extraits)
« .....C’est le travail et l’intelligence s’articulant
autour des bonnes institutions (bonne gouvernance) qui redonnent confiance aux
citoyens et font le développement d’une Nation.
Les fonds souverains émanent de riches Etats disposant de
beaucoup de cash mais leurs stratégies diffèrent de pays à pays.
Les fonds souverains sont de plus en plus présents dans
l’économie mondiale. Sous la responsabilité directe ou indirecte des Etats, ils
gèrent des actifs financiers dans une logique de plus ou moins long terme. Il
existait en 2017 plus de 40 fonds souverains. Mais fonds souverains
seraient aujourd’hui plus d’une cinquantaine dans le monde, gérant un total
d’actifs estimé à près de 7500 milliards de dollars en 2017 par le Sovereign Wealth Fund Institute.
Alors que les investissements directs
étrangers ont reculé de 23 % à 1.430 milliards de dollars
en 2017 par rapport à 2016 selon la Cnuced,
il s’avère que la rentabilité des fonds souverains est également en repli.
L’Asie reconquiert sa place de première destination. Parmi les plus
importants fonds souverains, nous retrouvons les fonds de l’Etat norvégien
(NBIM et Government Pension Fund),
Adia (Abu Dhabi Investment Authority), le saoudien SAMA Foreign
Holdings, les chinois SAFE Investment Company et China Investment
Corporation, Kuwait Investment Authority,
les singapouriens Temasek
Holdings et Government of Singapore Investment Corporation, les russes RDIF et National Welfare Fund. Leur nombre exact
reste difficile à connaître, en raison d’une définition variable et
d’un manque de transparence de certains Etats.
Néanmoins, nous pouvons identifier les cinq fonds les plus
connus dans le monde.
Premièrement, le fonds norvégien, Government Pension Fund créé en
1990 qui a une valeur estimée supérieure à 1.000 milliards de
dollars, selon les chiffres de la Banque de Norvège qui s’occupe de son audit
annuel. avec pour pour
objectif de rentabiliser les ressources pétrolières du pays. Depuis plus de 25 ans,
le fonds ayant investi depuis 25 ans dans des milliers
d’entreprises, détenant des participations dans quelque 9.000
entreprises, représentant environ 1,3 % de la capitalisation mondiale.
Deuxièmement, nous avons le fonds
d’Abou Dhabi. Créé en 1977, l’Abu Dhabi Investment Authority (ADIA) représentant environ
850 milliards de dollars. Le fonds est chargé d’investir les revenus
pétroliers de l’émirat et a investi dans les actions des pays
développés, notamment aux Etats-Unis et en Europe, avec plusieurs dizaines de
milliards de dollars i dans des activités de capital investissement et dans des
hedge funds.
Troisièmement, nous avons le
fonds souverain China Investment Corporation (CIC)
lancé en 2007 est l’un des quatre fonds chinois responsable de la gestion des
réserves de change étant passé de 200 milliards à
800 milliards de dollars d’actifs, avec des prises de participation comme
celle prise dans Morgan Stanley pendant la crise des sub-primes
et sur les marchés européens où le fonds souhaite investir dans les
infrastructures, l’énergie, l’eau et l’immobilier.
Quatrièmement, nous avons Saudi Arabian Monetary
Agency (SAMA), le fonds souverain saoudien, créé en
1952 avec un peu plus de 500 milliards de dollars qui investit
une grande partie de ses actifs dans des produits peu risqués, principalement
des obligations d’État. A côté de ce fonds, les autorités saoudiennes ont
annoncé en 2016 qu’ils veulent transformer le Public Investment
fund, créé en 2008, et lancer le plus grand fonds
souverain de tous les temps. Il devrait réunir jusqu’à 2.000 milliards de
dollars.
Cinquièmement, nous avons
le Qatar Investment Authority
(QIA) qui est le fonds d’investissement souverain de
l’émirat du Qatar avec environ 300 milliards USD d’actifs en
investissant dans différents secteurs à travers le monde. Mais
l ‘économie qatarie est sous pression depuis que l’Arabie
Saoudite, le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis et l’Egypte ont rompu leurs
relations diplomatiques et économiques avec ce petit pays du Golfe.
Mais que représentent ces montants face à une financiarisation
accrue, une déconnexion de la sphère réelle et financière dans le monde
où la capitalisation boursière mondiale a atteint
environ 93.000 milliards de dollars fin 2017, un
nouveau sommet historique équivalant à 120 % du PIB mondial de 2017.
Selon Philippe Béchade dans www.businessbourse.com,
les politiques monétaires qui ont suivi la crise financière de
2008 (Taux extrêmement bas + impression monétaire à gogo) ont envoyé les
marchés boursiers mondiaux à des niveaux sans précédent, elles ont aussi
favorisé l’explosion de l’endettement des ménages, des entreprises et des
Etats. On se retrouve aujourd’hui avec des bulles sur quasiment l’ensemble des
classes d’actifs. Par exemple en juin 2017, les banques centrales
injectent chaque mois 200 milliards de dollars dans les marchés, c’est-à-dire
que l’on investit 3 dollars, euros ou yens pour créer dans le meilleur des cas,
1 euro de PIB supplémentaire. Et dans certains cas, on en est même à 4 voire 5
dollars, euros ou yuans créés, pour maintenir un semblant d’activité ou de
croissance. Face à ces fonds souverains, les Etats-Unis ont adopté une
législation visant à empêcher ces fonds de contrôler des secteurs affectant
leur sécurité nationale. En Allemagne, en France et aussi en Grande-Bretagne,
on envisage de telles mesures de défense.Rappelons en
2005, les USA ont essayé d’interdire à l’opérateur portuaire Dubai Ports World de mettre la main sur les
cinq terminaux qualifiés de
« stratégiques » et le commissaire européen de
l’époque a évoqué la possibilité de recourir aux actions
préférentielles pour protéger les entreprises stratégiques.Dans le cadre de règles mondiales de
gouvernance applicables aux fonds souverains, le FMI a établi des codes
de conduite pour les régir afin de garantir la transparence de l’origine et la
gestion de ces fonds. En octobre 2008, les pays
développés ont adopté une charte de bonne conduite sous l’égide du
FMI, baptisée ” Principes de Santiago “, qui compte 24 règles concernant
notamment la transparence, l’audit externe et le reporting.Mais
il est utile de souligner que ces fonds ont permis de rééquilibrer
l’important déficit de la balance de paiement américaine.
Et en gardant leurs réserves en dollars, les pays arabes notamment
avec d’autres pays comme la Chine contribuent du fait au
déficit budgétaire important américain à atténuer la
baisse de la cotation du dollar par rapport à certaines monnaies clefs comme
l’euro qui reste malgré tout la monnaie de référence par excellence dans
les transactions internationales.
Quelles leçons maintenant pour l’Algérie ? Pour que l’Algérie se
dote d’un véritable fonds souverain, elle doit respecter au moins 5 critères.
Premièrement, une bonne
gouvernance interne (solidité et moralité des
institutions), ce qui est loin d’être le cas en Algérie où
la corruption menace la sécurité nationale, le manque de
stratégie, de visibilité et de cohérence dans la démarche de la politique
socio-économique. .........
Deuxièmement, la gestion des
ressources humaines par la revalorisation du
savoir dont une spécialisation très fine dans l’Engineering financière et
le management stratégique qui nécessitent un minimum de 10 ans
d’expérience. ..........
Troisièmement, il faut avoir à la
fois un système financier national performant. Ce qui est loin d’être le
cas avec des banques qui sont des guichets administratifs totalement
déconnectés des réseaux internationaux et une bourse en léthargie, des
entreprises d’Etat en difficultés achetant des entreprises d’Etat en
difficultés, un inceste économique unique dans les annales de la finance.
Quatrièmement, avoir une surface
financière appréciable tenant compte des
dépenses pour le développement. Avec les différentes mesures
gouvernementales de la règle des 49/51%, licences d’importation, de restriction
de l’apport étranger pour utiliser presque à 100% les fonds publics. Avec la
chute du baril par rapport à 2010 et du prix de cession du gaz, la surface
financière est donc relativement faible malgré les difficultés
d’absorption qui a entraîné la mauvaise gestion à tous niveaux. ........
Cinquièmement, il faut revoir le
code pénal dépénalisant les actes de gestion qu’il ne faut pas confondre avec
la corruption et actes coercitifs qui démotivent. ...............
En résumé, il faut être modeste : que représente ce modique
montant des réserves de change qui va en décroissant, cumulé sur plusieurs
années en raison essentiellement de l’envolée des cours du pétrole, par rapport
à une année d’exportation d’un pays comme l’Allemagne qui a engrangé plus de
1279 milliards de dollars en 2017 ( 13 fois les réserves de change
de l’Algérie) ? Pour l’ensemble de ces raisons, l’Algérie doit faire preuve de
prudence »
Par le Professeur des universités et expert international
: Abderrahmane MEBTOUL (septembre 2018)